Et une gaffe de plus : Emmanuel Macron fâché avec le drapeau corse ?
En France, on ne rigole pas avec le drapeau. En 1873, le comte de Chambord, alors que la restauration monarchique redevient enfin possible, fait du drapeau blanc une condition non négociable à son retour sur le trône. La suite est connue et les couleurs françaises demeureront tricolores.
Cela, Emmanuel Macron ou, tout au moins, les services élyséens devraient le savoir, surtout à l’approche de la visite présidentielle dans l’île de Beauté. Ainsi, il a suffi de ce tweet « Macron interdit notre drapeau lors de sa venue en Corse », publié le 23 mars dernier et partagé près de vingt mille fois en seulement quelques jours, pour allumer le feu aux poudres ; ce qui, là-bas, n’augure généralement rien de bon.
Tel qu’il se doit, le Château dément l’affirmation, quoique son système de défense soit des plus maladroits : « Il n’y a aucune interdiction pour les particuliers de se promener dans la rue avec des drapeaux corses. » C’est bien aimable… Il est un fait qu’il aurait été incongru d’interdire à nos amis insulaires d’arborer leurs couleurs traditionnelles alors qu’on laisse une jeunesse franco-maghrébine, souvent très échauffée, parader dans les rues parisiennes, les jours de foot ou de manifestations, avec des drapeaux algériens.
En effet, et c’est là où le bât de l’âne – corse, bien sûr – blesse, c’est que le protocole n’admet que deux drapeaux dans les réceptions officielles : le français et l’européen. Comme quoi, en la matière, la République peut se montrer aussi intransigeante que le comte de Chambord. Intransigeant, Jean-Guy Talamoni, président de l’Assemblée corse, l’est tout autant. Pis, il a la mémoire longue – là, ce n’est plus l’âne corse, mais la mule du pape –, surtout lorsqu’il évoque la dernière visite d’Emmanuel Macron : « On ne peut pas dire que ça s’était bien passé. Cette fois-là, des élus nationalistes avaient été fouillés à l’entrée. Pire : le drapeau corse n’avait pas été autorisé à la tribune. »
Aussitôt, l’Élysée tente de temporiser : « Si le Président s’exprime en Bretagne, il n’y a pas de drapeau breton à la tribune. S’il s’exprime en Guyane, il n’y a pas de drapeau guyanais non plus. » Peut-être étonné de voir ses compatriotes comparés à des Guyanais – pas de doute, les conseillers d’Emmanuel Macron sont de fins psychologues –, le même Jean-Guy Talamoni prévient : « On ne va pas l’accueillir avec des fleurs comme des Néo-Calédoniens. Il faut qu’il comprenne que c’est mal, ce qu’il a fait. Il a tourné le dos à la Corse, alors la Corse lui tourne le dos. »
Voilà qui s’appelle parler en vrai Corse ! D’ailleurs, il y a fort à parier que Jean-Guy Talamoni ne soit pas le seul susceptible en la matière. Ainsi, Jean-Jacques Ciccolini, maire de Cozzano, où le Président est attendu, annonce que « sur le monument aux morts, il y aura les trois drapeaux ». Même son de cloche chez celui de Sampolo, Jean-Baptiste Leccia : « Sur la façade de la mairie, il y a trois drapeaux, le corse à droite, le français au milieu et l’européen à gauche. C’est comme ça sur toutes les mairies corses. » Qu’en pense-t-on, sur le continent ? À en croire cet édile : « Personne ne m’a demandé de retirer le drapeau corse, et d’ailleurs, je ne l’aurais pas fait. » On le croit volontiers…
Bref, tout cela fleure bon – comme dans le maquis – une impréparation qui ne peut que forcer l’admiration. Mieux, Emmanuel Macron est-il censé aller prendre un verre à L’Onda, un chouette bar de Sampolo, ce qui devait lui permettre de fraterniser avec l’indigène devant les micros et les caméras. Pas de chance, la patronne de l’estaminet vient d’annoncer aux journalistes de Corse-Matin qu’elle n’entendait rien changer à la décoration de son établissement. Et là, c’est déjà du plus lourd avec, en plus des drapeaux corses, affichettes nationalistes et autres de ces autocollants exigeant « l’amnistie générale » pour tous les « prisonniers politiques ».
Pas sûr que les gens du coin lui remettent la tournée, au Manu…
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