Delevoye : une honte qui donne raison aux gilets jaunes

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On nous a dit et répété, durant des semaines, que Jean-Paul Delevoye était un homme remarquable, qu'il avait une riche expérience et que, pour traiter le problème des retraites, il serait compétent et exemplaire.

Je n'ai jamais rien compris à ses propos sur ce plan. Mais comme je suis très ignorant à ce sujet, je n'en tire aucune conclusion décisive à son encontre. On avait cependant l'impression, à l'entendre, que s'il ne doutait pas de lui-même, il avait tout de même du mal à convaincre les autres.

Mais qui pouvait imaginer que Jean-Paul Delevoye, avec un tel parcours et une telle intelligence, avait si peu de mémoire ? Comment, d'ailleurs, avoir pu mener une telle carrière avec un tel déficit ? Pourtant, il a réussi, il faut croire que ce n'est pas un handicap insurmontable. Cela devrait donner le moral à ceux qui pourraient se désespérer d'en manquer : ils ne sont pas irrécupérables.

Tout de même, alors que le pouvoir continuait à compter sur lui (malgré quelques bourdes récentes sur la clause « du grand-père » et l'immigration) pour nous sortir de l'ornière avant le point culminant de la manifestation du 17 décembre, il a fait fort pour le décevoir. Trois oublis relevés en cinq jours dans sa déclaration d'intérêts à la HATVP, dont deux concernant l'assurance et la SNCF, qui ne sont pas des domaines sans lien avec les régimes de retraite.

Mais Matignon lui renouvelle toute sa confiance parce que Jean-Paul Delevoye est de bonne foi.

Sa bonne foi, apparemment, ne s'use pas. Elle résiste au nombre.

Quand il aura recouvré la mémoire, sera-t-il blâmé puisque, amnésique, il est loué et maintenu ?

Quelle étrange manière de persuader les citoyens - dans une période qui devrait inciter à une équité absolue - que tous sont traités à la même aune et que nos oublis répétés seront pardonnés puisque, bien sûr, nous serons de bonne foi comme Jean-Paul Delevoye ! Je ne recommande à personne de tenter l'expérience auprès des services publics, de l'administration et de l'État.

Les gilets jaunes se sont battus trop tôt : ils auraient dû attendre Jean-Paul Delevoye, parfaite démonstration de leur colère.

Je plaisante pour dissimuler que c'est une honte. On donne raison ostensiblement à ceux qui jugent que la République, pour le dérisoire comme pour le grave, est injuste et que le manque de mémoire de Jean-Paul Delevoye - inquiétant à force de se renouveler dans un même registre - est une broutille alors que celui du Français lambda est évidemment inexcusable.

Quel poids va-t-il avoir dans les discussions ? Quelle légitimité ? Il est perdu de réputation, en l'occurrence, et a perdu sa réputation.

Le calembour est discutable mais Delevoye de garage aurait dû être la mesure immédiate à prendre.

Je ne ris plus.

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Philippe Bilger
Magistrat honoraire - Magistrat honoraire et président de l'Institut de la parole

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