Fresques, affiches : ici, en Irlande du Nord, le peuple n’est pas muet, les murs parlent, et les murs ne manquent pas. Côté face, unioniste, on y fête les 100 ans ; côté pile, des affiches rouge vif dénoncent un centenaire d’oppression​. Bill, un commerçant du quartier de Sandy Row, se réjouit : « On a prévu des fêtes de quartier tout au long du mois de mai, avec des feux de joie et des défilés de nos groupes de flûtistes. Ils seront habillés comme en 1921. Une nouvelle fresque sera même inaugurée au coin de la rue ! »

Mais bien des nuages assombrissent la fête, le moindre problème d'approvisionnement est interprété par les Nord-Irlandais comme le résultat du « protocole ». Les ports nord-irlandais deviendraient les frontières de cette mer d’Irlande qui sépare la Grande-Bretagne de l’Irlande du Nord. L’éventualité d’une frontière au sein du Royaume-Uni ne passe pas et Arlene Foster, Premier ministre et chef du parti unioniste DUP pro-Brexit, vient d’en faire les frais. Mais son départ de l’exécutif, et sa démission du DUP, n’est pas un coup de tonnerre dans un ciel serein.

Le « bloc », comme disent les Anglais, pour l’Union européenne, a lancé une action en justice contre le Royaume-Uni qui invoque l’article 16 pour ses efforts visant à protéger le commerce entre la Grande-Bretagne et l’Irlande du Nord. « Il y a toujours eu cette symétrie ; il était très important que les souhaits, le consentement des deux communautés d’Irlande du Nord, soient dûment reflétés dans le résultat et qu’il garantissent, non seulement le commerce et le mouvement nord-sud, mais est-ouest aussi », a expliqué Boris Johnson.

Les jeunes des quartiers protestants se sont emparés, par mimétisme guerrier, de la geste violente qui accompagna la gauche catholique et républicaine lors de ce qu’on appelle ici les « troubles ». Un vieil unioniste dit : « Les gosses se disent que si la violence a marché pour les républicains, qui siègent maintenant au gouvernement malgré les crimes de guerre de l’IRA, pourquoi ça ne marcherait pas pour nous ? »

Le port de Belfast a bien changé, depuis l’époque où l’on y construisait le Titanic, et les grues géantes du chantier naval de Harland and Wolff dominent l'horizon quand on navigue dans cette mer que Bruxelles voudrait contrôler. Mais ici, les frontières sont à l’intérieur, on parle de peacelines. Les deux lourdes portes de fer permettant de passer, durant la semaine, le haut mur rehaussé de grillage qui sépare Shankill et ses ouvriers majoritairement protestants, où flotte l’Union Jack, et Springfield, terre de gauche républicaine et catholique, sont fermées pour cause d’émeutes.

Simon Hamilton, membre du DUP, président de la chambre de commerce de Belfast et ancien ministre de l’Économie, déclarait, le mois dernier : « […] des villes comme Liverpool, Teeside et Humber vont de l’avant avec leur projet d’établir des ports francs […] Notre exécutif doit maintenant saisir cette chance à deux mains. Les arguments en faveur d’un port franc à Belfast sont solides. Rishi Sunak a déclaré que le but des freeports est "de stimuler l’investissement et la régénération dans certaines des zones les plus défavorisées du Royaume-Uni". » Et de conclure : « Un port franc […] peut catalyser le type de renouveau économique, social et urbain dont Belfast et la région en général ont tant besoin. Ne laissons pas passer cette occasion. »

Dans le cadre indépendant du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande, souhaitons que le président de la chambre de commerce s’entende avec Boris Johnson. Parce qu’à Londonderry, comme à Belfast, la braise couve encore sous la cendre.

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05 mai 2021 à 10:00

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