Ce fut écrit hier en ces mêmes colonnes, cette élection présidentielle persiste à échapper à toutes formes de pronostics et d’analyses. Il n’empêche que cette campagne n’est pas avare de petits moments de bonheur plus ou moins avouables. Tenez, le ralliement de Christian Estrosi à Emmanuel Macron…

De cet appel du pied plus ou moins officiel, François Bayrou assure déjà qu’il s’agit d’un "signe républicain" signifiant que "l’on a en commun, quelle que soit la diversité des opinions, un bloc de convictions". « Bloc », why not, mais « convictions », faudrait tout de même voir à ne pas pousser la reine d’Angleterre dans le bac à géraniums, sachant que Christian Estrosi – le « motodidacte », tel que surnommé par ses proches – a successivement soutenu Nicolas Sarkozy, Alain Juppé et François Fillon, tout en en assenant que Marine Le Pen demeurait "son principal adversaire". On espère qu’en matière de motocyclisme, il roulait un peu plus droit.

Procès d’intention de notre part ou divagations de cet intellectuel que nous envie, tout entière, la galaxie ? Laissons plutôt la parole au sage de la promenade des Anglais, sachant que si, ô Niçois qui mal y pense, ce dernier annonce que "Marine Le Pen serait sous-évaluée dans les intentions de vote pour le premier tour de la présidentielle". Pis, ce 20 mars 2017, il récidive : "On la crédite à 25 % en moyenne, je pense qu’elle pourrait dépasser les 30 %, voire gagner l’élection présidentielle."

Il faut donc allumer des contre-feux. Selon notre confrère Valeurs actuelles, les termes du contrat passé entre Christian Estrosi et Jean-Paul Delevoye, ex-LR marchant depuis pour le « Jean-Claude Van Damme de la politique » - Marine Le Pen dixit -, seraient les suivants : "Christian Estrosi prépare un appel d’élus dès le soir du premier tour, si Macron est en situation, afin de voter en sa faveur. En échange, Les Républicains et les candidats En Marche ! vont s’aider dans la région PACA pour les élections."

Calculs d’arrière-basse-cour, projections politiciennes à deux balles. Bref, du Estrosi dans le texte. De fait, Marion Maréchal-Le Pen ne pouvait que tweeter ceci : "Estrosi négocie avec Macron. Nous en avons désormais la preuve. Qu’en pensent les électeurs LR ?" Comme souvent, comme toujours, ces derniers ne pensent rien, raisonnant plus par conscience de classe que conscience politique tout court. La preuve en est qu’en 2015, ils ont préféré s’allier avec la gauche plutôt que de laisser le Front national gérer les régions PACA et Nord-Pas-de-Calais ; oubliant évidemment au passage que dingueries de théories du genre et autres bouleversements sociétaux étaient, en termes d’antériorité et présence de François Fillon à Matignon oblige, plus le fait de la droite que de la gauche.

Christian Estrosi, c’est un peu tout cela : un résumé de cette droite sans tête ni cervelle. Qui, en politique intérieure, définissait ainsi, en 1991, Jean-Marie Le Pen venu le chatouiller électoralement à Nice : "Le comportement d’immigré politique de Le Pen va à l’encontre de ses thèses nationales. Les socialistes qui ont habitude de naturaliser les clandestins vont naturaliser Le Pen." Que celui ayant entravé plus que pouic à ce galimatias écrive à la rédaction de Boulevard Voltaire : il sera récompensé au-delà de ses plus folles espérances.

Tout aussi ubuesque, cette autre déclaration, de politique extérieure celle-là, remontant au 24 septembre 2014 : "Lorsque Israël frappe à Gaza des terroristes, Israël protège bien sûr ses civils et ses territoires, et Israël protège la France. Et lorsque nous allons en Irak, nous protégeons aussi Israël, et nous protégeons les autres grandes démocraties du monde." À côté, Patrick Juvet est le fils spirituel d’Henry Kissinger.

Malheureusement, pour ce grand esprit incompris qu’est Christian Estrosi, chaque fois qu’il sort une saillie de calibre, il y a toujours des fuites dans la presse. Que le lecteur se rassure néanmoins, il n’a jamais été question de celle des cerveaux.

PS : on prête à Christian Estrosi ces propos au sujet de Marion Maréchal-Le Pen : "Qu'elle reprenne ses études !"
Cette dernière aurait répondu : "Je reprendrai mes études lorsque Estrosi aura commencé les siennes…"

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11 avril 2017 à 23:05

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