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Quand écrire ses mémoires ? Post-mortem, c’est généralement trop tard. Trop tôt, on n’a pas toujours grand-chose à dire. Michel Marmin semble avoir choisi le moment idoine. À soixante-dix printemps bien sonnés, mais vaillamment portés, il a tant de choses à dire et, manifestement, encore plus d’autres à faire.

Pour ceux qui s’intéressent en même temps au cinéma, à la religion, à la politique, à la littérature, au journalisme, à la musique, Michel Marmin incarne un peu de tout cela, tant sa vie peut faire figure de tourbillon permanent. D’ailleurs, par où commencer ?

Jeune Angevin débarqué à Paris, il est partie prenante du mouvement des « mac-mahoniens », cinéphiles devant leur sobriquet à cette salle du XVIIe arrondissement parisien portant le nom d’un célèbre maréchal-président. En pleine Nouvelle Vague, ils portent haut les couleurs de leur héraut, l’Américain Raoul Walsh, leur héros. Ce qui n’empêche pas l’auteur de devenir plus tard un godardien de stricte observance.

Michel Marmin tente l’IDHEC, où il devient tôt l’ami d’un fou de jazz, un certain Alain Corneau, promis à une belle carrière dans le septième art, intègre l’ORTF, où il travaille avec le pape de la musique concrète, Pierre Schaeffer, épousant au passage sa future femme et la cause de l’Algérie française ; la première passion est toujours intacte, la seconde un peu moins. Puis, dans l’ordre ou le désordre, il exerce la profession de critique cinématographique à Valeurs actuelles – il y succède à un certain Lucien Rebatet –, au Figaro, prend la direction des éditions Atlas, fait un bref passage à Minute, rejoint le GRECE pour devenir l’un des piliers de la revue Éléments, écrit des scénarios pour son ami Gérard Blain – splendide Pierre et Djemila qui fera un peu scandale au Festival de Cannes, en 1987 –, dirige ensuite les éditions Chronique et… Et ? Affaire à suivre, évidemment, tant l’homme fourmille de projets à venir. Un véritable tourbillon, écrivions-nous.

Tourbillon dans lequel on croise aussi les figure de Jacques Vergès, Arno Breker, Jean-Marie Le Pen, Alexandre Astruc, Jacques Deray, Jean Parvulesco. Autant de souvenirs qui se retrouvent en ces pages articulés de si jolie manière que l’auteur et son accoucheur, Ludovic Maubreuil, plutôt que d’accumuler les anecdotes, remettent ces instantanés de vie en perspective. À la manière d’un tableau, quand chaque touche de couleur, d’ombre ou de lumière, au lieu d’empiéter l’une sur l’autre, finissent par donner un ensemble aussi beau qu’harmonieux.

Tel est ce livre, telle est la vie de ce Michel Marmin. Avec ses fulgurances visionnaires, en matière de cinéma, surtout ; ses entêtements et ses retournements, aussi : pourquoi tant de dédain à l’encontre de Georges Lautner et de Michel Audiard ? Sa faconde, elle aussi tourbillonnante, vaut également en matière religieuse. Ce catholique à la foi contrariée, païen de philosophie, fait pourtant ici preuve d’une piété qui n’est pas sans rappeler celle d’un Charles Maurras : il aimerait y croire, voudrait y croire, mais ne parvient pas vraiment à croire, si ce n’est plus à la magie des vieilles pierres qu’en un Dieu parfois trop lointain à son goût. Ce qui l’amène à une détestation d’un protestantisme désincarné ayant chassé magie et sacré de ces églises jadis érigées sur les temples d’autrefois.

Dans le même registre, on notera une passion tout aussi virulente qu’inassouvie pour la monarchie, tropisme l’amenant même à faire quasi-allégeance au prince Charles d’Angleterre, par quatrains interposés, vers de mirliton qui lui valurent auguste réponse du principal intéressé et dont il doit conserver la trace comme un enfant de chœur porterait le Saint-Sacrement. Voilà qui donne encore plus de saveur au titre de l’ouvrage en question, La République n’a pas besoin de savants, maxime robespierrienne dont on ne sait trop bien s’il l’affiche par crâne insolence ou hommage en creux pour celui qui fut, malgré tout, le plus sincère des révolutionnaires.

Tourbillon, une fois encore. Mais tourbillon mêlé de grâce et oint de la seule intelligence qui vaille : celle du cœur. Michel Marmin, fort d’une belle vie, signe un fort beau livre. Mais c’est également, et avant tout, une belle personne.

PS : les rillettes Marmin, fleuron familial, étaient naguère réputées au pays de la douceur angevine. Dommage qu’il n’en soit guère fait mention dans ce livre. Parce que Raoul Walsh, c’est bien mignon ; mais les rillettes, ce n’est pas de la drouille non plus !

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17 avril 2017 à 19:58

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