« Irène Frachon aurait été condamnée » : débat houleux sur les dérives sectaires

Thomas Ménagé

Dix minutes seulement avant les débats, l'article 4, dans sa nouvelle rédaction, est soumis aux députés. Ce mardi 13 février pourtant, peu avant minuit, les députés avaient rejeté (116 voix pour, 108 contre) cet article 4 du projet de loi visant à lutter contre les dérives sectaires. Cet article controversé, déjà supprimé par le Sénat en novembre 2023, propose l’instauration d’un délit de « provocation à l’abstention ou à l’abandon de soins ». Les députés RN, soutenus par leurs collègues de la droite, du centre et même de La France insoumise, s’ils soutiennent la lutte de l’exécutif contre les charlatans et « gourous 2.0 », craignent cependant que ce délit ne musèle le débat scientifique et dissuade les lanceurs d’alerte. Mais moins de 24 heures après ce vote, Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État chargée de la Citoyenneté, a annoncé, ce 14 février, au micro d’Europe 1, la volonté du gouvernement de réécrire l’article 4 avec ses alliés socialistes et de le soumettre à nouveau au vote de l’Assemblée nationale. « Un mépris pour le Parlement », juge le groupe Rassemblement national, qui promettait de se « mobiliser » à nouveau pour « refuser cet article 4 ». Une mobilisation insuffisante, puisque au terme d'un débat houleux, l'article 4 a finalement été adopté (182 pour, 132 contre) en seconde délibération par les parlementaires. Le groupe RN, malgré sa volonté de lutter contre les dérives sectaires, promet d'ores et déjà de voter contre l'ensemble du texte pour dénoncer cette « mesure liberticide ».

Irène Frachon (Mediator) condamnée ?

« L’article 4 crée clairement un délit d’opinion et est indigne d’une République respectueuse des libertés et du débat scientifique. » À la tribune, Thomas Ménagé, député RN du Loiret, ne mâche pas ses mots contre le quatrième article du projet de loi visant à lutter contre les dérives sectaires. Selon lui, ce délit de provocation à l’abstention ou à l’abandon de soins « aurait sûrement fait condamner Irène Frachon, cette pneumologue lanceur d’alerte qui a sans doute sauvé des milliers de vies en dévoilant, contre vents et marées, le scandale du Mediator ».

Un sentiment partagé par bon nombre de ses collègues qui dénoncent un article « liberticide ». Dans les rangs des Républicains, les députés s’inquiètent, notamment, des « difficultés d'ordre juridique et constitutionnel » que créerait cet article. Marc Le Fur (LR) ajoute en guise d’avertissement : « Au cœur du débat, il y a le doute, c'est ça, la réalité scientifique. La vérité n'est pas majoritaire. Pasteur était minoritaire, il était vilipendé, et l'Histoire lui a donné raison. » Tentant de rassurer ses collègues, Brigitte Liso, rapporteur du texte, promet qu'il « ne s'appliquera pas aux lanceurs d'alerte ». Une promesse que ses collègues, très bruyants en cet après-midi du 14 février, peinent à croire. Car comme le souligne Nicolas Dupont-Aignan, « un lanceur d'alerte n'est reconnu lanceur d'alerte que quand il réussit son combat ».

Déjà en octobre dernier, le Conseil d’État avait émis un avis négatif sur l’article 4 de ce texte de loi. Les sages du Palais-Royal estimaient ainsi, d’une part, que les dispositions du droit actuel, à savoir l’exercice illégal de la pharmacie, la mise en danger de la vie d’autrui, les pratiques commerciales trompeuses ou encore la non-assistance à personne en danger « couvrent déjà et amplement les faits visés » par l’article 4. Par ailleurs, le Conseil d’État appelait à « ne pas remettre en cause la liberté des débats scientifiques et le rôle des lanceurs d’alerte ». « Empêcher la promotion de pratiques de soins non conventionnels dans la presse, sur Internet et sur les réseaux […] constitue une atteinte portée à la liberté d’expression », précise-t-il. Résultat : sans remettre en cause la « légitimité de l’objectif poursuivi » par ce texte de loi, les sages proposaient « de ne pas retenir » l’article 4. Un avis suivi par les sénateurs qui, au mois de novembre 2023, avaient décidé de retirer l’article controversé du projet de loi.

Ligne de crête

Mais la majorité, soutenue par les députés socialistes, a tenu à rétablir ce délit de provocation à l’abstention ou à l’abandon de soins en commission des lois puis dans l'Hémicycle, en ce 14 février. L’objectif est louable. Alors que les signalements auprès de l’instance anti-sectes (Miviludes) explosent, notamment dans le domaine de la santé, l’exécutif entend protéger les personnes vulnérables des charlatans qui pourraient mettre leur santé en danger. Influencés par ces gourous, de plus en plus en vogue sur la Toile, certains, pourtant atteints de lourdes pathologies - comme le cancer -, arrêtent ou suspendent leur traitement pour suivre des protocoles de guérison alternatifs inefficaces. Pour les proches ou les malades eux-mêmes, ce nouveau délit, soutenu par de nombreux acteurs du monde de la santé, devrait leur permettre de lutter efficacement devant la Justice contre ces pseudos-médecins. Le problème pointé du doigt par une grande partie de l’opposition n’est donc pas tant le fond que la méthode adoptée. Même dans les rangs de La France insoumise, des députés appellent à ne pas mettre en danger la « liberté d’expression ».

En soumettant à nouveau l’article 4 au vote des députés, la majorité est sur une ligne de crête. Ce délit de provocation à l’abstention ou à l’abandon de soins n’empêchera-t-il pas à l’avenir des lanceurs d’alerte de dénoncer les effets néfastes de certains médicaments ? Ne musèlera-t-il pas les médias qui tenteraient de donner la parole à ces lanceurs d’alerte ? Et ces scientifiques qui découvriront un nouveau traitement, une nouvelle approche, seront-ils eux aussi bridés ?

Clémence de Longraye
Clémence de Longraye
Journaliste à BV

Vos commentaires

44 commentaires

  1. Veran, par son interdiction de la quinine, a provoqué la mort de nombreux malades. Quand devra-t-il en répondre ? Et ceux qui appelaient vaccin ce qui n’est qu’une modification génétique ? sachant que cette modification génétique a provoqué de nombreux morts ou handicapés……. sans compter les problèmes d’infertilité chez les jeunes (un produit modifié génétiquement devient automatiquement stérile)

  2. Je suis contre cette loi ! Et ca n’est pas cette loi qui me ferra taire ! Je continuerai à parler et à donner mon opinion sur des sujets que je maitrise parfaitement, dans les limites de mes connaissances et d’arguments objectifs vrais ! Et je continuerai à ne pas me faire vacciner cotre le Covid 19 ! Amitiés à tous Hervé de Néoules !

  3. Curieux quand même, alors même qu’on interdit les traitements chimiques aux particuliers pour soigner leurs arbres ou leur jardin, on cherche à interdire aux humains l’accès aux traitements naturels, leur faisant avaler de plus en plus de molécules chimiques, pourtant pas très  » bio » quant on sait que leurs métabolites sont excrétés dans la nature !
    C’est comme ça que l’homéopathie s’est retrouvée de-remboursée, sans doute pas suffisamment rentable pour toute cette mafia pseudo- scientifique !

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