[Livre] Mon fils n’est pas un assassin : retour sur l’affaire Traoré

Livre Erwan Seznec
Cet article vous avait peut-être échappé. Nous vous proposons de le lire ou de le relire.
Cet article a été publié le 04/11/2022.

Durant l'été, BV vous propose une sélection de livres parmi ses meilleures recensions. Aujourd'hui, Mon fils n’est pas un assassin. Le livre, écrit par sa mère, retrace le calvaire de ce gendarme livré à la vindicte publique dans l'affaire Traoré. Gabrielle Cluzel s'est penchée sur ce récit poignant, en étonnante résonance avec l'actualité...

Il y a quelques jours, le mot « récupération » courait de plateau en plateau au sujet de l'affaire Lola. Récupération, parlons-en : quel meilleur moment pour évoquer ce livre écrit à quatre mains, publié chez Robert Laffont en septembre dernier, intitulé Mon fils n’est pas un assassin ?

Virginie Gautier est la mère d’un des policiers mis en cause dans l’affaire Adama Traoré. Familialement de gauche depuis toujours, elle prend de plein fouet, profondément meurtrie, les accusations portées contre son fils, que le devoir de réserve empêche de s’exprimer. Erwan Seznec, lui, est journaliste. Il a rédigé les chapitres factuels, ceux qui concernent l’enquête à proprement parler. « Les faits contre les affabulations. » Car, écrit-il dans l’avant-propos, « les Traoré ont perdu un fils, un frère, un demi-frère. Leur douleur mérite respect et considération. Mais elle n’excuse pas tout. »

Virginie Gautier décrit l’immense rouleau compresseur qui s’abat sur son fils et sa famille. Dès l’annonce du décès d’Adama, « le secteur de Persan-Beaumont-Champagne-sur-Oise s’embrase » : véhicules incendiés, pompiers caillassés, mobilier urbain saccagé. Une femme gendarme « se fait casser le nez en tentant de calmer la foule ». Viennent ensuite les menaces de mort contre les gendarmes, les femmes et leurs enfants, leurs noms sont tagués dans les cités. Ils doivent être exfiltrés. En deux heures, son fils doit partir comme un voleur avec sa femme et sa fille de 8 mois.

Le Léviathan de la presse partisane se met alors en branle, implacable. Il a trouvé son George Floyd français et ne le lâchera plus. Mediapart, suivi par la meute de ses épigones, sonne l’hallali : « J’aimais beaucoup Mediapart avant… Or, ces journalistes ont créé de toutes pièces une icône », Assa Traoré. En plus d’une icône, Assa Traoré est aussi le chef avisé d’une petite entreprise : la marque « Adama » a été déposée à l’INPI le 30 septembre 2016, « propriété collective de dix membres de la famille Traoré, déclinable en photographies, cartes, objets d’art, serviettes de toilette en papier, etc. » Assa Traoré deviendra plus tard l’éphémère égérie, dans le luxe, de Louboutin et Stella McCartney.

Il est vrai qu’Assa Traoré a des talents d’éloquence remarquable pour les « contes de faits », qu’elle vient raconter jusque dans certaines écoles dont des directeurs militants lui ouvrent les portes. Avec elle, ses autres frères deviennent des prisonniers politiques, ils sont Soljenitsyne dans l’archipel du Goulag français : « Cinq de mes frères sont passés par la case prison, on a fait presque toutes les prisons d’Île-de-France », s’exclame-t-elle avec emphase, en avril 2021, devant le TGI de Paris. Factuellement, elle a raison. Mais de ces incarcérations aux motifs crapuleux, elle fait une preuve irréfragable de l’acharnement judiciaire. La souffrance - incontestable et incontestée - d’une famille qui a perdu l’un des siens octroie à celle-ci une couronne de martyre qui la met sur une stèle, hors d’atteinte. Toute remise en perspective des faits est réputée abjecte. Celui dont l’arrestation a fini tragiquement est auréolé à jamais.

En attendant, les gendarmes dont elle a livré les noms à la vindicte populaire n’ont pas d’épaisseur, d’humanité… ils n’émeuvent personne, ne sont qu'ombres uniformes et anonymes désincarnées, leur devoir de réserve les empêche d’exister publiquement. Comment, dans une telle asymétrie, pourraient-ils lutter contre ce storytelling ?

Virginie Gautier découvre aussi l’exorbitant pouvoir de ce Larousse partisan pour les nuls qu’est Wikipédia - « L’irremplaçable encyclopédie en ligne est un puissant levier de formatage de l’opinion » - et ses inénarrables critères de recevabilité des sources : de gauche, elles sont recevables, de droite, elles ne le sont pas. Pour les militants du comité Adama, « tenter de biaiser Wikipédia n’était pas une possibilité mais un devoir ».

