Guerre Iran-Israël : le passage de l’ombre à la lumière

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La décision prise par l’Iran de répliquer à l’attaque de son consulat en Syrie en frappant, pour la première fois, directement Israël a brutalement recentré l’attention médiatique sur ce que les Américains appellent l’« éléphant dans la pièce ». Tout le monde le voyait mais personne ne souhaitait en parler.

Il est vrai que la focalisation sur la « question palestinienne » arrangeait, jusque-là, de nombreux acteurs assez peu enclins à pointer du doigt la responsabilité du régime de Téhéran dans la terrible attaque du 7 octobre et la guerre qui s’en est suivie. Parmi eux, le président américain qui voit son parti se diviser et sa candidature vaciller du fait de son soutien à Israël. Pour Joe Biden, le retour au statu quo ante constitue un impératif.

Comme le confiait au Washington Post, l’automne dernier, une source bien placée à la Maison-Blanche, on est rapidement passé de « Nous sommes à 100 % derrière Israël » à « Nous devons vraiment trouver un moyen de ne pas aggraver ce conflit » et, pour cela, « la réponse israélienne est la partie qui doit être contrôlée ».

Joe Biden aurait alors dû méditer le livre de l’Exode, qui lui aurait rappelé que le peuple hébreu est « un peuple à la nuque raide ». Il n’est pas dans ses habitudes de se soumette aux injonctions extérieures, même quand elles viennent de ses alliés. Aussi, à Damas, le 1er avril dernier, les Israéliens ont-ils pris le risque d’une escalade en frappant de hauts responsables iraniens du corps des Gardiens de la révolution islamique, les marionnettistes en chef du chaos au Moyen-Orient.

Le rôle de l’Iran

S’écartant du grand récit médiatique qui s'est imposé depuis le début de la guerre, le Wall Street Journal (WSJ) a alors invité Joe Biden à reconnaître qu’à Gaza, « il s’agit en réalité d’une guerre contre l’Iran ». Le quotidien américain est bien placé pour le savoir, puisqu’il est le premier à avoir révélé le rôle joué par Téhéran dans l’attaque terroriste du Hamas.

« Les responsables de la sécurité iranienne ont aidé à planifier l’attaque surprise du Hamas contre Israël samedi et ont donné leur feu vert à l’attaque lors d’une réunion à Beyrouth lundi dernier, selon des hauts responsables du Hamas et du Hezbollah, un autre groupe militant soutenu par l’Iran », avait affirmé le WSJ, dès le 8 octobre.

D’après ces mêmes sources, l’objectif était « de perturber l’accélération des négociations engagées par les États-Unis pour normaliser les relations entre l’Arabie saoudite et Israël, que l’Iran considérait comme menaçantes ».

En septembre 2023, un peu plus de deux semaines avant l’attaque du Hamas, Benyamin Netanyahou, à la tribune de l’ONU, avait annoncé l’avènement d’un nouveau Moyen-Orient. Dans le prolongement des accords d’Abraham, Israël s’apprêtait à conclure une paix historique avec l’Arabie saoudite qui devait contribuer « à mettre fin au conflit israélo-arabe », avait-il affirmé.

Face à ces perspectives grandioses, Netanyahou ne cachait cependant pas avoir pleinement conscience de la persistance d’un danger majeur : « Les fanatiques au pouvoir en Iran feront tout ce qu’ils peuvent pour contrecarrer cette paix historique. » Sur ce dernier point, il ne s’est pas trompé.

Par l’intermédiaire de ses mandataires palestiniens, l’Iran a agi. Or, l’Iran avait prévenu. Quatre jours avant l’attaque du Hamas, le 3 octobre 2023, le guide suprême Ali Khamenei avait prononcé un discours lourd de menaces annonçant les événements à venir et qui, rétrospectivement, rend parfaitement lisible la stratégie de Téhéran.

Un « nouveau Moyen-Orient » ?

« Le régime usurpateur [sioniste] touche à sa fin », avait affirmé le guide. « Aujourd’hui, la jeunesse palestinienne et le mouvement palestinien, le mouvement anti-occupation, anti-oppression et antisioniste sont plus énergiques, plus vivants et plus préparés que jamais, vous pouvez le constater. Et si Dieu le veut, ce mouvement atteindra ses objectifs », avait-il déclaré.

Dans son discours, le guide iranien avait adressé un autre avertissement : « La République islamique est fermement convaincue que les gouvernements qui parient sur la normalisation des relations avec le régime sioniste subiront des pertes. La défaite les attend. Ils font une erreur. »

Il fallait, d’après Khamenei, se détourner d’un projet de réorganisation régionale dirigé par une puissance extérieure hostile (les États-Unis) qui cherche à diviser les musulmans et à les faire pactiser avec l’ennemi de toujours. Au lieu de s’engager dans une coalition israélo-arabe, les puissances sunnites de la région devaient s’unir aux côtés de l’Iran pour bâtir un nouvel ordre régional post-américain excluant Israël.

