Embargo sur le pétrole russe : vers une nouvelle fracture européenne ?

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Clément Beaune, le secrétaire d’État aux Affaires européennes, l’a affirmé : la Russie subira un « sixième paquet de sanctions européennes », parmi lesquelles le controversé embargo sur les importations de pétrole russe. Une décision qui ne fait pas l’unanimité au sein des 27 pays membres de l’Union européenne, notamment à l’Est. La Hongrie, la Lituanie ou encore la Slovaquie s’opposent à une application trop rapide et sans concession d’un choix politique aux conséquences lourdes. L’expert en énergie Philippe Charlez rappelait, récemment, dans nos colonnes à quel point la dépendance énergétique des pays d’Europe de l’Est à la Russie les contraignait à tempérer la véhémence de Bruxelles vis-à-vis de Vladimir Poutine.

Le spécialiste de l’Europe de l’Est Max-Erwann Gastineau, interrogé par Boulevard Voltaire, rappelle que le Premier ministre Hongrois Viktor Orbán tire sa légitimité électorale de sa défense des intérêts du peuple hongrois, quitte à engager de nombreux bras de fer avec l’Union européenne. Ce fut le cas à propos de la politique de répartition migratoire souhaitée par Bruxelles. Pour le gouvernement hongrois, imposer un embargo sur le pétrole russe dans les conditions actuelles serait « inacceptable ». Depuis le début de la guerre en Ukraine, Viktor Orbán s’efforce de maintenir un dialogue courtois avec le président Poutine et refuse d’engager trop son pays dans une guerre qui, dit-il, « n’est pas la nôtre ». Le rapprochement économique opéré entre la Hongrie et la Russie depuis les années 2010 et l’accession au pouvoir d’Orbán ne sont évidemment pas étrangers à une telle volonté. C’est d’ailleurs là, comme le rappelle Max-Erwann Gastineau, « une dissension réelle entre la Hongrie et la Pologne, deux pays qui, en temps normal, sont très souvent en accord sur leurs politiques intérieures et extérieures ». Il est vrai que la Pologne, pour d’évidentes raisons historiques, est particulièrement hostile à la Russie de Poutine et très active dans son soutien au gouvernement ukrainien de Zelensky, là où la Hongrie fait preuve de plus de nuances.

Le gouvernement hongrois, donc, en l’état actuel des choses, refuse de s’engager en faveur d’un embargo généralisé sur le pétrole russe. Afin de mieux comprendre ses motivations, Boulevard Voltaire a interrogé Balázs Hidvéghi, député européen rattaché au Fidezs, le parti politique de Viktor Orbán. « Cet embargo, c’est une ligne rouge pour nous, explique-t-il. On ne peut pas arrêter le fonctionnement de notre économie et payer un prix aussi dur ! Cette décision sera bien plus terrible pour nous que pour les Russes. »

À la question de savoir si cette nouvelle dissension entre Bruxelles et Budapest aura des conséquences sur les relations UE-Hongrie, Balázs Hidvéghi répond : « Si Bruxelles veut que l’on reste unis, il faut tenir compte des différentes situations géographiques, industrielles et économiques du monde européen. […] Nous avons investi des milliards d’euros dans la construction d’un pipeline avec la Russie, nous ne pouvons pas tout faire disparaître comme ça, en quelques mois comme en quelques années. »

Si l’Union européenne, avec Ursula von der Leyen, qui s’est rendue, lundi 9 mai, à Budapest pour rencontrer Orbán, promet d’accorder des délais plus longs pour les pays les plus dépendants, pouvant s’étendre jusqu’à 2025, la Hongrie sera intransigeante. « La sécurité énergétique doit être une condition pour d’éventuelles négociations, que nous sommes prêts à mener », assure Balázs Hidvéghi. « Il est toujours bon de diversifier nos apports énergétiques, mais Bruxelles doit garantir qu’elle financera des projets d’oléoducs gaziers ou pétroliers ou bien un accès prioritaires aux livraisons de GNL » (gaz liquéfié, en provenance des États-Unis notamment.)

La volonté de l’Union européenne à vouloir sanctionner toujours plus la Russie trouve, in fine, des obstacles au sein même de l’Europe. Le fraîchement réélu Emmanuel Macron, qui ne cache pas sa vision d'une Europe quasi fédérale, devra, s’il veut aller au bout de son projet, composer avec les particularités économiques et politiques de chaque pays, et notamment de ceux dont les intérêts divergent avec Bruxelles, comme c’est le cas de plusieurs nations d’Europe de l’Est. La question de l’embargo sur le pétrole russe, à peine annoncé, fracture déjà une Union plus fragile que jamais. Les prochaines années diront si les visions fédéralistes de Macron et de von der Leyen ont ou non un avenir.

