François Fillon au tribunal : tragédie ou comédie ?

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Dans le procès des époux Fillon, nous n’en sommes certes pas au stade du verdict final, mais les réquisitions sont lourdes : cinq ans de prison, dont trois avec sursis, assortis d’une amende de 375.000 euros et de dix ans d’inéligibilité pour monsieur ; trois ans de cabane avec sursis et la même douloureuse pour madame.

Certains commentateurs politiques, dont l’avocat Gilles-William Goldnadel, estiment tout cela « délirant ». Il est vrai que certaines racailles de cités sont mieux traitées au prétoire qu’un ancien Premier ministre ayant, en son temps, prétendu à la magistrature suprême.

Il n’empêche que les voyous précités ne prétendent à rien et encore moins à des brevets de vertu. Et c’est aussi cela que François Fillon est peut-être en train de payer, aujourd’hui, tel que dit par l’avocat des parties civiles : « François Fillon ne doit ses déboires politiques qu’à ses propres turpitudes, et non à l’action de la justice. François Fillon a été l’artisan de son propre malheur. »

C’est aussi cette phrase demeurée fameuse, dont il paye désormais la note : « Imagine-t-on le général de Gaulle mis en examen ? » Sans oublier d’autres actions de couloirs visant à influencer Jean-Pierre Jouyet, à l’époque secrétaire général de l’Élysée, auprès duquel le même François Fillon aurait intercédé afin que les actions en justice contre Nicolas Sarkozy soient accélérées. Ce dernier n’aurait jamais pardonné.

Après, les emplois fictifs, parlementaires ou municipaux… Il s’agit, évidemment, là d’une mauvaise manie mais tous les partis politiques de France ont, globalement, agi de la sorte. Ce n’était pas bien, mais c’était aussi comme ça.

En revanche, dans le cas de Mme Fillon, c’est, semble-t-il, tout autre chose, cette dame étant décrite comme « victime consentante des agissements de son mari ». En pleine tourmente hystérico-féministe, c’est assez moyen. D’autant plus moyen que d’autres épouses tout aussi dévouées à la cause patriarcale, Xavière Tiberi et Isabelle Balkany, pour ne pas les nommer, elles aussi épinglées par la justice, pouvaient au moins exciper d’un véritable travail au bénéfice de leurs mâles respectifs.

Dans l’affaire qui nous occupe ? Peau de balle et balai de crin. 613.000 euros perçus entre 1998 et 2013 en tant qu’attachée parlementaire, par l’entremise de son cher et tendre ? Elle ne sait plus trop bien ce qu’elle faisait. 135.000 euros versés par La Revue des deux mondes, dirigée par Marc Ladreit de Lacharrière, proche ami de son époux ? Elle ne se souvient plus trop de ce qu’elle y faisait.

Et c’est là où ça fait encore plus mal et où l’on comprend que François Fillon a consciencieusement tressé la corde destinée à le pendre, sachant que lui, « l’homme qui a fait de la probité une marque de fabrique », est aussi celui qui affirme, à propos de l’augmentation du SMIC : « C’est trop facile d’être généreux avec l’argent des autres, au détriment de l’emploi des autres. »

Il est tout aussi vrai que l’infortunée Penelope Fillon, malgré les centaines de milliers d’euros perçus, n’a pas été des plus fortiches, dès lors qu’il s’agissait de définir l’exacte nature de ses fonctions. D’où la légitime interrogation des juges : « Quel salarié n’est pas en mesure de décrire de manière circonstanciée la nature de son travail ? »

Après, le rôle d’un journaliste ne consiste pas forcément à piétiner les cadavres. Mais qu’il nous soit au moins permis de les enjamber.

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

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