Emmanuel Macron est sorti de la nasse
Il n'y a pas à se vanter d'avoir eu une intuition fulgurante pour n'avoir jamais cru que le président de la République serait définitivement au fond du trou démocratique alors que tout démontre, depuis le début du grand débat national, qu'il reprend des couleurs en même temps que son Premier ministre.
Avec cette différence essentielle que celui-ci remonte parce qu'il se tait et qu'il a franchement repris sa place en deuxième ligne alors que le Président progresse parce qu'il parle et qu'il a retrouvé des accents pour lesquels il est à son meilleur.
Je ne trouve pas juste ni adroite la critique de Laurent Wauquiez au nom d'une droite qui croit avoir démontré sa nécessité parce qu'elle saurait dire non à tout et ne faire grâce de rien à Emmanuel Macron. Faire la fine bouche sur le grand débat, en prétendant qu'il serait bloqué, trop organisé et que le Président serait dans sa "bulle" est absurde parce que ce qui compte est qu'il a eu lieu, qu'il se répète et qu'Emmanuel Macron a compris l'obligation d'en changer les modalités.
Non seulement en excluant la médiatisation pour la joute elle-même - questions et réponses - mais en élargissant spontanément ou par un hasard bien calculé le champ des répliques présidentielles.
En effet, Emmanuel Macron, après un déjeuner-débat avec une soixantaine de maires à Valence, s'est retrouvé vers 18 heures dans la Maison des associations de Bourg-de-Péage, dont le ministre Didier Guillaume a été le maire.
Le Président a réduit son temps de parole pour entendre les observations, les réclamations, les protestations et les dénonciations d'un certain nombre de maires de communes rurales avec, enfin, cette avancée qu'une poignée de gilets jaunes était présente. Outre le glyphosate et l'emploi, des sujets plus techniques ont été abordés. Certains gilets jaunes ont vertement interpellé Emmanuel Macron sur son ancien métier de banquier, sur la suppression de l'ISF et sur le drame des SDF.
L'étonnant n'est pas que le Président ait su réagir, expliquer, rappeler son programme, préciser, se défendre et peut-être convaincre, mais qu'il l'ait fait sur le fil du rasoir oral, sur un registre où, sans rien perdre de sa fougue dans l'expression de sa vérité, il ait mesuré jusqu'où il pouvait se permettre d'aller dans la forme, la limite à partir de laquelle ses contradicteurs se sentiraient forcément offensés.
Il est clair qu'Emmanuel Macron est un Président en surveillance, mais sous la sienne. Il est trop intelligent pour n'avoir pas intégré tout ce que les Français, légitimement, avaient pu lui reprocher et on peut penser que, sauf réflexe malheureux, il gardera la maîtrise de lui-même sans sacrifier ce qui fait sa force : une empathie vigoureuse, sa vérité formulée dans un dialogue où il étouffera l'aigreur et l'hostilité de principe par une argumentation non méprisante.
C'est une règle de base, mais le Président nous a tellement, en certaines circonstances, habitués à des dérives dues à l'expansion narcissique de sa supériorité qu'il est agréable de pouvoir se féliciter aussi, ces derniers jours, de sa brillante normalité. Son talent, ses dons sont insérés là entre condescendance et démagogie.
Que l'opposition de droite continue à se montrer mauvaise joueuse me décevrait. Je n'oserais penser qu'elle puisse avoir adopté la politique du pire et ne pas se réjouir, donc, du fait qu'on ait abandonné les choquantes injonctions de démission ou de destitution du Président, qui se servaient de la République pour la nier.
Le Président paraît avoir repris la main. Rien n'est totalement gagné pour la suite de son quinquennat, l'embellie est fragile et beaucoup dépendra de ce qui sera choisi et mis en œuvre à partir du 15 mars.
Mais Emmanuel Macron est sorti de la nasse. Il est parvenu à transformer en une chance le grand débat national qui, sans les gilets jaunes, n'aurait jamais été instauré. Ceux-ci, en majorité, semblent ne pas vouloir y participer et même le tournent en dérision. Aujourd'hui, parce qu'Emmanuel Macron a reconquis l'initiative, eux-mêmes, moins soutenus, se retrouvent sur la défensive parce qu'il y a des refus obstinés ou des excitations délirantes qui ne plaident plus en leur faveur.
Que le Président continue de se placer à chaque seconde sous sa surveillance et n'oublie pas surtout, avec modestie, que, s'il a déserté le pire, il le doit en grande partie à ses adversaires.
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