Fashion Week : les dandys dindons de la farce

Fashion week

La Fashion Week de New York vient de s’achever. Pendant une semaine ont été présentées les collections printemps-été 2024, plus ou moins exubérantes et déstructurées comme le veut, derrière l’apparente originalité des tenues, la routine couturière. Les créateurs se jugeraient déshonorés de présenter des vêtements élégants et discrets. Mais sans doute, avec mon jean Celio et mon tee-shirt Monoprix, ne suis-je pas le mieux placé pour en juger.

Voici qu’un jeune homme, coiffé d’une bonnette de douche et d’un bermuda rouge des plus banals, habillé d’un rideau de douche transparent – certains disent qu’il s’agit d’un sac-poubelle –, remonte le podium avec crânerie et sous l’œil enamouré des élégantes et des fashionables (aurait dit Chateaubriand). Ils se délectent d’une telle tenue : est-ce de la popeline ? Du camelin ? Non, c’est du polyester. Arrive, en courant derrière lui, un vigile qui le ceinture sans ménagement : My godness, un happening ! Un événement dans l’événement ! Mais non, le jeune homme est expulsé sans ménagement, il s’agissait d’un intrus venu tourner le défilé en dérision. N’empêche que sa création vestimentaire tenait la route.

Lors d’un autre défilé de la Fashion Week, un membre des Nelk Boys, chaîne YouTube canado-américaine spécialisée dans les canulars, a défilé avec deux grandes ailes noires dans le dos, a fait l’oiseau mort quelques secondes puis s’est éclipsé. La prestation a laissé l’assistance bouche bée d’admiration et de stupeur devant tant d’audace créatrice. La sécurité n’est pas intervenue, tellement c’était crédible…

Depuis que rien n’est art et que tout est art, un urinoir fait l’affaire et il en va de même dans la mode. Si on peut reconnaître un droit à l’exubérance en ce domaine, nous accordera-t-on le droit de rire du snobisme de l’assistance qui prend pour argent comptant ce qui relève de la blague, tellement la haute couture est trop souvent elle-même de la blague ? « En se faisant Dandy, un homme devient un homme de boudoir, un mannequin extrêmement ingénieux qui peut se poser sur un cheval ou sur un canapé, qui mord ou tète habilement le bout de sa canne ; mais un être pensant ?… Jamais », s’interrogeait Balzac dans son Traité de la vie élégante. Par le passé, le snobisme épris de néant a été piégé par Roland Dorgelès, qui monta la célèbre mystification de Boronali, moqué par Marcel Aymé dont il faut lire la farce Le Minotaure… Toutes les moqueries à l’encontre de cette posture sont impuissantes à l’entamer, et tant mieux : elle est une occasion supplémentaire de rire.

Samuel Martin
Samuel Martin
Journaliste

Vos commentaires

31 commentaires

  1. Histoire vraie : A Beaubourg, un vieil homme maghrébin en tenue traditionnelle s’est assis dans un fauteuil posé sur une estrade. Les visiteurs se sont aussitôt rassemblés autour de lui, commentant d’un air inspiré l' »œuvre » : un happening, une performance, une installation ? Pour interroger les foules sur une question existentielle, pour faire passer un message, mais lequel, etc ? Soudain, le vieil homme s’est levé, a attrapé sa canne et a continué sa visite. Il s’était simplement assis pour se reposer un moment !

  2. Peut-on connaitre le nom de ce môssieur qui défile ainsi ? J’épère qu’il a gagné beaucoup d’argent à faire cela car le ridicule peut tuer .

  3. C’est bien là la preuve du snobisme idiot de ces bobos qui se pâment devant les horreurs que leur présentent les couturiers. Ca fait bien en effet d’applaudir au passage de mannequins affligés de tenues plus laides les unes que les autres. Je suis cependant persuadé que les couturiers doivent bien rigoler sous cape à voir le cinéma que se font ces riches idiots… Serait-ce le comble du snobisme… ou de la conn…… ?

  4. Le grand n’importe quoi existe depuis longtemps dans les défilés de mode. Ainsi, je me souviens avoir vu, à la télé, il y a plus de trente ans , une présentation de tenues masculines où la seule originalité d’une d’entre elles était d’avoir placé le slip sur le pantalon. Je précise qu’il s’agissait bien d’un slip traditionnel blanc et pas d’une sorte de maillot de bain.

  5. On a bien eu il y a quelques années les mannequins habillés de haillons et autres objets de récupération symbolisant l’appauvrissement de la société.
    À l’heure où l’on crie au génie devant le moindre gribouillis signé, quoi de pus étonnant ?

  6. Si le vigile n’était pas intervenu et avait laissé le mannequin terminer son exhibition, il est probable que personne ne serait aperçu de la supercherie et il y aurait peut être même eu des commentaires admiratif, ce qui est peut être la véritable raison de l’expulsion. Depuis les jeans déchirés, on peut s’attendre à tout.

  7. On peut se demander pourquoi il est expulsé ! Sa tenue est tout à fait dans le style de ce qui est aujourd’hui présenté dans nombres de défilés ! Tout comme dans l’art contemporain, et le « nouveau théâtre » les dérives les plus outrageantes nous montrent à quel niveau de décadence nous sommes arrivés !

    • Conséquence inéluctable de l’inversion des valeurs : on ne célèbre plus le vrai mais le faux, le bien mais le mal, le beau mais le laid. Et vogue la galère, applaudie par les bien-pensants.

  8. Pour rire, je préfère un bon Laurel et Hardy. Quand les reverrons-nous? Ce serait bien pour les enfants trop habitués actuellement à la violence…D’autres temps, d’autres moeurs!

  9. Un créateur de génie expulsé de la scène ! Vraiment la mode est extrêmement conservatrice, car l’homme montrait de façon parfaite sa déconstruction. On attend avec impatience la réaction de Sandrine Rousseau.

  10. L’art est un « discours » càd un baratin commercial pour vendeur avisé… les motd l’emportent sur la réalité !

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