Les élections européennes ont souvent été des élections « défouloir ». Considérées à tort ou à raison comme inutiles, car ne concernant pas directement le quotidien des Français, les électeurs se sont emparés de ce suffrage pour en faire un outil de sanction à l’encontre du pouvoir en place. Les élections régionales, dans une certaine mesure, ont également, sur le plan intérieur, et pendant un temps, rempli ce rôle.

Bien entendu, cette perception des élections européennes par les électeurs était fausse. Mais elle reposait, notamment, sur le fait qu’envoyer des députés français en Belgique, donc à l’étranger, pour délibérer de sujets qui dépassaient largement le cadre national n’avait rien de particulièrement motivant. Par ailleurs, le fonctionnement de ce qui, pour beaucoup, n’était qu’un autre « machin » au fonctionnement obscur et mystérieux ne faisait que renforcer la défiance du corps électoral national à l’égard d’une consultation où les taux d’abstention, depuis 1979, ne cessent d’augmenter.

De ce fait, les années passant, de nombreux citoyens de l’Union européenne ont profité de ce temps politique pour l’utiliser à des fins intérieures. Vote de soutien à un gouvernement en place dans certains cas ou vote sanction dans d’autres situations, les élections européennes ont servi à tout, sauf à ce à quoi elles étaient destinées. Plus que jamais, en France, les élections prévues le 26 mai prochain risquent de remplir à nouveau cette fonction exutoire. Car le large mécontentement des Français vis-à-vis de la politique de Macron et de son gouvernement influencera indubitablement le vote des électeurs. C’est, d’ailleurs, le message qu’envoient actuellement les sondages, où l’on voit se dessiner un clivage dur entre deux tendances.

Celle des européistes, incarnée par l’actuel pouvoir et ses alliés de fait (LR, notamment). Et celle des euro-sceptiques, apparemment majoritairement représentée par le Rassemblement national. Ce nouveau duel annoncé, énième répétition d’une France divisée, aura, cette fois-ci, des conséquences lourdes. Tout d’abord, il privera, une fois encore, notre pays d’un débat de fond sur l’avenir de notre civilisation, lequel est plus que jamais indispensable. En particulier, de celui sur l’avenir de l’Union européenne. Poursuite d’un dessein mondialiste ultralibéral faisant la part belle aux nantis de ce monde ou instauration d’une Europe des nations porteuse de grands projets auxquels les peuples, consultés, auront souscrit ? Ce choix risque fort de n’être pas permis.

Ensuite, ce combat électoral réduit à un bras de fer entre deux formations politiques dominantes entérinera la disqualification de nombreux partis pourtant porteurs de projets politiques sérieux, cohérents et parfaitement en phase avec l’Europe voulue par des millions de citoyens européens. Sacrifiés sur l’autel du « vote utile », celui que l’on utilise à contretemps pour exprimer sa colère, sa défiance ou tout simplement son opinion, ces « petits » partis pâtiront durablement d’une consultation qui aura privé de parole des millions d’électeurs devenus orphelins. Enfin, c’est dans une opposition radicale, opposant durablement deux blocs devenus irréconciliables, avec tous les excès dont les derniers mois de violences et de destructions se sont faits l’écho, que la France achèvera de s’installer.

Reste donc à espérer un sursaut citoyen. Celui où « une certaine idée de la France » l’emporterait sur les calculs politiques à court terme, et où la raison finirait par s’imposer face aux ego et aux partis pris qui rongent notre pays depuis de trop nombreuses années.

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29 mars 2019 à 17:40

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