[STRICTEMENT PERSONNEL] La fureur de tuer

IL20240409190919-jamet-dominique-929x522

Au carrefour où les rencontres fortuites entre la mémoire et l’actualité engendrent des associations d’idées imprévues, les paroles de deux chansons me trottent obstinément dans la tête, ces jours derniers. C’est d’abord le leitmotiv du Déjeuner en paix, de Stéphane Eicher : « Les nouvelles sont mauvaises d’où qu’elles viennent. » De fait, où que l’on tourne le regard…

Le souvenir d'un monstrueux 7 octobre

À l’approche du mois d’octobre, et plus précisément du jour anniversaire, le 7, de la monstrueuse et sanglante incursion du Hamas sur le territoire d’Israël, la quasi-totalité des médias français commémorent abondamment, documents et témoignages à l’appui, le génocide miniature, ou, si l’on préfère, le gigantesque pogrom, sans équivalent depuis 1945, perpétré il y aura donc bientôt un an par la horde barbare venue de la toute proche bande de Gaza, les familles décimées sans distinction d’âge, de sexe, les hommes, les femmes, les enfants traqués, violés, égorgés, fusillés à bout portant, les uns à la sortie du plus pacifique des festivals, les autres sur le seuil ou à l’intérieur de leur maison, le massacre des innocents et la capture de centaines d’otages voués à la plus cruelle des captivités et, pour la plupart, à la mort. Le massacre des innocents. Ce jour-là, fous de joie, avides de sang et ivres de vengeance, une foule de Gazaouis dansaient dans les rues de l’enclave encore intacte au spectacle gratuit que leur offrait le Hamas. Les insensés !

Depuis lors, plus de quarante mille d’entre eux ont payé de leur vie celles que le raid terroriste du Hamas avaient enlevées à plus d’un millier d’Israéliens dont le seul tort était d’être juifs. Le châtiment tombé du ciel sur Gaza, décidé par le gouvernement d’Israël, cautionné et soutenu par la majorité de la population de l’État hébreu, exécuté par Tsahal, et plus particulièrement par l’aviation israélienne, a été implacable. Disproportionné ? Arithmétiquement, c’est incontestable. Politiquement, moralement, humainement ? À chacun d’en juger, et chacun en juge, de fait, en fonction des critères personnels, historiques, géopolitiques qui sont les siens, sur un sujet et sur un terrain qu’ont largement déserté la raison et la morale, chassées, bâillonnées, réduites au silence, épouvantées par la colère, la passion et la haine comme il est de règle en temps de guerre. On ne retracera pas, dans le cadre limité d’une modeste chronique, le long cheminement qui a débouché sur le drame actuel, sur l’embrasement qui, de proche en proche, a gagné tout le Proche-Orient et menace de se propager bien au-delà. On n’opposera pas une fois de plus dans ce cadre les arguments qu’opposent depuis des décennies les uns aux autres des adversaires plus que jamais irréconciliables.

On se permettra, en revanche, de rappeler brièvement ce que chacun, s’il est encore capable de bonne foi, peut vérifier tous les jours, à savoir que toutes les vies ne pèsent pas du même poids suivant l’opinion de celui qui tient la balance, que les uns tiennent pour des crimes de guerre (voire pire) ce que les autres considèrent comme des exploits, que beaucoup, en raison de l’horreur du 7 octobre, n’ont pas eu et n’auront pas de larmes pour pleurer les victimes innocentes de la vengeance d’Israël, et aussi bien les milliers d’enfants et de civils qui sont morts sans avoir commis d’autre crime que d’être nés à Gaza et, désormais, au Liban. On constatera et l’on déplorera, si l’on s’en tient aux positions et aux oppositions actuelles entre Israël et ses innombrables ennemis, qu’il n’y a actuellement et qu’il n’y a à perte de vue, sauf arbitrage et sous réserve d’un arbitrage, aucune conciliation et donc aucune réconciliation possibles entre ceux qui, du Jourdain à la mer, dénient le droit d’Israël à l’existence et ceux qui, de la mer au Jourdain et au-delà, refusent de reconnaître une entité palestinienne, une Autorité palestinienne et, a fortiori, un État palestinien, en dépit et au mépris de la réalité, des accords signés et des engagements passés.

