Le Dr Bertrand Legrand réagit aux annonces d'Emmanuel Macron d'hier soir organisant la levée progressive du deuxième confinement. Analyse d'un professionnel de la santé.

 

 

Hier soir, le président de la République a détaillé l’éventuel déconfinement que la France va connaître. Ce discours est arrivé après une prise de position assez lunaire du docteur Salomon sur France Inter qui disait qu’il fallait couper la bûche en deux et laisser papy et mamie dîner à la cuisine. Qu’avez-vous pensé de cette séquence médiatique ?

On est entré dans un festival de la bêtise. Je suis très en colère et on ne m’a pas prévenu. Je n’ai donc pas pu y participer... Moi aussi, j’ai envie de dire une grosse connerie. Il n’y a pas de raison que je ne puisse pas en dire !

Pour beaucoup de Français, c’est une mauvaise nouvelle. On pense notamment aux restaurateurs et à tous ces gens qui vont devoir rester fermés. Ce déconfinement est-il cohérent ?

Médicalement, le confinement marche à tous les coups. C’est l’énorme avantage. On confine et au bout d’un certain temps, les maladies infectieuses disparaissent quelles qu’elles soient. C’est toujours la preuve d’un échec à maîtriser l’infection et à maintenir une vie économique. Savoir qu’ils avaient échoué, c’est fait. On sait maintenant qu’on avait un gouvernement d’amateur qui était revendiqué. Ils ont bien coché la case. Il serait bien qu’ils commencent à faire les choses intelligemment. Pour cela, il faudrait que l’on fasse comme les Chinois, c’est-à-dire copier ce qui marche. Il serait bon aussi de copier les Allemands qui sont juste à côté puisque leurs résultats sont bons. Confiner est cohérent médicalement et permet de corriger nos erreurs. Il serait bon de ne pas recommencer à chaque fois. Deux fois, ça commence à bien faire.

À quelles erreurs pensiez-vous ?

On peut prendre les dernières. Utiliser un test antigénique chez des gens symptomatiques c’est augmenter les faux négatifs. Quoi qu’on en dise, il y aura des fêtes à Noël. Si vous faites un test antigénique en pensant que votre test va vous protéger et empêchera l’arrivée d’un cluster, sachez qu’il y a de fortes chances qu’un test négatif ne veut absolument rien dire. Par conséquent, vous contaminerez les gens dans la fête. Les Allemands ont pris note de ce constat et ont simplement confiné en amont de Noël, de manière à ce que lorsqu’on arrive au moment des fêtes de Noël, il soit au plus bas du plateau.
De notre côté, on confine et six semaines avant, on commence à déconfiner comme cela on sera pile poil à la bonne hauteur pour faire la démultiplication.

Y a-t-il un focus un peu exagéré sur ces urgences débordées ?

Je ne l’analyserais pas comme cela. J’ai vraiment l’impression que l’on est dans ce que disait Rocard, « il n’y a pas de complot, mais il y a de la bêtise ». Comme on a fait des bêtises, on a peur de dire que l’on a fait une bêtise et on corrige en faisant une nouvelle bêtise. On n’avait pas de masques, on dit qu’ils ne servent à rien. On a des masques, on dit qu’ils servent à quelque chose. On n’avait pas assez de tests, on fait semblant de tester telle et telle personne.
En permanence, notre gouvernement ne sait pas reconnaître ses erreurs. On n’a toujours pas reconnu que la septaine était une erreur. Dans le même temps, on va vous dire qu’il faut isoler les gens à l’hôtel parce qu’ils sont contagieux. Ils sont contagieux entre 7 et 14 jours au moment où il faut les hospitaliser ? C’est complètement ridicule. Une fois nos erreurs corrigées, tout va mieux. Si on ne dit pas que l’on fait une erreur et qu’on ne la corrige pas, on passe son temps à faire des erreurs et des erreurs. Le marqueur du gouvernement est de ne jamais reconnaître ses erreurs.

 

Est-ce qu’un confinement sélectif de personnes fragiles serait une solution ?

C’est toujours la même chose. On n’arrive pas à isoler donc on va dire qu’on isole uniquement ceux qui sont à risque. Il faut dire aux Français qu’on isole des foyers. Le sort dans un même foyer est commun. Si une seule personne dans le foyer est contaminée, alors on va isoler tout le monde ensemble jusqu’à ce que la maladie ait fait le tour du foyer. C’est politiquement parfaitement incorrect, mais en réalité on a toujours fait comme cela en médecine et on continue à le faire. Ceux qui ne font pas comme cela propagent la maladie. La question n’est pas l’isolement d’une personne, mais du même foyer à chaque fois qu’il y a un malade. Vous commencez à imaginer la Chine et les appartements murés... C’est triste, mais c’est malheureusement un peu ça.

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25 novembre 2020 à 19:30

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