[EXPO] Le musée Marmottan-Monet à l’heure des Jeux olympiques

Maurice Denis,
Nausicaa, jeu de balle (détail). © BV
Maurice Denis, Nausicaa, jeu de balle (détail). © BV

La nouvelle exposition du musée Marmottan-Monet se penche sur le sport. Mis à part à Athènes et Rome, le sport est un thème récent, dans l’histoire de la peinture. D’où la période retenue, 1870-1930. L’anglomanie du Second Empire a préparé le terrain. La défaite de 1870 provoque une réflexion sur la condition physique des Français. Des caricatures de Daumier, trente ans plus tôt, prouvent qu'ils n’étaient pas tout à fait au point. Le dernier quart du XIXe siècle voit se développer la culture physique et toutes sortes de sports. La littérature en porte la trace : on canote dans les nouvelles de Maupassant, on fait du vélo dans Alphonse Allais, une jeune fille apprend à nager dans L’Écornifleur de Jules Renard…

Le thème, cependant, restera marginal dans l’art, ne s’élevant pas au rang de genre. Degas s’est intéressé aux courses (Course de gentlemen. Avant le départ, 1862). Jamais loin d’un fleuve, ses amis impressionnistes y trouvèrent naturellement les sports nautiques. Monet et Renoir peignent les régates d’Argenteuil, Sisley celles de Molesey. Les grandes voiles blanches sur l’eau enrichissent leur motif habituel. Le canotage - l’aviron, précisément - est représenté par un peintre américain, Eakins. Il y a des sports élitistes (cheval, escrime, jeux de raquettes) et des sports populaires (jeux de ballons, boxe), tandis que le cyclisme semble appartenir aux deux mondes.

Edgar Degas (1834-1917). Course de gentlemen, Avant le départ. 1862. Huile sur toile. 48,5 x 61,5 cm. Paris, musée d’Orsay. Photo (C) RMN-Grand Palais (musée d’Orsay) / Adrien Didierjean

L'art de l'affiche au mieux de sa forme

Tentés par un sujet moderne, tous les artistes ne s’en sortent pas également. Quelques tableaux, de Lhote (Partie de rugby ou Les Foot-Ballers), de Delaunay (Les Coureurs), de Gromaire (Le Joueur de tennis), ne convainquent pas. D’autres artistes réussissent à donner une vraie dimension artistique à leur œuvre. Ainsi de Desvallières (Les Joueurs de balles), de Maurice Denis : ses joueuses de tennis (ou de badminton ?) constituent une relecture moderne des jeux de Nausicaa et ses amies au bord de l’eau. Mentionnons, encore, un superbe effet de neige de Fritz Thaulow où passent des skieurs.

Clémentine-Hélène Dufau (1869-1937). Partie de pelote basque. 1903. Impression sur papier. 161 x 110 cm. Paris, Bibliothèque historique de la Ville de Paris, 1-AFF-002456

Finalement, ne sont-ce pas les affichistes qui surent le mieux parler du sport ? Maître en la matière, Toulouse-Lautrec fait la publicité de la chaîne de vélo Simpson. Citons aussi Clémentine-Hélène Dufau et son affiche qui vante la pelote basque à… Neuilly. Plus souvent, sport et tourisme vont de pair. Raquette et vélo à Étretat (par Ferdinand Lunel), ski à Chamonix avec une skieuse qui s’essaie au planté de bâton (Jules Faivre).

Élégance des femmes, muscles des hommes : les sculptures ne dérogent pas à cette distinction. Les plâtres du Dr Richier à but anatomique n’ont pas la vie de l’Héraklès Archer, signé Bourdelle, ni de L’Athlète américain, signé Rodin - presque aussi musclé que Macron sur une récente photo où il cognait un sac de frappe.

L’Olympiade culturelle est lancée

Cette exposition est labellisée  « Olympiade culturelle » : en parallèle aux Jeux olympiques à venir, se déploient en Île-de-France divers événements qui veulent concilier les spectacles du corps et ceux de l’esprit. La question est ancienne. En l’an 380 av. J.-C., déjà, l’orateur Isocrate s’insurgeait que la Cité récompense plus volontiers les vainqueurs des épreuves sportives que ceux qui font travailler leur tête pour le bien de la communauté : « Je me suis souvent étonné - les hellénistes connaissent par cœur les premiers mots de ce discours - que ceux qui ont institué nos grandes assemblées, et les fondateurs des jeux gymniques, aient considéré comme dignes de si magnifiques récompenses les succès obtenus par la force corporelle, tandis qu'ils ne destinaient aucun honneur aux hommes qui […] s’efforcent de développer les facultés de leur âme… » Honneur, donc, aux sports et aux arts réconciliés au musée Marmottan-Monet !

• Musée Marmottan-Monet. Jusqu’au 1er septembre 2024. Du mardi au dimanche de 10h à 18h. Nocturne le jeudi jusqu’à 21h.

Maurice Denis (1870-1943). Nausicaa, jeu de balle. 1913. Huile sur toile. 161 x 106 cm. Nice, musée national du Sport © Musée national du Sport

Samuel Martin
Samuel Martin
Journaliste

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