Grande braderie : qui qu’en veut de la souveraineté ?

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Toujours très intéressant de voir les titres donnés aux ministères au gré de la mode et des lubies de ceux qui nous gouvernent. Prenez, par exemple, les Affaires étrangères. En 1981, lorsque François Mitterrand accède à l’Élysée, elles prennent le nom de ministère des Relations extérieures, renouant avec une appellation qui avait existé de 1794 à 1814, successivement sous la Convention, dite thermidorienne, le Directoire, le Consulat et l’Empire. Le premier président socialiste de la Ve République voulait-il ainsi renouer avec la filiation révolutionnaire ou impériale, après un septennat giscardien très old regime, sous certains aspects, malgré le ripolinage moderniste donné à l’institution républicaine ?

Il s’agissait, en fait, de rappeler que le Quai d’Orsay avait le monopole des relations de toute nature avec l’étranger, monopole qui avait été battu en brèche sous Giscard. En 1988, Mitterrand conserva la vieille appellation « Affaires étrangères » que la cohabitation de Chirac de 1986 à 1988 avait remise en vigueur. La flemme de refaire les plaques de cuivre ou l’expression qu’après avoir largement usé du pouvoir, on était passé au-dessus des ces détails que d'aucuns pourraient considérer comme des enfantillages ? Ce ministère prit ensuite, en 2007 lorsque Nicolas Sarkozy devint président de la République, l’appellation de « ministère des Affaires étrangères et européennes ». Une appellation qui voulait bien dire ce qu’elle voulait dire : l’Europe, ce n’est plus tout à fait l’étranger. François Hollande, lui, dans un premier temps, fit plus classique en revenant à l’appellation traditionnelle, sans accessoires. Était-ce pour satisfaire le classicisme bon teint de Laurent Fabius qui pouvait désormais traîner son élégant ennui, « pochette et poignets mousquetaires » impeccables, dans un ministère qui fut détenu par Talleyrand ? Allez savoir. Deux ans plus tard, sous Manuel Valls, on adjoignit au portefeuille le « développement international ». Pourquoi pas, histoire de donner aux relations extérieures une autre image que celle d’antichambre de la guerre, selon la théorie de Clausewitz qui voulait que la guerre n’était autre que la continuation de la politique par d’autres moyens. Mais tout cela, somme toute, restait assez classique.

Et puis, enfin, Macron vint. Le Quai d’Orsay prend l’appellation, en 2017, de « ministère de l’Europe et des Affaires étrangères ». Tout un programme. Et l’on n’a pas été déçu. La diplomatie française n’a cessé de reculer, notamment en Afrique, durant ce premier mandat d’Emmanuel Macron. En 2018, le vice-chancelier Olaf Scholz, depuis chancelier, déclarait : « Si nous prenons l'Union européenne au sérieux, l'Union européenne devrait également parler d'une seule voix au sein du Conseil de sécurité des Nations unies [...] À moyen terme, le siège de la France pourrait être transformé en siège de l'Union européenne. » Faut pas s'gêner ! Je ne sais pas s’il faut prendre l’Union européenne au sérieux, en revanche, l’Allemagne, je sais que oui… On ne se souvient pas d’une quelconque réaction musclée de la France à ces propos mettant en cause notre souveraineté sur la scène internationale. Mais il est vrai que l’on sait qu’Emmanuel Macron ne conçoit la souveraineté qu’à travers l’Union européenne. Il souhaite une « Europe plus souveraine », ce qui signifie, par parallélisme des formes, une France moins souveraine.

Alors, l'artiste illusionniste, dans cette fantastique braderie nationale, nous invente des souverainetés accessoires. Ainsi, on découvre que Bruno Le Maire est désormais titulaire du ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique. Que Marc Fesneau a hérité du maroquin de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire. Pourquoi « souveraineté » ? « Indépendance » aurait sans doute suffi. On a bradé l’essentiel de notre souveraineté nationale à Bruxelles, il fallait bien amuser la galerie en inventant des souverainetés à la découpe. Tout est une question d’emballage pour bien vendre le produit. Tiens, j’y pense, on aurait pu imaginer que Gérald Darmanin soit ministre des Polices et de la Souveraineté intérieure, dans un esprit de « reconquête républicaine »…

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

Vos commentaires

43 commentaires

  1. Pour macron et ses alliés à gauche comme à droite, la France n’est plus depuis longtemps une nation mais une zone commerciale avec des supermarchés en faillite. Théorie du chaos, tentative de mutation capitalistique car le système est à bout de souffle par baisse drastique du taux de profit et surproduction. Ils ne pourront pas faire repartir la machine nous sommes en fin de cycle. Attendons nous à beaucoup de misère et de détresse.

