Le gouvernement populiste saute, avec la démocratie
"Nous avions une équipe de ministres, nous étions prêts à gouverner, mais on nous a dit non parce que les agences de notation étaient inquiètes… Disons-le clairement, il est inutile d’aller voter si ce sont les agences de notation, les lobbies financiers et bancaires qui décident des gouvernements" (Luigi Di Maio, leader du Mouvement 5 étoiles. "C’est le gouvernement des marchés, qu’ils fassent voter directement la Bourse, la prochaine fois !" (Matteo Salvini, leader de la Lega).
Les réactions des vainqueurs des dernières élections italiennes, qui avaient réussi l’exploit de s'entendre sur un programme, n'ont pas de quoi surprendre.
En effet, les marchés semblent plutôt contents ce matin. La vindicte menaçante qu'ils avaient exprimée depuis l'annonce d'un accord entre les deux partis anti-système s’est magiquement apaisée, car le président de la République, Sergio Mattarella, a dynamité, hier soir, la formation du gouvernement, imposant son veto sur le ministre de l’Économie choisi par l’accord Ligue-M5S, Paolo Savona, qui en était la condition sine qua non. Trop eurosceptique, parait-il… Même si les sorties de l’euro et de l’Union européenne avaient été abandonnées.
Retour, donc, à la case départ, celle d’un pays qui patauge dans l’instabilité politique depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale : 64 gouvernements en 70 ans, qui dit mieux ?
Résumons quand même pour ceux qui - à juste titre - ne saisissent pas totalement le caractère antidémocratique de la manœuvre et la perversion des institutions italiennes : un président de la République non élu par les citoyens vient d'interdire un gouvernement élu par le peuple.
Ce matin, le président a alors chargé Carlo Cottarelli de former une nouvelle équipe gouvernementale, sans l’aval des partis de majorité mandatés par le peuple italien. L’économiste, un « spécialiste des finances publiques » surnommé "Monsieur coupes budgétaires", a tout pour plaire aux véritables tenants du pouvoir - les oligarchies financières : un diplôme de l’ultralibérale London School of Economics ; une solide expérience professionnelle auprès du grand usurier mondial : le Fonds monétaire international ; et une certaine foi dans l’austérité, qu’il avait déjà tenté de mettre en œuvre durant le précédent gouvernement technique de 2013. En gros, "un de ces experts donneurs de leçons qui nous a accablés en taillant dans la santé, l'éducation, l'agriculture", comme l'explique à juste titre Luigi Di Maio, aux antipodes de la volonté populaire sortie des urnes.
Il a annoncé, toujours ce matin, les deux scénarios qu'il préconise : de nouvelles élections début 2019 s’il obtient un vote de confiance sur la loi budgétaire - ce qui, au vu des chiffres, paraît impossible, M5S et la Ligue comptabilisant plus de la majorité au Parlement - ou un retour aux urnes après le mois d’août - ce qui est encore le scénario le plus probable.
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