
La promotion civile de ce Nouvel An dans l'ordre de la Légion d’honneur compte curieusement, parmi ses 547 promus, l’ancien ministre de la Santé Agnès Buzyn, faite chevalier. Cette nomination, injuste pour d’autres candidats méritants mais oubliés, suspecte de blanchiment d’honorabilité, suscite une vague d’indignation et d’appels à son annulation.
Rappelons qu’Agnès Buzyn a démissionné en février 2020, au moment où elle ne pouvait plus cacher que la pandémie de Covid-19 devenait incontrôlable. Après l’avoir déclarée, avec d’autres hauts responsables de l’État, bénigne et facilement maîtrisable, elle a reconnu publiquement, très troublée dans un moment passager de vérité, être coresponsable de graves manquements de l’État. Ceux dont on sait qu’ils ont coûté la vie à des citoyens français et causé un retard dans une prise en compte efficace de la pandémie. La sincérité spontanée, provoquée par l’émotion, a été vite effacée par des explications politiques confuses. Agnès Buzyn a été mise en examen, en septembre dernier, par la Cour de justice de la République (CJR) pour « mise en danger de la vie d’autrui ». Un moment de honte étant vite passé, elle est sortie en catimini par la petite porte du gouvernement pour entrer par la grande à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme directrice exécutive d’un nouveau centre de formation, nommé pompeusement « Académie ». Comme pour lui racheter une vertu qui ne trompe personne. Ainsi, les apparences sont sauves, grâce au macrocosme institutionnel qui sait protéger ses fidèles, et sa carrière peut continuer.
Sans illusion sur la nature humaine, Napoléon Bonaparte déclarait devant le Conseil d’État, pour justifier la création de la Légion d’honneur, le 19 mai 1802 : « C’est avec des hochets que l’on mène des hommes. » Le même qui estimait qu'« on gouverne mieux les hommes par leurs vices que par leurs vertus ». Alors, qu’a fait le ministre-médecin Agnès Buzyn, démissionnaire en pleine bataille contre ce que son commandant en chef appelait une guerre, pour mériter la Légion d’honneur ? A qui a-t-elle fait réellement honneur ? En quoi s’est-elle distinguée pour mériter une telle récompense, décorée pour quoi ?
Cette vilaine histoire rappelle la nouvelle de Guy de Maupassant : Décoré !. Publiée en 1883, elle met en scène le caractère ridicule et le sort pathétique de Monsieur Tout-le-Monde sous le patronyme de M. Sacrement, obnubilé par l’obtention de la Légion d’honneur. Prêt à tout pour obtenir ce sacrement républicain, il ne se rend pas compte de la manigance du député Rosselin qui l’envoie chercher la gloire pour obtenir les faveurs de sa femme. Les temps changent, mais la nature reste bien la même.
Dans notre fable contemporaine sans morale, le cocu est le peuple français. « La vanité est, pour les imbéciles, une puissante source de satisfaction. Elle leur permet de substituer aux qualités qu’ils n’acquerront jamais la conviction de les avoir toujours possédées. » Cet aphorisme du médecin et sociologue français Gustave Lebon (1841-1931), spécialiste de la psychologie des foules, résonne fort dans une société qui prétend « casser tous les codes » traditionnels mais se montre toujours aussi avide des mêmes formes de reconnaissance sociale.
En réalité, il est clair qu’en décorant Agnès Buzyn – ainsi que Jean-François Delfraissy, qui préside le Conseil scientifique Covid-19 et fait commandeur -, c’est lui-même qu’Emmanuel Macron décore pour couvrir cette longue période de gestion calamiteuse. Une chose est sûre : l’image de la France n’en sortira pas grandie, ni la confiance des citoyens raffermie.
3 janvier 2022
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