Donc, Gérald Darmanin marchera sur le palais Bourbon…

gerald-Darmanin

« N'écoutant que son courage, qui ne lui disait rien, il se garda bien d'intervenir » (citation de Jules Renard, en ouverture de Courage fuyons).

Scènes mémorables de grandeur humaine dans ce film d’Yves Robert, sorti en 1979. Entraîné par un Gérard Darmon chevelu, par une nuit d’émeute de 1968, Jean Rochefort, au comble d’une veulerie cinématographique dans le rôle de Martin Belhomme, caillassait sa propre voiture et se posait cette question existentielle : « Suis-je en train de toucher le fond, ou atteins-je mon sommet ? »

Notre ministre de l’Intérieur, que nous ne comparerions pour rien au monde à ce Martin Belhomme, se pose-t-il parfois de ces questions de l’ordre intime de l’examen de conscience ? Qui le sait ? Toujours est-il que, ce lundi, en déplacement à Vernon, dans l’Eure, il nous annonce qu’il se rendra mercredi devant l’Assemblée nationale où manifesteront plusieurs milliers de policiers en hommage au brigadier Masson assassiné ; surtout exaspérés par un fonctionnement biaisé de la Justice ; avec le sentiment que l’exécutif ne les épaule pas.

Celui qui se présente comme « le premier d'entre eux » entend leur signifier, par sa présence devant le palais Bourbon, qu’il est, avec eux, « dans le même bateau »… pour lutter contre l'insécurité ; et qu’il peut « comprendre leur colère » après les meurtres de Rambouillet et d’Avignon. Dans le même bateau, peut-être : mais un Titanic dont il occuperait le pont promenade supérieur quand tous les autres s’affairent, dans le pont des ballasts et dans la salle des machines, à essayer sans recours de contenir les multiples voies d’eau ! Ceux qui savent qu’ils n’ont pas de place avec lui dans la chaloupe de secours.

Didier Maïsto tweete : « Le ministre de l’Intérieur va manifester à l’extérieur avec les policiers pour et contre la politique du ministre de l’Intérieur à l’extérieur. » À l’image de ce Martin Belhomme massacrant sa voiture sous les yeux de sa famille éplorée au balcon ? Alors, posons-nous la question : Gérald Darmanin est-il homme de conviction ou de carrière ?

Il l’affirme haut et fort : « Je serai mercredi lors de cette manifestation parce que c'est autant une manifestation pour la République que celle des policiers. » Tel un Charles Hernu qui participait, le 28 mai 1958, à la manifestation pour « la défense de la République » alors que planait la folle rumeur d’un largage des paras sur Paris, lui aussi n’écoutant que son courage, n’a-t-il pas mis en garde la population contre le goût inquiétant de certains politiques pour les « bruits de bottes » et les putschistes sur le retour ?

Mais tout de même ! Celui qui disait naguère d’Emmanuel Macron accusant les colonisateurs français de crimes contre l’humanité « Honte à Emmanuel Macron qui insulte la France à l'étranger […] Crachats inacceptables d'Emmanuel Macron sur la tombe des Français tirailleurs, supplétifs, harkis morts pour une France qu'ils aimaient », et qui le sert maintenant avec une apparente dévotion après avoir déposé une gerbe tricolore devant le mémorial des « martyrs » du FLN à Alger, est-il un patriote fiable ? Et le « premier d’entre eux » au milieu des vrais flics ? Chacun jugera.

En attendant, nous le verrons, ce 19 mai, à quelque distance des Jordan Bardella, des Olivier Faure et des Fabien Roussel, marcher sur le palais Bourbon, retour vers le futur d’un 6 février 1934, et peut-être crier contre les assassins et les voleurs : « Moretti démission, Darmanin avec nous ! » Toucher le fond ou atteindre un sommet ? Courage, les amis !

Pierre Arette
Pierre Arette
DEA d'histoire à l'Université de Pau, cultivateur dans les Pyrénées atlantiques

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