Elon Musk mal vu par l’Union européenne : trop démocratique, peut-être?

Elon Musk, serial entrepreneur, at TED2013: The Young, The Wise, The Undiscovered.  Wednesday, February 27, 2013, Long Beach, CA. Photo: James Duncan Davidson
Elon Musk, serial entrepreneur, at TED2013: The Young, The Wise, The Undiscovered. Wednesday, February 27, 2013, Long Beach, CA. Photo: James Duncan Davidson

Depuis le rachat de Twitter par le milliardaire Elon Musk, on sent les pays occidentaux et les instances supranationales un peu gênés aux entournures. Tant que les dirigeants du tentaculaire réseau social étaient « du bon côté », on pouvait s'entendre. Censure des discours, exclusion des personnalités clivantes, comptes qui sautent, followers qui disparaissent, deux poids deux mesures entre le camp progressiste et ceux qui lui résistent : les Règles de Twitter (avec un R majuscule, comme dans la plupart des catéchismes) ne cachaient pas leurs sympathies. On y était, pour reprendre la formule de Darmanin, « méchant avec les méchants ». Les demandes de Musk, avant même le rachat, sur la transparence des algorithmes ou le nombre de faux comptes avaient commencé à faire naître une certaine anxiété parmi les salariés et les dirigeants de l'oiseau bleu. Désormais, c'est la panique.

En Europe aussi, la panique commence à se voir. La liberté d'expression, et puis quoi encore ? Sur un continent dirigé par Ursula von der Leyen, élue par personne, elle-même entourée d'un aréopage élu par personne, on a du mal avec ces concepts d'un autre temps. Pour preuve, la réaction de Thierry Breton, Commissaire européen au marché intérieur, à l'origine d'une législation européenne (le Digital Services Act, ou DSA) qui limite la liberté d'expression sur le Vieux Continent et prévoit même des sanctions financières contre les sociétés qui y contreviendraient. « En Europe, a déclaré Thierry Breton, l'oiseau volera selon nos règles européennes. » À l'extrême limite des sanctions prévues, on trouve le bannissement de Twitter dans toute l'Union Européenne. Ce serait ce que l'on appelle un « signal fort ».

« L'oiseau est libre », avait tweeté le nouveau PDG, après avoir fait une entrée très remarquée dans les locaux de sa nouvelle société, un lavabo dans les bras. Cette métaphore du nettoyage était aussi celle de Donald Trump (« Drain the swamp »), qui va, au passage, probablement faire son retour sur Twitter. Ne nous hâtons pas de conclure que Musk est nécessairement un philanthrope ou un idéaliste. Les photos, complaisamment relayées par le camp progressiste, de salariés qui dorment dans leur bureau pour montrer qu'il ne faut pas les virer ou les licenciements par mail commencent à être instrumentalisés. Musk est un visionnaire et probablement une sorte de génie. Laissons-lui le temps de développer une stratégie de long terme qu'il médite vraisemblablement depuis longtemps. Il n'appartient à aucune minorité, finance les Républicains, appelle à voter pour eux et (sans doute le pire) ne dit que des choses de simple bon sens qui font hurler les wokistes. Laissons-lui le temps de prendre sa place dans un univers qui lui est très majoritairement hostile - comme il nous est hostile, à nous.

Cette haine anti-Musk, déjà palpable dans le discours complètement biaisé que les journaux européens reprennent comme des perroquets, est en fait une haine de la liberté d'expression. Les discours de haine sont, en réalité, bien présents et pas du tout modérés en Europe, et notamment en France : prêches islamiques fondamentalistes, chansons de Nick Conrad, sorties de La France insoumise ou du Parti des indigènes de la République... Rien de tout cela ne choque l'Union européenne. C'est moins grave que la possibilité d'avoir, en Europe, des sources d'information contradictoires. Eh bien, allons-y, bannissons Twitter comme nous avons banni RT et Sputnik. Promouvons même une sorte d'ORTF européenne, avec des programmes obligatoires. Poussons le mouvement totalitaire jusqu'au bout. Mais gardons bien à l'esprit qu'il va nous être difficile de donner des leçons à la Chine ou à la Russie après ça. Nous n'en donnons déjà pas au Qatar ou à l'Arabie saoudite, qui sont, on le sait, de bons amis de l'Europe et des défenseurs de la démocratie.