  2. Très bon article. Effectivement avec Macron tout est verbiage plutôt blabla. Il parle beaucoup mais acte peu, laissant faire. Lui est parfait, une science infuse incarnée qui délègue à ses ministres responsables quoiqu’il en coûte de ses décisions. La France est un pays millénaire avec sa culture et sa géographie. La seule souveraineté est
    Française. l’Europe n’est qu’une association. Macron est le maître du Formica, beaucoup d’imitation dans des matériaux ordinaires.

    • Remarquez qu’il vaut peut être mieux qu’il agisse peu. Car quand il agit, c’est une ânerie de plus au détriment de la France…

  3. Pour écraser son adversaire il faut inventer des mots ,appauvrir le langage courant …ces mots viennent étouffer le sens des mots anciens enlever la pensée de ces mots mêmes afin d’empêcher de penser le monde et le monde de penser etc .Bon ce n’est pas de moi mais je vous le livre car c’est notre actualité et la nouvelle culture qui s’installe, outil d’une domination sans limite de la bureaucratie supra nationale. Vous trouverez cela dans la ferme des animaux.

  4. Le plus emblématique changement fût celui lourd de sens de l’Instruction Publique devenue dans les années trente E.N. Dans la France de ce temps là 10 à 15 % des Lycéens espéraient décrocher le Bac ; aujourd’hui, tout le monde même en séchant tous les cours . Ce Ministère éduque de façon bien médiocre et contraire souvent à la volonté des parents dont c’était le devoir n°1, mais il enseigne si peu de choses que l’on se demande à quoi il sert désormais. Aussi étranger à son rôle que votre M.A.E.

  5. Macron est un spécialiste du verbage et des mots creux… quant à « nouveau »… il ne sait pas ce que cela veut dire et confond « Renaissance » avec continuité !

      • J’ai une opinion très différente de la plupart des gens concernant Machiavel, je l’ai lu, et il n’était pas du tout ce que les gens croient. Cordialement.

  6. La souveraineté , chez Macron , plus on en parle et moins elle est présente ;
    Ou alors d ‘ une façon incongrue …

  7. Ils peuvent bien changer les noms autant qu’ils veulent , tant que ce sont des incompétents et des destructeurs qui les dirige le problème reste le même .Tant qu’on y est et pour plaire à certains on rebaptise certaines villes : par exemple Marseille deviendrait Chicago ….On est mal barré voilà la triste réalité.

  8. Macron avance masqué. La rouerie est sa méthode. Il souhaite une Europe des régions, des grandes métropoles connectées. Le reste des territoires et les frontières n’existent plus. Les populations sont une matière première comme les autres dont les échanges doivent être fluides.

    • C’est un gouvernement de la com, et donc de l’illusion, du virtuel. Avant les législatives, il s’agit de neutraliser les souverainistes…
      On n’a jamais autant parlé de démocratie que depuis qu’elle n’existe plus…

      • Et ça fait déjà un bail, depuis les lois liberticides Pléven, Gayssot, Lelouch, Perben, c’est pour cela que Macron a pu être réélu « les doigts dans le nez ». Cordialement.

  9. Pas de coup de balai sur les soldes uniquement de la récupération et du recyclage. Il ne suffit pas que les titres des ministères soient théâtraux, il faut des actes à la hauteur des attentes des Français. Une chose est sûre, les Français vont en avoir pour leur argent sous ce quinquennat bis repetita.

    • Il n’y a pas grand chose à dire puisque les français ont voté, certes mal voté mais maintenant il va falloir avaler les couleuvres !!

  10. En tant que futur président de l’Europe, Macron va en proposer une nouvelle cartographie géographique. Ainsi la France deviendrait et serait nominée : zone régionale, océanique-ouest-Europe. La question qui se pose est : comment va-t-on appeler ses habitants ?

    • Nommer, c’est discriminer. Le monde d’après est celui où les individus désafiliés, sont interchangeables.

    • La question ne se pose même pas, il n’y aura jamais de « président de l’Europe », lui aussi se fourre le doigt dans l’oeil jusqu’au coude, il est la risée des autres pays de l’UE. Cordialement.

      • Espérons ! L’issue serait peut-être dans une crise économique, alimentaire, énergétique et de la monnaie qui ravagerait et diviserait l’Europe, bien que ça risquerait de ne pas être agréable ; mais au moins la dictature européenne serait peut-être évitée.

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