Fermeture de mosquées : comment le salafisme profite des faiblesses de notre droit

école musulmane

Fermer une école ou une mosquée salafiste n'est pas une sinécure. Il faut d'abord en avoir la volonté, ce qui n'est pas toujours le cas, soit qu'on craigne de porter atteinte à l'État de droit, soit qu'on redoute les conflits, soit que l'on cherche à minorer le danger que représenterait ce courant de l'islam. Dans ces conditions, est-il étonnant que les fermetures se fassent au compte-gouttes ?

Le 18 décembre, le ministre de l'Éducation nationale a annoncé la fermeture d'un établissement scolaire clandestin, dans les quartiers nord de Marseille, après signalement de la mairie tenue par le Rassemblement national. Source déjà suspecte ! Selon le procureur, "l’association offrait une activité d’enseignement avec un emploi du temps comprenant des cours sur le Coran, du français, des maths, de l’anglais, de l’arabe". Mais la véritable raison de la fermeture administrative, c'est que cette école n'a pas été ouverte de façon régulière.

Selon Le Monde, les habitants du quartier, "par peur de représailles", sont peu nombreux à témoigner sur le fonctionnement de cette école. Rien de plus difficile, apparemment, quand on évoque l'islam, que d'appeler un chat un chat. Si Jean-Michel Blanquer n'hésite pas à dénoncer une forme d'endoctrinement et "un phénomène de société", le préfet de police préfère parler d'une école "communautarisée" : par souci d'objectivité, avant la conclusion de l'enquête, ou pour ne pas envenimer les choses ? Il ne faudrait surtout pas se faire accuser de discrimination.

La même prudence entoure la fermeture d'une mosquée – une « suspension » serait un terme plus approprié. Il faut procéder à de longues investigations pour apporter la preuve que les idées qui y sont diffusées ou les activités qui s'y déroulent "provoquent à la violence, à la haine et à la discrimination et font l'apologie d'actes de terrorisme" : ce fut le cas pour la mosquée Al-Sunnah, à Haumont, dont le préfet du Nord a ordonné la suspension, ce même 18 décembre.

L'an dernier, à la même époque, c'était une autre mosquée salafiste, encore à Marseille, qui avait fait l'objet d'une suspension, le 11 décembre 2017. Un an après, selon Le Figaro, on croise toujours, dans le coin, "des hommes en tenue salafiste, des femmes totalement voilées, des commerces de bouche ou de vêtements visiblement dans la mouvance". De plus, les recours sont courants : les islamistes, qui ne reconnaissent pas notre droit, savent l'utiliser pour plaider leur cause. On voit rarement un imam avouer sa culpabilité : c'est forcément un malentendu ou, pire, une forme d'islamophobie.

Tareq Oubrou, recteur de la mosquée de Bordeaux, réputé modéré, explique, dans Le Figaro, qu'il est très difficile de faire la différence entre un islamiste et un non-islamiste, tant la frontière est ténue entre le religieux et le politique. Il faudrait un dispositif de contrôle des finances et des discours dans les mosquées, vérifier la crédibilité des responsables de l'association qui gère la mosquée et de l'imam qui y officie. Mais qui serait habilité à le faire, dans une religion où n'existe pas de hiérarchie ?

Les scrupules des autorités sont tels qu'elles peinent à condamner l'islamisme radical. Ajoutez le concept de dissimulation, que le Coran recommande pour se défendre : vous avez tous les ingrédients nécessaires pour parer les interdictions intempestives. C'est ainsi que l'imam de Brest, soupçonné de salafisme, qui expliquait, entre autres perles, que "si la femme sort sans honneur, qu’elle ne s’étonne pas que les hommes abusent d’elle", continue d'être reconnu : il a même reçu, en décembre 2017, un diplôme en religion de l'université de Rennes.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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