Nos éléments de langage éculés sur les droits de l'homme nous sauveront-ils du ridicule ? J'ai bien peur que ce ne soit trop tard depuis bien longtemps.

Arnaud Florac
Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Vos commentaires

18 commentaires

  1. Si ça dérange Ursula Van Der Leyen et Macron et Thierry Breton, rien que pour ça je suis content, même si Tweeter devient payant.
    Ce que je sais en Politique, c’est que quand un Parti se dit Démocrate, je pense de suite qu’il est peut être attaché à son Pays donc Républicain, mais le tait.
    Et quand un Parti se dit Républicain, je me demande s’il ne cherche pas à pousser les frontières donc à devenir belliqueux ou vouloir faire du fric ailleurs, mais il doit être Démocrate, ce qui n’arrange pas celles et ceux qui souhaitent vivre aux crochets des autres toujours plus….
    Pour la Paix, l’Egalité, il vaut mieux les Républicains, mais il ne suffit pas de le dire.

  2. gracchus l’a déjà dit:

    À la question : « la liberté de penser est-elle en danger (en France) ? », Renaud Camus répond : « la liberté de penser n’est pas en danger, elle n’existe plus. »

    puisque je ne peux dire que les vaccins ne sont pas des vaccins sans me trouver devant un tribunal « populaire », puisque je ne peux pas soutenir Peronne et Raoult sans me trouver condamné avant d’avoir pu argumenter, notre liberté d’expression n’existe plus mais plus du tout……

  3. Musk ne demande pas à proprement parler de voter Républicains, il dit « Les démocrates sont au pouvoir, créons un contre pouvoir, votons Républicain ». Sa proposition est présentée comme le produit d’une réflexion démocratique, non comme un engagement aveuglément partisan.

  4. De toute manière, on ne devrait plus évoquer aujourd’hui les « droits de l’homme », mais les « droits de celles et ceux »…Soyons « up to date »!

  5. Remarquez qu’aux USA, on peut virer un salarié du jour au lendemain, et qu’en politique on pratique le spoil system, ce qui permet de véritables alternances. Chez nous les présidents changent, mais la haut administration est à peu près inamovible, rendant de vrais changements presque impossibles.

  6. Comme votre conclusion est vrai. Il est déjà trop tard l’apocalypse c’est pour très bientôt.

  7. Quand va t il racheter une partie de nos médias nationaux pour faire une « purge » ?? On peut toujours rêver !!

  8. Robert Kiyosaki, un entrepreneur immobilier célèbre, a fait un tweet superbe dans lequel il disait que les progressistes avaient enrichi Elon Musk en achetant des Tesla, argent qui a permis à Elon d’acheter Twitter au grand dam de ces mêmes progressistes !

  9. Les valeurs de la république comme celles européennes sont des valeurs sonnantes et trébuchantes uniquement. Asservir et faire du fric pour résumer. Ici point de place à la liberté de penser ni à la morale ni à la liberté tout court.

  10. Musk est un adepte de la constitution US, lui qui est d’origine sud africaine, il croit très fortement au premier amendement qui garantit une totale liberté d’expression, quant à son génie, c’est celui de tout Asperger génial, un cerveau qui tourne à 10000 tours minute.

  11. À la question : « la liberté de penser est-elle en danger (en France) ? », Renaud Camus répond : « la liberté de penser n’est pas en danger, elle n’existe plus. »

  12. J’ai fait une expérience intéressante il y a environ un an et demi : j’ai insinué que Joe Biden avait triché aux élections sur Facebook, et que Vladimir Poutine avait triché aux élections sur VK (le Facebook russe).
    Et bien seul mon profil Facebook à été modéré.
    L’UE a interdit VK sur son territoire.
    Le « camp du bien » paraît-il…

  13. Vous remarquerez également qu’ils agissent toujours pour notre bien au nom des « valeurs ». Valeurs de la République, valeurs européennes, représentent l’alpha et l’oméga de la pensée du camp du bien, du beau et du vrai. Maintenant, si l’un d’entre vous arrive à me décrire précisément à quoi correspondent ces « valeurs », je l’en remercie grandement.

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

L'intervention média

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois