On vient d'apprendre, dans le journal Le Point, que Christophe Castaner a l'intention de multiplier les procédures de déchéance de nationalité dans les affaires de terrorisme. Preuve de sa bonne volonté, le décret du 27 mai 2019, publié au JO du 29, portant déchéance de la nationalité française d'un Franco-Marocain, condamné, en 2014, à cinq ans de prison pour association de malfaiteurs en vue de commettre un acte terroriste.

À l'époque, pas si lointaine, où il était un fidèle de François Hollande, le député PS des Alpes-de-Haute-Provence avait déclaré sur Europe 1 : « Dans l'absolu, il faudrait pouvoir déchoir tout auteur d'un crime terroriste de la nationalité française, qu'il soit binational ou non. » Dans une tribune publiée dans Le JDD, avec treize autres parlementaires, il avait pris la défense du président de la République et de son Premier ministre Manuel Valls, qui voulaient introduire dans la Constitution la déchéance de nationalité. Qu'aurait-il fait, en 2010, quand le même Hollande expliquait qu'une telle mesure était « attentatoire à ce qu’est finalement la tradition républicaine » ?

Mais l'eau est passée sous les ponts. Déçu par un Parti socialiste qui l'a contraint de retirer sa liste aux régionales pour permettre à Christian Estrosi de battre Marion Maréchal-Le Pen – « sans cela, je serais sans doute resté fidèle au parti », a-t-il témoigné plus tard –, il s'est voué corps et âme à Macron dont il a épousé, sans doute par loyauté, les positions en la matière. « La déchéance de nationalité est une faute politique, en plus d'être une solution inefficace », avait déclaré le candidat à la présidentielle dans un discours, le 10 avril 2017. Qui pourrait reprocher à Christophe Castaner d'être à l'écoute de la voix de son maître ?

Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis, dit le proverbe. Castaner est loin d'être un imbécile. Il sait adapter ses opinions aux circonstances, en fonction de ses intérêts. Il faut croire que son maître a, lui aussi, changé d'avis pour que le ministre de l'Intérieur ose prendre une telle initiative, se limitât-il aux binationaux. Jusqu'à présent, Christophe Castaner s'était bien gardé de recourir à cette sanction, pourtant prévue par le Code civil, qui autorise à déchoir de leur nationalité les binationaux condamnés pour actes de terrorisme. Ce changement de posture s'expliquerait-il par la volonté de notre Président de récupérer une plus grande partie de l'électorat de droite ? Ou de séduire la majorité sénatoriale ?

Justement, les sénateurs, dans un rapport rendu public en juillet 2018, avaient invité le gouvernement à recourir « plus régulièrement » à cette procédure pour faire face à l'évolution de la menace terroriste. Euphémisme puisque si, en 2014-2015, six personnes ont fait l'objet d'une déchéance de nationalité, depuis, plus rien ! Voici que Castaner se réveille. Et quand il se réveille, il ne se contente pas d'aboyer, il fait du zèle. Pour qui connaît le fonctionnement de l'Élysée, nul doute que ce soit sur ordre de son maître.

« Nous recensons tous les cas possibles », fait-on savoir au cabinet du ministre. « D'autres que [cet homme] sont déjà prêts. ». Encore que l'ex-Franco-Marocain, devenu exclusivement marocain, n'est pas encore expulsé : un recours est toujours possible devant le Conseil d'État et rien ne dit que le Maroc acceptera de recevoir cet hôte encombrant.

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02 juin 2019 à 17:28

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