Vos commentaires

48 commentaires

  1. A force de titiller Poutine, ils vont nous entrainer dans une guerre qui n’est pas la notre. C’est ce que cherche les USA. L’ancien ambassadeur russe, Vladimir Fédérovsky l’a bien précisé, si un accord a des chances d’aboutir entre russes et ukrainiens, Joe Biden fera tout pour le faire capoter. Biden veut la guerre, et les Européens, en bons toutous qu’ils sont vont en faire les frais.

  2. Mais que font les écolos ?? Remplacer du pétrole à coté de chez soi par du pétrole venant de plus loin est un coût financier et écoloqique conséquent en transport.
    Complètement débile comme décision.

  3. Cette guerre fratricide téléguidée par l’Oncle Sam et un avatar de plus que Bruxelles l’Otan et Biden veulent imposer à la vieille Europe dont ils Jalousent les racines millénaires.

  4. Serait-ce une erreur de dire que la France est devenue une sous-préfecture de Bruxelles qui suit à la lettre les « orientations » des yankees ?

  5. « Les prochaines années diront si les visions fédéralistes de Macron et de von der Leyen ont ou non un avenir. » Aucun, car purement idéologiques; La réalité va se charger de remettre les pendules à l’heure car on ne peut impunément acheter les votes avec des chèques en bois. Avec une inflation à 2 chiffres, la récession est à nos portes avec pénuries et famines. Les Français vont alors se réveiller, après avoir pulvérisé la barrière médiatique.

  6. Au risque de me répéter pour ceux qui n’auraient pas lu….
    « La Fédération de Russie a son Ukraine…
    La Fédération européenne aura son Visegrad »
    Pensez-y !

  7. Ce n’est pas Macron qui décidera in fine. Mais le peuple sorti de son apathie par une formidable exaspération devant les conséquences des erremrents du « fédéralisme » européen! La déjà intenable situation actuelle ne pourra pas empirer bien longtemps. Celui des sacro-saintes vacances peut-être?

  8. Si l’Europe explose plus besoin de référendum, puisque nous avons celui de 2005, nous n’avons plus qu’à élire un président français légitime.

  9. les hommes politiques ont pour rôle de protéger ceux qui les ont élus. Or, pour plaire aux USA, l’UE est en train de se saborder.
    L’inflation est là, la hausse des produits issus de l’énergie flambent, certaines denrées alimentaires voient leur prix s’envoler.
    Et macron veut encore plus de sanctions en accord avec tout ces gouvernants de l’Europe non élus!!
    Ce ne sont plus que des marionnettes guidées par une idéologie mortifère pour les peuples.

    • Tout est fait pour DIVISER l’Europe. Diviser pour mieux régner. C’était déjà la devise de Jupiter et ça continue mais à une échelle encore plus grande. À qui cela profite t’il???

  10. Les US, encore les US et toujours les US qui n’ont qu’un seul objectif : écraser la Russie en se servant des pays du « Vieux continent » et nous asservir militairement et commercialement. Nous avions tout dans notre vieux monde avec les Russes à nos côtés. Nous allons tout perdre car la France comme la Russie ont une âme, ce qui manque totalement aux Américains!

  11. Chaque sanction à l’encontre de la Russie ce sont des dollars en plus pour ceux qui comme à leur habitude, font faire la guerre par pays interposés. Conflit Ukrainien depuis très longtemps dans les tuyaux des mondialistes. Et à chaque fois, c’est notre porte monnaie qui se vide, et les dirigeants européens de plus en plus vautrés devant l’Amérique. Seuls leurs avantages personnels comptent.

  12. Espérons que ces pays qui ont été appâtés par les subventions européennes vont se rebeller et que l’UE explosera.

  13. Ce qui m’étonne le plus, et de loin, c’est l’absence de rétorsions fortes de Poutine vis-à-vis de l’Europe en n’ayant pas fermé immédiatement ses approvisionnements en pétrole, gaz ou autres matières premières stratégiques, de façon à provoquer un tsunami ou une implosion de celle-ci, impossible à contourner. Sanctions pour sanctions, on aurait alors pu voir qui de l’Europe ou de la Russie en aurait payé les plus lourdes conséquences. Finalement, Poutine est un bourreau au cœur tendre !

    • Oui je le trouve gentil..y compris là où il fait une « opération spéciale ». Il va doucement, évite les victimes s’il peut. En Judo, il y a différentes façons de faire chuter l’adversaire. C’est toujours en l’obligeant à utiliser sa force que l’adversaire est vaincu. Il fau une bonne prise au colback et laisser l’autre se ruer avec son énergie. L’Ukraine semble une bonne prise, bien tenue. Les occidentaux se ruent dans la bataille avec leurs réserves d’armes.

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