Deux décisions sont tombées de l’Élysée, ce 3 mars 2021 : la dissolution de Génération identitaire et la reconnaissance, par la France, de l’assassinat du nationaliste algérien Ali Boumendjel, en 1957, par l’armée française. Rien à voir, vous me direz, et ne cherchons pas à y voir la volonté de faire passer un message très fort. Mettons cela sur les hasards du calendrier. Il n’empêche que ces deux décisions concomitantes résonnent curieusement.

D’abord, une fois de plus, on constate dans ce pays, qui aime tant à se flageller, qu’il y a le bon et le mauvais nationalisme. Que lit-on, en effet, dans le communiqué de la présidence de la République ? « Conformément à la mission que le président de la République lui avait confiée, Benjamin Stora a remis, le 20 janvier dernier, son rapport sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie. Parmi ces préconisations figure la reconnaissance par la France de l’assassinat d’Ali Boumendjel, avocat et dirigeant politique du nationalisme algérien. » Le nationalisme, lorsqu’il n’est pas français, a droit à tous les égards.

On connaît le dessin de Faizant montrant de « valeureux patriotes » cubains, vietnamiens, palestiniens, etc., levant le poing et criant « Vive Cuba », « Vive le Vietnam », « Vive la Palestine », etc. Le bonhomme saluant avec son béret basque et poussant son « Vive la France » n’était, lui, qu’un « vieux con cocardier, chauvin, xénophobe et présumé facho ». Les membres de Génération identitaire, aux yeux du gouvernement, sont sans doute de jeunes cons cocardiers, chauvins, xénophobes et présumés fachos ! Ils doivent donc être dissous.

Ensuite, ces deux décisions illustrent, une fois encore, l’extrême concentration des pouvoirs dans ce pays dans les mains d’un seul homme. Certes, la dissolution d’une telle association relève du Conseil des ministres et la justice administrative (Conseil d'Etat) aura sans doute à trancher. Mais l’on ne peut qu’être frappé par la mauvaise foi des attendus que l’on peut lire dans le décret de dissolution. Un extrait : « …que par ailleurs, cette dimension guerrière est pleinement revendiquée par l’association, qui se veut "l’avant-garde de la jeunesse debout" et indique vouloir "entrer en guerre contre tous ceux qui veulent nous arracher nos racines et nous faire oublier qui nous sommes" »… Il est vrai que, depuis un an, c’est au virus que l’on fait la guerre !

Concentration des pouvoirs dont, aujourd’hui, celui, extravagant, de dire l’Histoire que l’on confond facilement avec la mémoire, et peut-être aussi de dire la Justice.

Une fois encore, que lit-on, dans le communiqué de l’Élysée ? « Au cœur de la bataille d’Alger, il fut arrêté par l’armée française, placé au secret, torturé, puis assassiné le 23 mars 1957. » Sur quoi s’appuie le communiqué ? Apparemment, sur les seules déclarations du général Paul Aussaresses. Si le président de la République dispose de documents plus probants qui seraient désormais déclassifiés, il serait intéressant qu’ils soient rendus publics. Le communiqué parle d’aveux : « Paul Aussaresses avoua lui-même avoir ordonné à l’un de ses subordonnés de le tuer et de maquiller le crime en suicide. » Mais des aveux qui n’ont rien de judiciaire puisqu’il les fit, non pas devant un magistrat, mais dans un livre publié en 2000, Services spéciaux Algérie 1955-1957. Du reste, si Paul Aussaresses fut, par la suite, condamné, ce n’est pas pour les crimes qu’il aurait commis en Algérie (ils étaient prescrits) mais pour délit d’apologie de crimes de guerre. En 2000, au moment de la parution de ce livre, la veuve de l’avocat avait demandé – demande tout à fait compréhensible - que son mari soit réhabilité et que soient reconnus la torture et l’assassinat de son mari. Quelle cour de justice s’est prononcée sur cette affaire en qualifiant les faits et en désignant un ou plusieurs meurtriers, voire assassins ? Aucune.

Mémoire, Histoire et Justice concentrées dans les mains d’un seul homme, c’est peut-être un peu beaucoup.

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03 mars 2021 à 20:11

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