Johnny

Après plusieurs jours d'hommages en flux tendu et des funérailles à la Victor Hugo, on pourrait croire que tout a été dit sur Johnny Hallyday. Son talent incontestable, la longueur de sa carrière, sa totale générosité en scène et son courage inébranlable face à la maladie, tout cela justifie clairement l'émotion de plusieurs générations de fans. D'autant plus que sa musique a accompagné les émois sentimentaux de la plupart d'entre eux depuis leur adolescence.

Mais au-delà de cette cohorte, cela suffit-il à expliquer le vide ressenti même par ceux qui, comme moi, étaient loin d'être des inconditionnels ? Qui, à ses débuts, rigolaient plutôt de ce faux Américain à paillettes qui tentait laborieusement de singer les déhanchements d'Elvis, tandis que les Beatles réinventaient tout ? Certes, avec le temps, ces sceptiques reconnurent tout de même un incontestable talent à "l'idole des jeunes" quand eux-mêmes ne l'étaient plus tout à fait, mais se levaient toujours pour un slow sur que "Que je t'aime". Pourquoi ces athées, d'abord passés à l'agnosticisme, se découvrent-ils aujourd'hui presque croyants après la mort du "héros" ?

Parce que pour beaucoup, inconsciemment, Johnny Hallyday était – sans doute avec Alain Delon - l'un des derniers vrais mâles français admis dans le paysage médiatique. Avec ses conquêtes féminines, l'alcool, les clopes, les interminables soirées entre copains, les Harley-Davidson® et les bagnoles qui se foutent des radars ! L'ultime testostérone tolérée dans le PAF à l'heure des féministes rabiques, de la théorie du genre et de l'écriture inclusive…

Gabin, Lino, Brel, Denner, Lanoux, Rochefort nous ont quittés, et Belmondo n'est plus "bankable". Place à Niney, Gallienne, Canet, Anglade et consorts, tous estimables comédiens, mais qui sont à Ventura et ses amis ce que le sirop d'orgeat est au pur malt, tandis qu'un rôle d'homosexuel est devenu la meilleure garantie d'un César.

Nous sommes arrivés à l'homme idéal postmoderne émasculé décrit par Éric Zemmour dans Le Premier Sexe : "Il s'épile. Il achète des produits de beauté. Il porte des bijoux. Il rêve d'amour éternel. Il croit dur comme fer aux valeurs féminines. Il préfère le compromis à l'autorité et privilégie le dialogue, la tolérance, plutôt que la lutte. L'homme idéal est une vraie femme. Il a rendu les armes. Le poids entre ses jambes est devenu trop lourd."

Tout le contraire de ce qu'était Johnny, et c'est pour ça qu'il n'a pas fini de nous manquer.

Richard Hanlet
Richard Hanlet
Médecin en retraite, expert honoraire près la Cour d'appel de Versailles

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