Intelligence artificielle : seule la droite s’en préoccupe ?

Ai,Tech,,Businessman,Show,Virtual,Graphic,Global,Internet,Connect,Chatgpt

« Dans les années 1980, nous étions les premiers à investir le Minitel™. Au milieu des années 1990, nous avons fait de même avec Internet. On garde une longueur d'avance. » Celui qui s’exprime fièrement dans les colonnes du Parisien en 2011 n’était encore que « chef de projet Internet » au sein du Front national et n’était pas encore maire de Beaucaire et vice-président du RN. Julien Sanchez a de quoi se réjouir, en effet, l’avance du Front national sur les questions numériques a toujours été reconnue dans le milieu politique. Au début des réseaux sociaux, sa page Facebook était la plus suivie des différents partis politiques français. Douze ans plus tard, le RN préside le groupe d’étude sur la souveraineté numérique à l’Assemblée nationale. C'est aussi douze ans plus tard qu'après une annonce de candidature à l’élection présidentielle sur YouTube, Éric Zemmour voit son parti Reconquête lancer le premier chatbot basé sur le modèle de ChatGPT baptisé « ChatZ ». À la manœuvre, le cyber-militant Samuel Lafont, qui avait construit, pour Éric Zemmour, une stratégie numérique toute en algorithmes reconnue, toute sensibilité confondue, comme redoutablement efficace.

« Jean-Marie Le Pen a toujours été fasciné par les progrès technologiques. » Martial Bild, directeur général de la Web télé TV Libertés, se souvient de ses jeunes années au sein du FN. Il était à la manœuvre dans le lancement du site Internet du Front national, qui est devenu le premier parti politique de France à investir le Web. La raison ? « Nous subissions à l’époque une chape de plomb du système médiatique », se remémore Bild, qui poursuit : « Nous étions sans cesse en recherche de nouveaux moyens de communication contournant le circuit officiel qui nous était fermé. »

Un moyen de liberté

Un désir de liberté et d’affranchissement de la censure et des contraintes, voilà la première raison qui a poussé cette droite à investir un champ longtemps déserté par la politique. Pourtant, le sujet est loin d’être anodin ou appartenant au registre geek : « Un politique doit être dans l’innovation, gouverner en anticipant. » Le député Aurélien Lopez-Liguori en est persuadé, l’IA [intelligence artificielle, NDLR] et le numérique sont un enjeu majeur. Le jeune président du groupe d’étude sur la souveraineté numérique a été élu en juin dernier, à Agde, dans l'Hérault. Quatre ans auparavant, il publiait un mémoire de recherche sur l’intelligence artificielle. Pour lui, l’enjeu est sérieux : « L’IA est gérée en France comme le reste », soupire-t-il : « En faisant de la politique de gestion de crise et de pénurie, on fait du pansement au lieu de la recherche de soin. Comme à l’époque du Covid ou aujourd’hui avec la crise de l’énergie, on se préoccupera vraiment des enjeux de l’IA lorsqu’une crise nous tombera dessus », craint l’élu méridional.

Un enjeu de souveraineté

Il n’est pas le seul, au sein du Rassemblement national, à se préoccuper du sujet, puisque le président du parti, Jordan Bardella, en a fait un de ses chevaux de bataille. Lors du Grand Débat des valeurs, en avril dernier, le patron du parti à la flamme a tenu un long échange avec le président de l’Institut Sapiens sur le sujet. « Nous refusons que la France devienne la colonie numérique de Washington ou de Pékin », a lancé Bardella, qui pose le doigt sur l’autre enjeu du numérique : la souveraineté. Un principe cher à la droite. Et un principe pris désormais au sérieux par la France et par l’Union européenne. Cette dernière reste le premier marché du numérique, avec 92,5 % de ses habitants connectés à Internet, d’après Eurostat. Mais un marché « totalement dominé par les GAFAM et la Chine », alerte Lopez-Liguori.

Un moyen plutôt qu’une fin

Au fond, la droite se tourne vers l’IA comme on se tourne vers l’horizon. La certitude de devoir traverser un océan en anticipant au mieux les dangers. « On voyait vraiment cela comme une opportunité », se remémore Martial Bild. « Retourner les moyens du progrès pour conserver ce que, justement, le progressisme voulait nous retirer, à savoir notre identité, nos traditions et notre mode de vie », philosophe l’ancien homme politique devenu homme de médias. Mais peut-on dire que toute la droite est prête à donner dans l’IA ? « J’ai l’impression que deux droites s’affrontent, analyse Lopez-Liguori, une droite réactionnaire qui, pour des raisons bioéthiques et philosophiques », tente d’entraver l’IA. Ainsi, en Italie, le gouvernement de Giorgia Meloni a banni ChatGPT du territoire (interdiction levée fin avril). En face, « une droite prométhéenne » qui voit encore l’Europe dont la France comme des accoucheurs « de conquérants scientifiques et technologiques ». Reste à trouver le juste milieu entre l’asservissement par les robots et le grand déclassement.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 27/05/2023 à 1:19.
Marc Eynaud
Marc Eynaud
Journaliste à BV

Vos commentaires

14 commentaires

  1. Mais l’IA bientôt dans nos cerveaux, c’est la réalité. Ou quand Musk accède aux désirs de Gates :
    La start-up Neuralink d’Elon Musk annonce être autorisée à tester ses implants cérébraux sur des humains
    Pour le milliardaire, ces puces doivent permettre à l’humanité d’arriver à une « symbiose avec l’IA ».
    Sur Francetvinfo.

