Erdoğan n'y va pas de main morte : il vient d'ordonner l'expulsion de dix ambassadeurs, dont celui de la France. Il leur reproche d'avoir réclamé la libération de l'opposant Osman Kavala, accusé par le régime de vouloir déstabiliser la Turquie et emprisonné, depuis quatre ans, sans jugement.

Le président turc a ainsi demandé à son ministre des Affaires étrangères de déclarer ces dix diplomates personae non gratae. Ils « doivent connaître et comprendre la Turquie », a-t-il averti. Sinon, allez ouste ! Dehors ! C'est qu'il n'est pas homme à plaisanter, Erdoğan, il est très chatouilleux quand on remet en cause son mode de gouvernement. Mêlez-vous de ce qui vous regarde, semble-t-il lancer aux dix pays concernés - le Canada, la France, la Finlande, le Danemark, l'Allemagne, les Pays-Bas, la Nouvelle-Zélande, la Norvège, la Suède et les États-Unis.

Dans un communiqué, publié lundi soir, sur les réseaux sociaux et sur les sites de certaines ambassades, ils ont appelé à un « règlement juste et rapide de l'affaire [Osman Kavala] », soulignant que « les retards persistants dans son procès, notamment par la fusion de différentes affaires et la création de nouvelles affaires après un précédent acquittement, jettent une ombre sur le respect de la démocratie, de l’État de droit et de la transparence du système judiciaire turc ». Ils lui font la leçon, en amis qui lui veulent du bien : la Turquie est membre de l'OTAN et elle n'a pas totalement renoncé à intégrer, un jour, l'Union européenne.

Ces leçons seront-elles efficaces ? Encore faudrait-il qu'Erdoğan pût les prendre au sérieux. Il sait bien que ces déclarations officielles ne visent qu'à montrer combien ces pays sont respectueux des droits de l'homme, pour faire bonne figure sur la scène internationale, et qu'ils n'iront pas plus loin. Les États-Unis ne vont pas risquer de se voir privés par la Turquie de leurs bases militaires et l'Europe continuera de la payer pour qu'elle retienne les réfugiés.

Plusieurs pays ont déjà fait savoir qu'ils n'avaient reçu aucune notification officielle. Un porte-parole du ministère des Affaires étrangères norvégien a indiqué, selon l'agence de presse NTB, que « [son] ambassadeur n'a rien fait qui puisse justifier l'expulsion », ajoutant que son pays « continuera d'exhorter la Turquie à adhérer aux normes démocratiques ». De son côté, son homologue allemand a déclaré : « Nous sommes actuellement en consultation intensive avec les neuf autres pays concernés. » Voilà qui va sûrement fléchir Erdoğan !

Le président Turc n'en est pas à sa première mesure d'intimidation. Il sait qu'il a les coudées franches, qu'il peut se permettre toutes les insolences et continuer d'exercer son chantage à l'immigration. Il ne recevra, en retour, que des protestations verbales, les dirigeants offensés finiront par composer avec lui. Quand les bonnes paroles tiennent lieu de politique, quand on se contente de faire la morale pour montrer qu'on est une référence mais qu'on se laisse marcher sur les pieds par des pays qui n'en ont que faire, c'est comme si on hissait le drapeau de la capitulation.

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24 octobre 2021 à 16:26

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