Les nuages s’amoncellent

Sous réserve d’un arbitrage… » Mais quel arbitrage ? Et de qui ? Se souvient-on encore qu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, pour que l’ONU ne renouvelât pas l’exemple et la faillite de feu la Société des nations, le Conseil de sécurité regroupant les cinq plus grandes puissances de l’époque avait été conçu comme le bras armé, l’exécutif en quelque sorte, de la nouvelle organisation des nations. Même aujourd’hui, et même si sa composition ne reflète plus l’état du monde actuel, il est clair que si les États-Unis, la Russie, la Chine et, accessoirement, ce qu’il reste de la France et du Royaume-Uni s’accordaient pour rétablir et imposer la paix entre les différents confetti qui se disputent le Proche-Orient, ils le pourraient. Encore faudrait-il le vouloir. Ne rêvons pas. Ces grandes ou ex-grandes puissances sont trop occupées à fomenter, à financer, à prévoir, à préparer et à rendre inévitable la prochaine et ultime der des ders pour se pencher sur le berceau où agonise la paix.

Hier l’Ukraine ; aujourd’hui Israël, la Palestine, le Liban ; demain l’Iran : les nuages s’amoncellent qui annoncent le grand orage. S’il est un dieu, qu’il ait nom Jéhovah, Allah ou qu’il ne soit pas identifié, auquel l’espèce un peu vite dite humaine rend un culte et est prête à sacrifier des millions d’hommes, voire à se sacrifier dans sa totalité, c’est bien le dieu du carnage.

Il y a près de quatre-vingts ans, le monde des cinéphiles découvrait, avec le visage d’un acteur devenu mythique - James Dean -, un film baptisé en français La Fureur de vivre. Le film à très grand spectacle qui pourrait bientôt, si nous continuons à laisser faire et à nous laisser faire, avoir pour titre La Fureur de tuer.

Au fait, l’autre chanson qui me trotte dans la tête ? Elle est de Francis Cabrel, et elle nous dit : « Et ça continue, encore et encore/C’est que le début, d’accord, d’accord… » D’accord ? Pas d’accord.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 28/09/2024 à 20:07.
Dominique Jamet
Dominique Jamet
Journaliste et écrivain Président de l'UNC (Union nationale Citoyenne)

Vos commentaires

39 commentaires

  1. Je voudrais répondre à cet article qui fait très bien écho au lynchage médiatique mondial accablant Israel dès le lendemain du 7 octobre. L’armée israélienne n’avait même pas bougé le petit doigt de pied que dans le monde le vocabulaire de génicide resonnait comme un tamtam. Deux semaines plus tard , alors qu’Israel commençait sa guerre contre le Hamas pour se défendre et en particulier pour arrêter la pluis de missiles qui s’abattait sur les israeliens, alors qu’ils tentaient de neutraliser les terroristes du Hamas , on parle de « vengeance ». Bien sûr même quand pn affire qu’Israel come tout pays a le droit de se défendre, ça reste très théorique puisqu’il ne peut pas s’engager réellement dans la guerre.
    Ce que vous semblez aussi totalement ignorer est la masse des mesures prises par l’armée israélienne pour précisément limiter les morts de civils , d’ailleurs pas si « innocents ». Même à partir des seules statistiques du Hamas qu’on peut mettre en doute, quand on fait ( ce qu’ils ne font pas) le décompte des morts de terroristes et des morts civiles, les grands experts militaires ont reconnu que le rapport entre morts civiles et les autres est le plus bas de toutes les guerre modernes dans un environnement particulièrement difficile avec des otages et des centaines de kilomètres de tunnels et des terroristes se servant des civils comme boucliers humains.
    enfin six offres de partage du territoire ont été faites aux palestiniens qui ont toujours refusé . Il leur est impossible de signer un accord de quelque nature que ce soit avec Israel car ce serait le reconnaitre et ça ils n’en veulent pas. Ils veulent un seul état de la rivière à la mer. Enfin ce combat n’est pas un combat nationamiste de liberation . C’est un combat de l’islamisme contre une présence de non croyants sur une terre qui teviendrait de toute éternité à l’Islam. Il vous aurait suffit d’ècouter les discours des leaders, Amal puis OLP et maintenant Hamas pour le comprendre. Mais votre article n’est ni informé niscripuleux. Vous vous êtes paresseusement fait la caisse de résonance du grand lynchage médiatique des médias occidentaux . Consternant…