Le livre se termine sur un constat : le comité Adama commence à s’essouffler. De fait, Assa Traoré n’est plus l’icône parfaite qu’elle était. Mais le mal est fait. Le fils de Virginie Gautier, dont nul ne peut affirmer à ce jour qu’il n’ait pas fait seulement et uniquement son devoir, pourra-t-il un jour se relever de tout cela ? Virginie Gautier conclut en disant qu’elle est « fière d’être française et de l’Histoire de [son] pays ». Elle pourrait pourtant légitimement garder grief à ce dernier de ne pas avoir su protéger son agent assermenté d’une telle épreuve. On peut saluer sa noblesse d'esprit.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 28/08/2023 à 11:17.
Gabrielle Cluzel
Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

24 commentaires

  1. Il était très loin d’être un « petit ange » !
    Comme le reste de la famille et de la fratrie d’ailleurs, pour qui les lois françaises n’ont aucune existence, ni ne méritent respect

  2. Virginie Gautier, femme de gauche, admiratrice de Médiapart, reçoit en pleine figure le coup qu’hier encore elle destinait à ses adversaires politiques. Sans doute n’en était-elle pas consciente, la certitude de l’apanage du cœur obérant tout autre perception. A-t-elle compris ou reste-t-elle de gauche? Dans la deuxième option, son cas est désespéré.

  3. Persan-Beaumont ! Une tranquille commune de Seine-et-Oise, ou j’accompagnais ma grand-mère dans les années 1950, quand elle visitait une de ses copines, veuve d’un héros de la Grande-Guerre. A l’époque, les « jeunes » de l’endroit aidaient les vieilles dames a traverser la rue en portant leurs sacs à provisions.

  4. La famille Traoré était bien connue des services sociaux et policiers du Val d’Oise . Bien avant les faits qui les ont fait connaître du grand public, on connaissait bien la famille Traoré et pas en bien. Alors d’accord il faut respecter les morts et les familles des morts . Encore faudrait-il que les morts se soient respectés eux mêmes et aient respecté les autres . Idem pour leurs familles. Je suis sans doute sans cœur car je n’ai aucune compassion pour la famille Traoré ni pour leur deuil.

  5. Dans ma banlieue parisienne des fratries de voyous on en connaissait quelques une . C’était comme un mimétisme familial qui faisait que ses membres reproduisaient les mauvais réflexes sur toute une génération . Mais les peines étaient suffisamment dissuasives pour empêcher d’en arriver à ces drames . Car à l’inverse d’Assa Traoré , je pense que ce n’est pas l’acharnement judiciaire qui a été la cause de tout cela mais les jugements qui ne sont pas assez dissuasifs pour empêcher de se retrouver dans des situations extrêmes .La société laissant la police ou les s militaires palier aux carences d’une justice hyper laxiste et de politiques irresponsables . Aujourd’hui la principale responsabilité d’un membre des forces de l’ordre n’est pas de stopper un délinquant mais de se protéger et de protéger ses collègues . Comme vous le soulignez bien , le militaire qui est dans l’obligation de réserve, se retrouve seul en face de lui-même , et si on y regarde de plus près c’est le citoyen français lambda qui se retrouve souvent seul devant les injustices de la société . Pendant ce temps les subventions pleuvent pour les associations consacrées à l’immigration . Qu’elles viennent des communes , des régions et de l’Etat et c’est à travers cela tout un système juridictionnel qui se met au service de ce projet migratoire . Projet ou complot ? En fait tout cela explique l’abstention record de la part de gens qui ne font plus du tout confiance dans nos institutions qui ont choisi leur camps !

  6. il y a longtemps que cette famille de Traoré aurait dû être expulsée , se voir retiré la nationalité française ( ils ont double nationalité ) et une interdiction de territoire définitive à vie !

  7. Merci à vous Madame Cluzel et à Boulevard-Voltaire de parler de ce livre. Les médias dominants ont rompu le pacte démocratique, il nous appartient de les bouder.

  8. On se fait virer du MALI et ce sont des MALIENS qui nous dictent notre vie en France !! Et après cela si on croit encore que nous sommes pas « foutus »

  9. Assa Traoré a soufflé sur les braises encore rouges  » jusque dans certaines écoles dont les directeurs militants lui ouvrent les portes  » … mai 1968 est passé par là , école gangrénée jusqu’á la moelle .. ces directeurs là devraient être recadrés par la république, mais la république est usée à force d’être constamment évoquée par les politiques ..

  10. Notre Nation est morte, c’est terminé elle ne s’en relèvera plus. Trop tard pour redresser la situation, de semaines en semaines nous le déplorons à voir l’actualité que même les médiats mainstreams ne peuvent plus cacher. Encore, il y a quelques heures à l’assemblé national une victime supplémentaire à été sacrifié sur l’autel des bourreaux de basses œuvres, ce qui allonge la ligné des martyres de la politique.

    • « Notre Nation est morte »? Peut-être pas. L’inflation , comme une marée montante inexorablement pourrait bien venir remettre les choses à plat ou les pendules à l’heure. » A quelque chose, malheur est bon. »

  11. Encore une femme de gauche qui ouvre les yeux à la vie … Elle prend la vie en pleine face. Son monde « bisounours » s’effondre. Bienvenue dans le monde réel . Bienvenue en Macronie.

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