Le jour de l’attaque, le 7 octobre, Ismail Haniyeh, le chef du Bureau politique du Hamas, faisait passer le même message en invectivant les dirigeants arabes, « ces défaitistes » qui ont « propagé la culture de l’impuissance et du désespoir » en s’engageant sur « le chemin de la normalisation [des relations avec Israël] », c’est-à-dire de « la reconnaissance de l’ennemi ».

L’attaque terroriste du Hamas et l’activation, à sa suite, de l’ensemble de l’« axe de la résistance » (qui mobilise une vingtaine de groupes au Moyen-Orient, armés, financés et entraînés par l’Iran) ont permis à Téhéran de démontrer son pouvoir de nuisance et de faire passer, via ses mandataires, un message clair aux dirigeants arabes : si vous souhaitez la paix, rejoignez-nous ; si vous voulez la guerre et le chaos, continuez à vous rapprocher des Américains et des Israéliens.

Depuis la réplique iranienne à l’attaque de son consulat à Damas et l’attente de la réponse de l’État hébreu, la guerre à Gaza se révèle sous un autre jour. Elle est, en réalité, une guerre dans la guerre, un théâtre d’opération parmi de nombreux autres sur un échiquier régional en recomposition. Joe Biden, comme ses alliés européens et arabes, se retrouve désormais contraint de faire face à l’« éléphant dans la pièce ». Ce n’était certainement pas son intention. Ni celle de ceux qui, depuis plusieurs mois, se sont emparés de la cause palestinienne afin de l’exploiter politiquement.

Frédéric Martin-Lassez
Frédéric Martin-Lassez
Chroniqueur à BV, juriste

Vos commentaires

9 commentaires

  1. A chacun ses allies, israel bichonne par les US et les Palestiniens sous relative protection de l´Iran. Evidemment des groupes comme le Hamas, le Hezbollah et quelques autres mouvement de résistances meme la vie dure a Israel, mais Israel et sa milice mossad s´en vont tuer quelques personnalités militaires ou non sur toute la planète. Israel s´en va raser un consulat Iranien ce qui énerve ces meme Iraniens qui répliquent de maniere intelligente tres modérée pour limiter l’escalade, mais spectaculaire politiquement. Il y a eu des accords US-Iran.

  2. J’ai travaillé en Iran, régime islamique bien plus tendre que le régime islamique d’Arabie Saoudite (auquel on ne fait aucun reproche). Dans les deux pays, les femmes doivent être voilés, mais le voile iranien est bien souvent bien plus sexy que le masque de cuivre saoudien, dans le pays il faut faire le Ramadan, mais il est obligatoire et facultatif, même s’il ne faut pas rompre le jeune en public du lever au coucher du soleil, en Iran. La tolérance dans la sphère privée y est beaucoup plus importante. Enfin, l’Iran est un grand pays de vieille civilisation (la première déclaration des droits de l’Homme y a été publiée au 6eme siècle avant JC), mais qui ne se vends pas au premier venu (peut être une des raisons de la chute de la dynastie éphémère des Pahlavi, trois générations seulement). Ce pays a une vocation de puissance régionale et compte bien l’accomplir. On peut le regretter, mais ils ne sont pas plus fanatiques que les USA qui entendent conserver leur hégémonie mondiale.

  3. Faut-il attendre que ces fanatiques soient équipés de la bombe nucléaire comme la Corée du Nord pour les exterminer ? Après, il sera trop tard…

  4. Ne pas oublier que le but de l’islam est de conquérir l’Europe puis le monde . Israël n’en est que le début , c’est pourquoi il faut soutenir Israël , ne pas les laisser gagner , il y va de notre survie à tous . Partout l’islam gagne du terrain et nous subissons tous les conséquences du laxisme de nos élus , les peuples souffrent , trop de vies humaines déjà sacrifiées par la faute de nos élus , dans tous les pays européens ils attaquent et détruisent nos symboles chrétiens et juifs .

  5. Comparez à une démocratie du wokisme débridé totalement à la masse voire en déconstruction, 1 risque de guerre mondiale VOLONTAIRE, en plus d’un GÉNOCIDE en cours, par des PSYCHOPATHES et PARANOS Sociétal, en quoi le point de vue des Iraniens serait inintéressant ?!

    • Je suis assez d’accord. Les US ont mené 500 conflits depuis leur indépendance dans un but uniquement egemonique. Ils ne peuvent faire la guerre a l´UE alors ils la ruine, mort sociale assurée.

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