[EXPO] Théodore Rousseau, écologiste ? Où ça va se nicher…

Théodore Rousseau, La mare aux fées, forêt de Fontainebleau, 1848. Huile sur toile, 59,1×114 cm. Collection privée. © BV
Théodore Rousseau, La mare aux fées, forêt de Fontainebleau, 1848. Huile sur toile, 59,1×114 cm. Collection privée. © BV

Bonne idée du Petit Palais que de nous donner une exposition Théodore Rousseau (1812-1867). Peintre respecté de nombre de ses confrères (Delacroix, par exemple), son nom est passé à la postérité mais l’œuvre reste mal connue. S’il a peint en Auvergne, dans le Berry, dans les Landes, il est surtout le maître de « l’école de Barbizon », dans laquelle on regroupe les peintres qui firent de la forêt de Fontainebleau leur capitale : Narcisse Diaz de la Peña, Jean-François Millet, Constant Troyon, Charles Jacque, Antoine-Louis Barye… sans oublier Jules Dupré, le grand ami de Rousseau.

Ces acharnés du paysage sont des précurseurs de l’impressionnisme. Héritiers de Georges Michel (1763-1843), ils n’ont pas encore « libéré » la couleur et, sur un plan thématique, sont des ruraux et des forestiers, alors que les impressionnistes suivront les méandres de la Seine. Mais, comme Monet, Cézanne et les autres, Théodore Rousseau, peintre puissant et original, sera l'un des plus célèbres refusés du Salon - victoire provisoire de la médiocrité.

Théodore Rousseau, Un Arbre dans la forêt de Fontainebleau, 1840-1849. Huile sur papier marouflé sur toile, 40,4×54,2 cm. Victoria and Albert Museum, Londres, Royaume-Uni. Photo © BV

Au sein de la nature

Rousseau ouvre sa voie sans chercher de prétexte historique ou mythologique au paysage. Il refuse toute convention en la matière. Étudie les arbres sur place, dans les forêts de préférence aux parcs, là où la nature est son propre maître. S’immerge dans le sous-bois, les clairières. S’attarde au bord d’une mare (Le Vieux Dormoir du Bas-Bréau). « Il y a composition quand les objets représentés ne le sont pas pour eux-mêmes, dit le peintre, mais en vue de contenir, sous une apparence naturelle, les échos qu’ils ont placés dans notre âme. » Il n’est pas un peintre romantique ; mais il est de la génération qui le fut. À ce titre, La Mare aux fées, avec son eau verte et son ciel inquiétant, est le plus étonnant des tableaux d’un peintre dit « réaliste ». Bien des tableaux rappellent que la nature ne laisse pas d’être angoissante - et tourmentée, à l’image de notre âme.

Théodore Rousseau, dessin d’arbre au fusain sur toile (détail). © BV

Ce peintre est d’abord un grand dessinateur, comme le montrent quelques toiles où le dessin au fusain n’a pas été recouvert par la peinture. Certains de ses tableaux sont de véritables « portraits d’arbre ». L’œuvre révèle la personnalité de l’arbre et celle du peintre : ainsi va l’art. « Si l’on peut contester que les arbres pensent, à coup sûr ils nous donnent à penser », disait-il encore. « En retour, nous leur devons, pour prix de leur spectacle, non l’arrogante maîtrise, ou le style pédant et classique, mais toute la sincérité d’une attention reconnaissante. »

Certes, Rousseau est inégal ; certes, il gâcha des tableaux en les retravaillant des années durant et, surtout, eut le malheur d’utiliser le bitume, non-sens technique. Mais son talent rattrape bien des maladresses et l’on ne s’ennuie jamais en regardant ses tableaux.

Écolo ? Faut pas pousser Rousseau dans les orties

En 1852, Théodore Rousseau et le critique Alfred Sensier demandent - au nom « de tous les artistes qui peignent la forêt » - que les sites de la forêt de Fontainebleau « soient mis hors l’atteinte de l’administration forestière qui les gère mal, et de l’homme absurde qui les exploite ». Cela aboutira à la création de « séries artistiques », soit des centaines d’hectares de forêt protégés qui iront s’agrandissant et constitueront la première réserve naturelle au monde. Cela fait-il de Théodore Rousseau « une conscience écologique » (ce sont les mots de l’expo), voire un « zadiste avant l’heure » (vous aurez reconnu Télérama) ? Comme Rousseau, comme Ronsard, auteur de l’élégie « contre les bûcherons de la forêt de Gâtine », on peut aimer la nature, la protéger sans être écologiste dans l’acception actuelle du mot. Tout comme Tolkien, grand amoureux des arbres : Le Chêne de Roche n’est-il pas un tableau « tolkenien »? Toile inachevée qui dénonce l'abattage, Le Massacre des innocents préfigure la désolation du vieil Ent qui se désole : « Nombre de ces arbres étaient mes amis. »

De nos jours, pour les mêmes raisons qu’il défendit la forêt, Théodore Rousseau serait un farouche opposant aux éoliennes, grandes massacreuses des terres, de la faune et des paysages aimés des peintres. Et on imagine mal cet artiste qui voua sa vie à la peinture jeter de la soupe ou de la colle sur les tableaux des maîtres.

Théodore Rousseau, Le Vieux Dormoir du Bas-Bréau, forêt de Fontainebleau, entre 1836 et 1837. Huile sur toile, 65×103 cm. Musée d’Orsay, Paris. Photo © RMN-Grand Palais (musée d’Orsay) / Sylvie Chan-Liat.

Petit Palais, avenue Winston-Churchill, 75008 Paris.

Du mardi au dimanche de 10h à 18h (vendredi et samedi jusqu'à 20h).

En raison de l'affluence, la réservation en ligne est conseillée, y compris pour les bénéficiaires de la gratuité. Seule la présentation d'un billet horodaté garantit l'entrée dans les expositions.

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Samuel Martin
Journaliste

Vos commentaires

5 commentaires

  1. J’espère que les wokistes vont se dresser contre cette exposition réactionnaire : terre de France, forêts françaises, des bûcherons et des bergers blancs, des prairies et des bocages dessinés par l’homme (français, blanc quoi) : Rousseau, d’accord, mais quelle place a-t-on fait aux civilisations du désert ou de la savane d’où viennent les néo-français de papier ? Nos amis anglais n’en sont plus là. Comme le dit un autre article de B.V., au FitzWilliam Museum on dénonce dans les paysages anglais « le côté sombre du nationalisme ». L’enracinement, vollà l’ennemi, et sans racines les arbres ont du souci à se faire…

  2. Rousseau écolo mais ou vont ils chercher ça . Non un artiste qui respectait la nature , qui n’aurait pas accepté que des éoliennes gâchent le paysage , qui n’aurait pas détruit des oeuvres d’art avec soupe ou peinture . Hey les écolos arrêter de délirer , Rousseau vous aurait maudit pour ce que vous faite , parce que ceux qui saccagent la nature c’est bien vous les écolos bobo .

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