  2. L’actualité est absurde. Au Moyen Orient comme dans les Russ de l’ex Empire Soviétique nous assistons à guerres civiles. Ce sont toujours les pires. Kiev et Moscou sont cousins germains comme le sont Ismaïl et Israël et dans les deux cas avec une connotation religieuse. Par ailleurs c’est quand même une idée saugrenue que d’accepter la revendication par un peuple d’une terre que ce peuple a abandonné depuis 2000 ans ou presque, avec la certitude de créer un conflit d toutes pièces. Imaginons les Celtes s’installant à nouveau sur les bords du Danube en poussant les occupants actuels . . . .

  3. Que peut-on faire pour mettre un terme à ce conflit, individuellement, Monsieur Jamet ? Prier ? Ce n’est pas donné à tout le monde. Encore faut-il avoir la foi. Il nous reste, sans prétention aucune, le droit et le devoir de rendre heureux ceux qui sont près de nous. La guerre est sale. Certains s’en lavent les mains. En attendant, y a-t-il encore de l’espoir ? Difficile à dire. Mais merci pour cet excellent article mesuré et percutant à la fois.

  4. Si vous avez été horrifié par le 7 octobre, mais que vous n’êtes pas plus horrifié par ce qu’Israël fait subir aux Palestiniens depuis plus d’un demi-siècle, vous êtes soit dans un état de profonde ignorance – ce qui n’est guère surprenant étant donné le manque de couverture médiatique du pouvoir despotique d’Israël sur les Palestiniens – soit dans un profond déni. Si vous ne voyez pas le lien de cause à effet entre les sévices barbares infligés aux Palestiniens génération après génération et les crimes commis le 7 octobre, c’est que vous ne comprenez rien à la nature humaine.

    • Personne ne peut accepter qu’il y ait des dominés face aux dominants. Mais personne non plus ne peut ignorer que vouloir la destruction d’Israël, c’est faire le jeu de ceux qui mettent en avant leur idéologie au détriment des Palestiniens et surtout qui empêchent la naissance d’un Etat Palestinien crédible, solide et pérenne. La paix veut deux Etats mais dans cette histoire qui la veut vraiment ?

    • Dès la cour de récréation , l’on apprend qu’ il n’ est que DEUX races sur terre : les gentils et les méchants . Question de nature . Les Hindous parlent , eux , de vieilles âmes et de jeunes âmes .
      Tout se paye un jour . Où , quand , comment je ne saurais le dire . Mais il en est UN , qui SAIT .
      Voit tout , et NE DORT JAMAIS . SEUL de sa propre RACE , au-delà des lois du Temps et de l’Espace qui gèrent les simples humains , tout n’ est que Amour , Paix et Justice en LUI qui transcendent nos simples rôles d’ acteurs de passages . CELUI-CI je L’ ADORE .
      Quant à l’ article ci-dessus il est logique , juste et courageux . Merci monsieur .

  5. Ils ont la fureur de tuer car l’état les laisse nous tuer par son apathie qui frise le mépris, mais heureusement nous avons inscrit dans nos gênes l’histoire sanglante de notre pays qui durant des siècles a fait face à bien des invasions, les a repoussées voire éradiquées ; ce qu’il y a de plus terrible, c’est que nous pouvons nous protéger, impitoyablement, sans aucune haine ni fureur

Laisser un commentaire

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

L'intervention média

Lire la vidéo

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois