Féminisme, maternité et confinement

bébé maman

Dépitée, c’est le mot. J’ouvre les news matinales et, pour la énième fois, le même article en première page, refondu dans la forme mais tout à fait semblable dans le fond : « Charge mentale en confinement : “L’impression de vivre la vie d'une femme au foyer des années 1950”. » En tant que mère active (si tant est qu’il y ait des mères non actives !), je suis ulcérée à cette lecture.

C’est vrai, toutefois, il y a des femmes dont le quotidien est physiquement et psychiquement très lourd pendant ce confinement. Ce témoignage dans Le Figaro Madame est révélateur : « C’est une discipline olympique de travailler et de gérer mes trois filles en même temps. » D’autant que la crainte de se voir distancer par ses collègues lui met la pression. « Ceux qui n’ont pas d’enfants gagnent en productivité. Au contraire, on demande à celles et ceux qui ont des enfants d’être au four et au moulin. Forcément, on a peur d’être placardisée, d’être identifiée comme celle qui est toujours avec ses gosses. »

Mais voilà que la suite de l’article dénonce les éternels coupables : le mâle et la vilaine inégalité des sexes. Mâle absent, mâle inapte, mâle absorbé par sa propre carrière ; en bref, le mal absolu ! Ces incantations féministes à l’encontre de l’homme sont épuisantes. Complètement « à côté de la plaque », elles vont finir par produire les « machos » qu’elles redoutent.

Dans le monde de l’entreprise, il n’y a pas que des hommes qui ne soient pas tendres avec les mères, loin de là. Et tous ces témoignages sont révélateurs : ce n’est pas la femme qui souffre en tant que femme, c’est celle qui est mère. C’est la mère qui souffre d’avoir des injonctions de réussite professionnelle non cohérentes avec sa maternité.

La carrière d’une mère ne devrait pas se calquer sur celle d’un homme. Les défis de la maternité et de l’éducation ne peuvent se plier à un calendrier économique. Pour ma part, tant que cette question de la maternité ne sera pas prise en compte dans la carrière des femmes, je continuerai à dire à mes collègues féministes qu’elles se sont acheté un concept d’égalité en solde pour une bataille irréelle.

Les cabinets de recrutement ne cessent de clamer en langage 2.0 qu’ils privilégient aujourd’hui les « soft skills » aux « hard skills ». Comprenez « compétences humaines » aux « compétences techniques ». Et où s’apprennent-elles, ces compétences humaines, si ce n’est au contact d’une personne présente et disponible parce que déchargée des impératifs économiques ?

Le « job » de mère est une nécessité économique et sociale : souci des enfants mais aussi des anciens, bénévolat, soutien pratique et logistique à d’autres mères… Bref, une somme considérable de tâches accomplies gratuitement, que la collectivité ne devra donc pas prendre à sa charge financière. L’intitulé de poste « maman » devrait être reconsidéré, culturellement valorisé, voire rémunéré puisqu’il est d’utilité publique.

Pauline Tessier
Pauline Tessier
Professeur de philosophie

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