Le monde d’après doit-il être plus écologique ou corriger notre système politique ?

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Les périodes de crise sont propices aux interrogations sur le monde d'après. Le journal 20 Minutes fait état d'une consultation, lancée par plusieurs ONG et la plate-forme de mobilisation citoyenne make.org, qui se donne pour objectif de transformer la société sur des consensus populaires. Cette consultation rencontre un grand succès (80.000 participants, 19.000 propositions), ce qui montrerait le besoin de nouvelles valeurs. De quoi rendre jaloux Emmanuel Macron, qui inventa le grand débat national pour parer au mouvement des gilets jaunes et qui réitérerait bien l'expérience pour sortir du pétrin où il s'est enfoncé. N'a-t-il pas invité, le 13 avril, à « bâtir un projet français » et à « se réinventer », en commençant par lui ?

On peut penser qu'il veut faire diversion et sauver sa personne, à défaut de sauver son gouvernement. Cette consultation est d'un autre ordre. Ses promoteurs ont manifestement des préoccupations écologiques, ce qu'on ne peut leur reprocher si elles sont sincères. Mais quelle est la part de spontanéité et la part de manipulation ? La directrice générale du WWF France note le lien fait par les participants entre la crise sanitaire et d’autres thématiques comme le réchauffement climatique, la perte de biodiversité ou l’impasse de notre alimentation. De vrais problèmes qui peuvent être analysés objectivement ou exploités avec une ardeur militante.

L'écologie est la chose au monde la mieux partagée : tous les partis politiques la mettent dans leur programme, soit par conviction, soit par intérêt électoral. On ne s'étonne pas de voir figurer en bonne place, dans un rapport intermédiaire sur la consultation, des propositions sur la nécessité de repenser l'impact de nos modes de consommation, d'améliorer les espaces naturels en ville ou de mieux sensibiliser l'opinion au réchauffement climatique. Ou encore des recommandations pour une agriculture moins intensive et une production plus locale. Toutes ces préconisations peuvent être fondées, tant qu'elles sont mesurées et ne deviennent pas une obsession idéologique.

Il reste que les préoccupations écologiques ne sont pas directement liées à la crise épidémique que nous connaissons et qu'il est abusif de profiter de la situation pour en faire la promotion. Plus que l'écologie, il semble que cette pandémie a surtout révélé les faiblesses de notre système politique. Ne parlons pas des défaillances de l'exécutif dans sa gestion – ce n'est pas la première fois qu'il se montre défaillant –, mais de son incapacité à susciter la confiance qui, comme la vertu pour Montesquieu, est un principe de la démocratie.

La crise sanitaire a confirmé que nous n'étions plus vraiment dans un régime démocratique. En cause, l'incompétence de nos dirigeants et leur psittacisme, qui leur tient lieu d'esprit critique, le poids de la technocratie avec son lot de décisions hors-sol, l'absence de représentativité réelle de l'Assemblée nationale, l'hypocrisie qui consiste à se réclamer sans cesse du droit tout en introduisant des règles d'exception qui attentent aux droits élémentaires, les tentatives de mainmise sur les médias et l'information. Notre régime tombe dans une sorte d'oligarchie où le pouvoir se croit tout permis et cherche à endormir la contestation.

Ce passage à une forme d'autocratie, voire de totalitarisme qui ne dit pas son nom, est beaucoup plus important que les préoccupations écologiques, aussi légitimes soient-elles. Il faut se réinventer, certes, mais le monde d'après ne sera différent du monde antérieur que si l'on chasse les dirigeants actuels, qui sont les premiers responsables de la faillite de l'État, et qu'on donne un nouveau souffle à la démocratie. Il en va de la survie de la France.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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