L’envie, le ridicule et puis… la dignité !
Tôt le matin, je suis littéralement assailli par des pensées et sentiments contradictoires qui dépassent de très loin le champ politique et social.
Non pas que je sois indifférent à ce qui, depuis quelque temps, entrave la quotidienneté de beaucoup et j'ai bien conscience, par rapport à tant de vies, de n'être pas le plus mal loti !
Mais sur les retraites, un jour, une solution sera trouvée parce qu'un grand pays comme la France ne peut pas se résoudre à ce que deux rigidités perdurent et bloquent toute espérance. La CGT affirme vouloir seulement le retrait du projet mais ne supporterait pas d'être exclue du jeu. Le pouvoir prétend qu'il n'est plus nécessaire de discuter avec elle puisque son parti est pris, mais mesure que son opposition entêtée fait partie du paysage démocratique.
Ce sont ces péripéties à la fois classiques et paroxystiques qui rendent le monde difficile à digérer. La France n'a jamais été exempte de ces accès brutaux de fièvre et nous ne la reconnaîtrions pas si elle devenait un pays de mesure et de compromis. Quel citoyen, d'ailleurs, pourrait lui donner des leçons sur ce plan ?
Ce qui me préoccupe est d'un autre ordre, et plus profond.
L'envie, le ridicule honteux, la dignité. Un triptyque signifiant.
L'envie qui, pour un grand sociologue allemand, cité par Éric Zemmour, est le moteur principal de la marche du monde et de l'Histoire. Plus que l'amour ou l'économie ou la religion ou la force des idées.
À bien appréhender le cours des siècles, l'évolution de nos sociétés, les liens humains et professionnels et, sans doute, les subjectivités intimes si elles veulent bien se considérer sans complaisance, il n'est pas absurde, en effet, de mettre en avant cette disposition qui, pour être psychologique, est fondamentale. Elle épargne, et pour cause, les incontestables privilégiés quoiqu'on trouve toujours de quoi envier.
Quelque chose nous manque à tout coup et il sera impossible, malgré tous les efforts et la bonne volonté, de pouvoir se reposer dans un univers qui ne sera plus parcouru par les tensions singulières et/ou collectives de l'envie. Peut-être y a-t-il là d'ailleurs un ressort, non pas exclusif mais central, du progrès ?
Le ridicule honteux. À Miami, un Français a osé acheter 120.000 dollars une banane accrochée à une cimaise. Elle a été mangée, a nourri « son » homme totalement indifférent au caractère irremplaçable de cette « œuvre d'art », immédiatement remplacée par une autre banane.
J'aspire, dans mes instants de délire, à une sorte d'Internationale des gilets jaunes, d'aréopage décisif et universel pour décréter le goût et la décence qui viendraient mettre le holà à ces aberrations et provocations de la fortune, de la nullité et du snobisme. Qu'on puisse dépenser une telle somme pour un tel fruit, qualifié d'objet artistique, est une monstruosité qui n'équivaut pas aux sanguinaires mais va loin pour éclairer la putréfaction de notre début de siècle.
La dignité. Le magistrat honoraire Michèle Bernard-Requin, brillante tout au long de son existence professionnelle, actuellement en soins palliatifs et refusant tout acharnement thérapeutique, a, dans un mouvement inouï du cœur et de l'esprit, écrit un splendide adieu où elle célèbre l'hôpital et réclame qu'on lui donne des moyens, surtout qu'on ne détruise pas ce qui va bien, exhorte à sortir des fausses, vaines et déplorables controverses, enfin nous invite à l'amour (Le Point).
De sa part, en de telles journées et alors qu'elle se confronte sereinement à l'irréversible, ce n'est pas de la mièvrerie mais le contraire. L'expression d'une incroyable force.
Pour digérer ce monde, on a besoin de cela.
Aux antipodes de l'envie.
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