  2. Le combat contre l’IA est logiquement un combat de droite dont la valeur cardinale est la défense de l’ordre naturel des choses, que déteste la gauche.

  3. Si les droites avaient conservé un peu d’intelligence naturelle, il y a longtemps qu’elles se seraient alliées et seraient au pouvoir. Mais comme les Gaulois et les Indiens d’Amérique, on préfère se battre entre soi plutôt que combattre l’adversaire!

    • Bonjour Cidcampeador,
      La chronique de Frédégaire, à l’époque de Charlemagne, a popularisé une expression latine : le « Morbus gothicus », le mal gothique ! Sous cette expression Frédégaire dénonçait l’incapacité chronique des Goths à s’entendre, donc, a fortiori, à s’unir, ceux-ci allant jusqu’à s’étriper gaillardement entre eux, le cas échéant ! Ce fut d’ailleurs l’une des causes du succès de l’invasion des Maures en 711 !
      Le cumul des héritages gaulois et visigoths n’a visiblement pas arrangé les choses dans l’héxagone où mêmes les personnalités fortes et compétentes n’ont jamais réussi à imposer l’ordre de façon pérenne !
      Ceci étant, dans l’état actuel des choses, ne pensez-vous pas que le retour aux vertus sociétales du coup de pied au …, ne serait-ce qu’à titre temporaire, commence à se faire sentir de façon urgente ?
      Très cordiales salutations wisigothiques, Cidcampeador, et respectueux hommages à Dame Jimena !

  4. EN FAIT TOUT EST DANS LE MOT INTELLIGENCE
    ce mot est inconnu et ne ne fait pas partie du vocabulaire gaucho
    et à droite ce mot leur dit encore vaguement quelque chose mais ils ne se souviennent plus vraiment de quoi il s’agissait
    mais ce mot leur donne des frissons ! et artificielle encore plus …d’ou leur méfiance ..
    on vit une époque formidable !!!

  5. >>> I.A. : Seule la droite s’en préoccupe ! <<<
    Et pour cause !
    Il serait temps de s'apercevoir que pour la gauche basique française, c'est-à-dire la gauche issue de "l'internationale socialiste", celle qui totalisait plus de 25% des voix après la seconde guerre mondiale, l'intelligence sous toutes ses formes (naturelle, artificielle, intuitive ou raisonnée) n'est pas un investissement rentable !
    Quelle militantisme intelligent, sous quelque forme que ce soit, continuerait à défendre en 2023, les théories et pratiques communistes qui ont, de fait, débouché sur la situation actuelle de l'internationale communiste ?
    Ou, inversement, et face à cette gauche-là, quel activisme du capitalisme exclusivement financier prétendument intelligent et intellectuellement honnête , accepterait de passer pour un parti de gugusses en soutenant politiquement un régime qui n'a plus un sous vaillant pour financer :
    – ni sa santé,
    – ni sa justice,
    – ni sa défense,
    – ni ses régimes de retraites,
    – ni sa recherche scientifique,
    – ni son enseignement,
    – ni ses grands travaux d'infrastructure,
    accepterait d'envoyer le peu d'armement qui lui reste à Volodymyr Zelenski et continuerait à recevoir toute la misère du monde dans un hexagone en pleine abandon ???
    Non ! Décidément, l'intelligence, sous quelque forme que ce soit, n'est plus la chose la mieux partagée dans les restes de la Douce France !

  6. La ou la droite, la vraie, cherche à se protéger, les gauches, elles, cherchent à se diluer.

  7. On peut aussi trouver préoccupante la baisse constante de l’intelligence naturelle, hélas !

    • Oui, c’est de Woody Allen: « on a moins à craindre de l’IA que la bêtise naturelle ».

  8. Demain, les américains veulent bloquer la France, l’Europe ? Paf ! Une petite mise-à-jour, et à l’heure dite, tout plante ! Il ne reste que les « Linux ». Pourquoi pas de système d’exploitation français, européen ? Pourquoi tant de dépendance ? Pourquoi Office 365, qui stocke nos données aux USA, permettant à leurs services de sécurité de les fouiller abondamment ? Effectivement, aucune idée politique d’envergure sur le sujet, sauf quand il s’agit d’oppresser le citoyen, comme la reconnaissance faciale, et le « crédit-social », qui se met gentiment en place.

  9. Bonjour Marc Eynaud. L’IA est un outils à double tranchant. Ayant développé des logiciels de traitement de données (à partir des années 70) rendant l’analyse plus fiable que celle faite manuellement par des agents et rendant leur tâche plus facile et plus performante en matière de de volume et de rapidité. Le problème soulevé précédemment par Mme Marion MARECHAL et que l’outil a été détourné par mon entreprise qui par soucis de rendement a acheté mes logiciels, les a adaptés et a supprimé du personnel. Marion est allée plus loin en formulant un possible asservissement de l’homme par l’IA et la déshumanisation conséquente.

  10. Facebook, twitter, youtube, internet et les iPhones hyper-connectes ont fait la fortune de leurs inventeurs américains et contribuent à la domination du monde par les USA qui récoltent les données personnelles de leurs abonnés pour eux-mêmes ou pour les revendre au plus offrant, et ce, tout en leur faisant croire qu’ils avaient mis au point un instrument de liberté !
    Tous ces milliards récoltés par ces génies de l’informatique ont changé la face du monde, en mieux vous diront tous, devant l’ampleur du progrès, mais si on regardait un peu dans le rétroviseur, on se rendrait compte que ça l’a quand même bien pourri aussi!

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

L'intervention média

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois