Lille : durant l’octave pascale, on fêtera l’iftar à l’église St-Pierre-St-Paul

église de Lille Saint Pierre-Saint Paul

L’octave pascale, c’est à dire les huit jours suivant Pâques, ne date pas d’hier. C’est l’empereur Constantin, au IVe siècle, qui l’a introduite dans la liturgie catholique : il s’agit, dans la messe quotidienne, d'y « raviver l'événement du dimanche de Pâques ». Par des chants et des textes repris de Pâques, on entend « rappeler que la Résurrection se prolonge par-delà la fête pascale », peut-on lire sur le site de l’Église catholique en France. Durant cette période, « les nouveaux baptisés de la nuit pascale portent leur vêtement blanc ». 

Cette année, le jeudi de l’octave de Pâques sera un peu particulier en l’église Saint-Pierre-Saint-Paul de Lille, le curé y accueillant pour la deuxième année consécutive… « l’iftar sous les étoiles ». Cette rupture du jeûne du ramadan (selon la définition que donne le Larousse de l’iftar) fait partie de la « scène nomade le temps d’une lune » imaginée par l’association (dûment soutenue et subventionnée par les deniers publics) Attacafa (culture, en arabe) qui, depuis 1984, se fait fort de « créoliser les lieux culturels de la région et de la métropole [lilloise] pour lutter contre toutes les formes d’ethnocentrisme ». Chapeau, l’artiste. Célébrer la rupture du jeûne du ramadan dans une église, il fallait oser. La présentation lénifiante, aussi enrobée de sucre que les pâtisseries associées dans l’imaginaire collectif à l'événement, vise, de toute évidence, à éteindre les préventions des plus réfractaires : « Ce festival vous propose, à travers une programmation désacralisée, de prendre part à ce temps de partage, de fête et de tolérance, car c’est aussi le sens de ce mois particulier. » 

Pour la modique somme de 10 € (tarif plein), et sur réservation, on pourra démarrer la soirée du 13 avril en écoutant le concert de chanteurs et musiciens turcs Gülay Hacer Toruk et Fawaz Baker. Puis, à compter de 20 h 41, si l’on en croit le site Allevents et Lille Actu, « les membres de l’association "Les femmes turques du Nord" prépareront le repas ! »

Du côté du diocèse, on tend à minimiser l'événement et à tenir ses distances : selon la responsable communication contactée par Boulevard Voltaire, il ne faut voir dans cet accueil qu'une « initiative de la paroisse et non du diocèse » pour « vivre en amitié avec nos frères musulmans ». Et point de repas, en tout cas sur place. Le curé n’aurait prêté son église « "que" pour le concert, comme il le fait pour des concerts laïcs dans la mesure du respect de ce lieu consacré, pas pour le banquet. A priori le banquet se fera hors de l'église », affirme-t-on à Boulevard Voltaire. Les sites annonçant l'iftar laissent pourtant imaginer le contraire, ne donnant aucun autre lieu de rendez-vous à l'issue du concert. 

Peut-être le curé de Saint-Pierre-Saint-Paul et l’association Attacafa ont-ils trouvé leur inspiration non loin de là, de l’autre côté de la frontière, à Molenbeek ? En juin 2016, selon le site Saphir News, un repas géant de rupture de jeûne (iftar) avait été organisé à l'église Saint-Jean-Baptiste. 600 personnes avaient répondu présent « pour partager un repas préparé principalement par des bénévoles des mosquées et des associations musulmanes de la commune » : « Un geste fraternel, qui [n’était] rien de plus que le signe des bonnes relations […] nouées avec le temps entre chrétiens et musulmans. » Relations quelque peu refroidies, on en conviendra, par les attentats du 22 mars à Bruxelles et les multiples reportages édifiants sur cette ville qui avaient suivi. 

Peut-être, qui sait, l’initiative lilloise vise-t-elle, aussi, à redorer le blason de Wazemmes - quartier populaire de Lille où est sise l’église Saint-Pierre-Saint-Paul. La réputation de ce quartier avait été passablement écornée en 2016 par une lettre ouverte au vitriol d’un chercheur du CNRS, Philippe Froguel - pourtant ancien sympathisant de gauche -, à Martine Aubry : selon ce spécialiste du diabète, les classes moyennes et les étudiants avaient fui le quartier car les conditions de vie y étaient devenues très pénibles, notamment en raison « d’une régression communautaire ». Il avait donné pour illustration « le calvaire » vécu par les femmes de son laboratoire, objets des « manifestations méprisantes des islamistes de tous poils ». 

Ce geste d’amitié (réitéré) va-t-il désarmer « les islamistes de tous poils », dont on ne peut douter, sept ans plus tard, de la présence, soit résiduelle (si on est optimiste), soit exponentielle (si on ne l'est pas)… ou bien être pris par eux comme une immense victoire symbolique ?

Gabrielle Cluzel
Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

85 commentaires

  1. Que l ‘ on s ‘ étonne plus si les églises se vident : le catholicisme fait place nette au culte musulman dans l ‘ indifférence quasi générale .

  2. Eh bien moi pour l’Aïd, en respect de mes frères musulmans, je sacrifie tous les ans aussi un Mouton(-Rothschild) d’une grande année…

  3. L’un n’empêche pas l’autre puisque Martine est à la tête d’une des villes les plus criminogènes de France (statistique Beauvau)

  4. J’avais un jour vu un reportage dans une église parisienne si mes souvenirs sont bons ou le curé expliquait qu’il voyait régulièrement le vendredi quelques femmes musulmanes prier dans son église, j’ai assisté à une réunion où participaient le cardinal de Bordeaux, le rabbin et l’imam j’ai eu le sentiment d’une grande fraternité. Pourquoi les monothéistes ne célèbreraient pas leur religion dans un lieu de culte par ailleurs très peu fréquenté comme certaines églises alors qu’ils n’ont aucun lieu pour pratiquer leur religion ?

  5. Rassurez-vous ce sera peut-être le tour de Notre dDame de Paris à l’occasion de sa ré-ouverture en 2024, le nouvel évêque de Paris (L’Ulrich), ancien évêque de Lille va y veiller !

  6. Comme si l’horrible pape actuel ne suffit pas à anéantir de plus en plus le christianisme, les églises participent elles aussi à la perte des croyants. Ceux-ci vont être contraints de se cacher pour exister. Vatican II la peste qui tue le christianisme, il faut le rappeler.

  7. rien de nouveau , ce curé est fidèle á l’église de France qui se distingue par ses curés qui font de la politique et prêchent l’évangile socialiste … comme le pape Francois … le temporel a pris le pas sur le spirituel

  8. La preuve est bien là ! C’est le clergé qui est responsable de la déchristianisation de l’Occident et ceci depuis Vatcan II. Cette paroisse de Lille fût la mienne entre 1975 et 1978. Quelle tristesse, quelle honte, pour ces clercs et ces évêques qui trahissent un peu plus chaque jour.
    Je crois que très bientôt nous Chrétiens ( pas cathos Vatican) nous allons devoir nous cacher comme aux premiers temps.

  9. Comment se fait-il qu’aucune manifestation « intereligieuse » ne soit prévue, par le même curé et au même endroit, pour la fête de Pâques ? Nous aussi pourrions partager l’agneau pascal et les oeufs en chocolat avec nos frères musulmans, ce me semble…

  10. Ce n’est pas demain que le curé organisera sa messe de minuit à la mosquée…. Et en plus, laquelle ? Celle des turcs, celle des marocains, celle des algériens ? Entre-eux ils ne peuvent pas se sentir. Encore un pas de plus de l’envahisseur sur le territoire français.

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