Flavien Moreau, premier djihadiste français à sortir de prison. Et après ?
Certes, et tant mieux pour lui, Flavien Moreau, dit « le Chinois », puisque né en Corée du Sud – CQFD –, cumule deux titres de gloire ; l’un consistant à avoir été l’un des premiers djihadistes à avoir été condamné pour départ en Syrie, et le second pour avoir été, en tête de liste, libéré et pour les même motifs, à son retour en France, non sans avoir échappé à la case prison lui ayant valu sept ans derrière les barreaux.
Qui est Flavien Moreau ? Un apprenti boulanger ayant mal tourné. Du pain tout court à celui d’explosifs, il n’y avait qu’un pas à franchir, ce qu’il fit. Son levain politico-religieux ? Il est des plus sommaires, tel que résumé à un journaliste du quotidien suisse Le Temps : « L’islam français est frelaté, le Conseil français du culte musulman travaille avec le gouvernement. Pour moi, c’est l’ennemi de l'intérieur, presque pire que les mécréants, L’islam vrai, c’est le djihad. C’est une priorité de se battre pour défendre la religion et la propager. Le reste, c’est bidon. » Et ta mère, elle est frelatée, serions-nous tenté d’ajouter ?
« Bidon », sa défense le fut tout autant. Parti faire la guerre aux « mécréants », musulmans en l’occurrence, son rôle se serait résumé à « aider les blessés », fort de son brevet de secourisme. Son retour en terre impie ? « J’avais envie de fumer, j’aurais dû me sevrer avant. » À en croire les juges, cet « enfant timide » devenu « fanatique », aurait été passionné par « la chimie des explosifs ». Bref, un nigaud. Mais de l’espèce dangereuse : un tueur idiot peut causer autant de victimes qu’un assassin plus dégourdi, qu’il soit ou non islamiste ou récemment converti à cette religion que certains donnent imprudemment pour être « d’amour et de paix ».
Et maintenant, quid de l'avenir ? Non seulement pour Flavien Moreau mais aussi pour toute la cohorte qui le suit, libérable à plus ou moins brève échéance ? Et maintenant ? Interrogé par notre confrère Daoud Boughezala, du mensuel Causeur, Thibault de Montbrial, directeur du Centre d’analyse du terrorisme, nous explique pourquoi et comment la situation pourrait être pire encore, du point de vue de l’armement de ces terroristes, réels ou potentiels, malgré la facilité qu’il y a à se procurer des armes de guerre en notre douce France.
Là, il semblerait que force de l’État et grand banditisme puissent se retrouver : « Paradoxalement, les deux ont le même objectif. Ceux qui tiennent le trafic d’armes n’ont aucune envie d’être pris dans une enquête pour complicité d’actes terroristes, où ils risqueraient trente ans de réclusion criminelle. Ils ne veulent pas non plus attirer les policiers sur leurs zones de trafic et bloquent l’accès aux armes à feu aux islamistes, ainsi qu’aux voyous de banlieue qui veulent “taper du flic”. » Est-ce plus rassurant pour autant ? Pas forcément.
Toujours interrogé par Daoud Boughezala, Marc Trévidic, ancien juge antiterroriste, évoque la faiblesse de notre système judiciaire, voulant que ces terroristes soient généralement traduits au tribunal correctionnel plutôt que devant une cour d’assises : « Devant le tribunal correctionnel, le maximum de la peine n’est que de dix ans de prison. Quand un réseau terroriste passe en correctionnelle, comme dans les trafics de drogue, le chef prend dix ans et ses sous-fifres encore moins. Cela donne une moyenne des peines infligées assez faible. En revanche, si l’on jugeait les djihadistes aux assises avec une qualification criminelle qui leur ferait risquer vingt ou trente ans de réclusion, on n’observerait pas la même compression des peines. »
Tout cela demeure évidemment de l’ordre technique. Pour une dimension plus symbolique, on pourra encore avancer le fait que celui, au-delà de ses origines, de sa condition sociale ou de ses convictions religieuses, ayant pu prendre les armes contre sa patrie de naissance ou d’adoption puisse encourir des châtiments plus sévères encore.
Après tout, et ce, pour un terroriste, ce serait plutôt comme une sorte de couronnement posthume, plutôt que ces quelques mois de prison, distribués tel un pourboire au premier garçon de café venu. Tandis qu’il revient, comme toujours, aux Français de régler l’addition.
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