François-Xavier Bellamy, tête de liste LR aux européennes, au risque de se perdre

François-Xavier Bellamy

Investi, mardi 29 janvier, pour conduire la liste des Républicains aux élections européennes, François-Xavier Bellamy continue de susciter des polémiques au sein même de son parti. On lui reproche ses « positions conservatrices ». Sa candidature, portée par Laurent Wauquiez, a cependant été approuvée par 38 voix sur 40 - sans enthousiasme, paraît-il. Mais celui qui a le plus à perdre dans cette aventure, n'est-ce pas Bellamy lui-même ?

Gérard Larcher, le président du Sénat a répété ce matin sur France 2, que ce candidat « ne coch[ait] pas toutes les cases » : il ne partage pas sa vision de la société, notamment sur la « place des femmes », leur « liberté personnelle », l'« IVG ». Pour être complet, il aurait pu ajouter que Bellamy milita contre le mariage pour tous. On a même ressorti une conférence, prononcée en 2014 devant un auditoire catholique, où, faisant la distinction entre valeur et vérité, il déclara : "Il n’y a qu’une seule bonne raison de croire au Christ, et cette seule raison, c’est la certitude que le christianisme dit la vérité."

Je ne sache pas que François-Xavier Bellamy soit un phallocrate ni un fanatique. Faut-il, par ailleurs, rappeler que la majeure partie de la droite UDR s'opposa à la loi Veil ? Quant à la Manif pour tous, n'ayons pas la cruauté de citer tous les élus UMP qui se pressèrent dans les premiers rangs des manifestations organisées par Frigide Barjot avant, pour la plupart, de ranger leur engagement au magasin des accessoires. Notre philosophe a l'honnêteté d'y avoir réfléchi et d'être fidèle à ses convictions. À titre personnel, sans vouloir les imposer aux autres. Le christianisme, il considère qu'il est porteur d'une vérité universelle, non pas avec la foi du charbonnier, mais après un cheminement intellectuel.

Il n'est pas sûr, cependant, qu'il puisse se réjouir de cette désignation. On lui a adjoint une proche de Valérie Pécresse, Agnès Evren, et un député européen sortant, Arnaud Danjean. Un trio « au nom du rassemblement ». Quand on sait que Danjean est un ancien soutien d'Alain Juppé, qui approuve la politique européenne de Macron, et qu'il parraina Maël de Calan contre Laurent Wauquiez, on peut supposer que Bellamy sera contraint à des compromis, voire à manger son chapeau. Sans compter que figurent sur la liste des vieux de la vieille, comme Michèle Alliot-Marie, Rachida Dati, Brice Hortefeux et Nadine Morano, dont la constance des positions n'est pas la qualité première.

Tous ont en commun d'appartenir au Parti populaire européen (PPE) dont les votes, c'est le moins qu'on puisse dire, ne vont pas dans le sens de ce que souhaiterait la tête de liste. Gérard Larcher a, d'ailleurs, souligné, ce matin, cette dimension : Bellamy n'est pas son préféré, mais l'important est que le groupe PPE « vire en tête ». Dans ces conditions, il est probable que notre professeur-philosophe doive avaler beaucoup de couleuvres pour rassembler des personnalités dont beaucoup ont des positions différentes des siennes en matière européenne.

Souhaitons, pour sa réputation et sa dignité, qu'il ne soit pas contraint de tordre le cou à ses convictions sur la transmission de la culture, l'Europe des nations et l'immigration. Il serait paradoxal que le jeune homme brillant que Laurent Wauquiez a choisi pour attirer l'électorat conservateur et catholique prenne les habitudes des vieux briscards de la politique qui ont montré leurs limites et que les Français rejettent. Placé à la tête d'une liste de compromis, François-Xavier Bellamy risque, s'il n'y prend garde, de se compromettre lui-même.

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Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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