La potion amère du confinement

POTION

Au bout d’une semaine de confinement, il ne faut pas être grand clerc pour voir que cette seconde édition a du mal à passer. On peut, ici et là, multiplier les sondages qui disent que plus de 70 % des Français approuvent la saison 2 du confinement et que plus de 50 % craignent de tomber malades, il n’a échappé à personne que l’« acceptation sociale du confinement » (néologisme barbare dont notre époque raffole) est loin d’être acquise.

Le gouvernement, semble-t-il, redoutait des révoltes comme celles qui ont lieu en Italie, en Espagne, à Berlin ou encore, la nuit dernière, à Liverpool : le week-end dernier, peu ou pas de contrôles.

Las ! Depuis quatre jours, serrage de vis : 100.000 contrôles, 5.000 verbalisations. La carotte d’abord « soyez sages, allez travailler et mettez vos enfants à l’école, et on pourra relâcher la pression le 1er décembre », puis retour en force du bâton : contrôles, menaces sur la fête de Noël, la plus éminemment familiale de toutes, renforcement du discours anxiogène et moraliste d’Olivier Véran, réapparition de Jérôme Salomon, la pythie macronienne.

Certes, le reconfinement est plus léger, moins strict, et porte la marque macronienne : il faut limiter les contacts entre les gens – solution moyenâgeuse jugée inévitable en raison de la pénurie hospitalière – et, en même temps, sauver ce qui peut encore l’être de l’économie.

Mais il est moins bien accepté : plus d’applaudissements aux fenêtres, l’effet de sidération est passé. Le coin du voile se déchire, les consultations en psychiatrie explosent - plus d’un million de prescriptions supplémentaires d’anxiolytiques depuis le mois de mars - au rythme des mises en faillite.

Et bien plus de grogne sur tout le territoire français.

On connaît la révolte fort policée des maires prenant des arrêtés municipaux pour l’ouverture des petits commerces, mais on sait moins que, du 30 octobre au 4 novembre, sur les 57 demandes de référés présentées au Conseil d’État, 54 l’ont été contre les mesures du reconfinement, et que l’on observe, depuis mars dernier, une augmentation de 583 % du nombre des référés par rapport à la même période en 2019, selon Le Figaro.

Pour le moment, le souvenir de la répression des gilets jaunes semble freiner toute velléité de révolte à l’italienne ; l’argent « magique », le fameux « quoi qu’il en coûte », y est sûrement aussi pour quelque chose.

« L’incertitude est de tous les tourments le plus difficile à supporter », écrivait Alfred de Musset. Incertitude de l’avenir exacerbée par cette défiance face à un gouvernement qui prétend que l’État est à la fois notre père et notre mère, mais qui ne parvient pas - c’est un euphémisme - à le gérer efficacement. Aujourd’hui, on sent courir dans tout le pays, à basse intensité pour le moment, la lassitude, le ras-le-bol des Français qui n’ont aucun mal à voir l’aspect kafkaïen de la gestion gouvernementale. L’épisode de la fermeture des rayons de produits « non essentiels » (sauf, bien sûr, pour ceux qui les produisent, avec ce que cela va entraîner de faillites et de licenciements) dans les supermarchés en a été le parfait symbole. Cette mesure ressort, d’ailleurs, d’un soviétisme inversé : les rayons ne sont pas vides mais pleins à craquer, mais ils sont rendus inaccessibles par un des principes mêmes du marxisme, l’égalité pour tous dans la privation.

Et voir le Premier ministre transformé en chef de rayon, égrenant péniblement ce que les Français sont autorisés à acheter, ou pas, n’aide pas pour asseoir sa légitimité ni sa crédibilité.

Jupiter, qui s’est mué en Ubu, a bien perdu de sa superbe.

Marie d'Armagnac
Marie d'Armagnac
Journaliste à BV, spécialiste de l'international, écrivain

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