Déboulonnage de La Bourdonnais : La Réunion le renie, Maurice le vénère !

la bourdonnais

L’Histoire a souvent des contempteurs qui essaient de prouver que le verre à demi vide est plus important que celui qui est à demi plein… La dernière victime en date de ces curieux trafiquants historiques est Bertrand François Mahé de La Bourdonnais (1699-1753), qui fut nommé gouverneur des îles de France et de Bourbon en 1735. Il y a quelques semaines, sa statue en pied, qui avait été installée devant la préfecture de Saint-Denis de La Réunion en 1856 face à cet océan Indien qu’il avait sillonné avec bonheur, a été déboulonnée pour être installée plus discrètement dans la cour d’une caserne militaire de la capitale.

Et pourtant ! L’île Bourbon, La Réunion actuelle, a bénéficié à l’époque du génie administratif et militaire de ce grand homme alors que l’île végétait sur tous les plans dans une situation terriblement précaire avant son arrivée en 1735. François Mahé de La Bourdonnais est aujourd’hui unanimement reconnu par les historiens comme le plus grand administrateur des deux îles sœurs françaises à l’époque où l’île Maurice n’était pas encore anglaise (1810).

Sans ce génial administrateur, il est probable que La Réunion ne serait pas ce qu’elle est aujourd’hui car La Bourdonnais a personnalisé plus que tout autre le transfert du génie français à 12.000 kilomètres de la France (nouvelles routes, développement de l’agriculture, amour du travail bien fait, etc.).

Ne voilà-t-il pas que depuis quelques années, des collectifs de toutes sortes, plus inspirés par le côté sombre qui jalonne toujours l’Histoire que par les belles réalisations de ses acteurs, militent pour le déboulonnement de la statue sous prétexte que monsieur de La Bourdonnais avait été - parmi de nombreux autres - propriétaire d’esclaves. C’est finalement madame Ericka Bareigts, maire socialiste de Saint-Denis, qui a réussi à obtenir la mise à l’écart du grand homme. Triste transfert qui n’honore pas ces croque-morts de l’Histoire.

Reconnaissante à son grand administrateur

À deux cent kilomètres de là, à Port-Louis de l’île Maurice, la statue de Mahé de La Bourdonnais, installée devant le port en 1859 pendant la période anglaise, continue par contre de raconter l’histoire de cette île reconnaissante à son grand administrateur. Elle devance même la statue de la très célèbre reine Victoria, qui siège une centaine de mètres derrière elle devant l’Hôtel du Gouvernement, siège du Parlement mauricien… Contrairement à La Réunion voisine, personne n’a jamais songé ici à contester la présence de cette statue dans ce Port-Louis qui doit tant à La Bourdonnais.

Esclavage ou pas, l’île Maurice doit peut-être encore plus à cet homme que La Réunion. En effet, dès sa nomination comme administrateur des deux îles, La Bourdonnais réalise rapidement la supériorité stratégique de l’île de France grâce à ses deux ports naturels en eau profonde, contrairement à Bourbon où la mer bat en côte sur la presque totalité de son pourtour. C’est ainsi que pendant la dizaine d’années où il aura la charge des deux îles, il va favoriser le développement de l’île de France, peut-être un peu au détriment de Bourbon, ce qui exacerbera une jalousie déjà existante entre les deux îles. Mais ce, sans pour autant négliger La Réunion. Devenue anglaise en 1810, l’île Maurice ne cessera d'entretenir la mémoire de son grand administrateur, sans pour autant occulter la question de l'esclavage, et ce, même depuis son indépendance en 1968.

En 1989, l’association Maurice-France finance même la construction d’une statue similaire pour l’offrir à la ville de Saint-Malo, qui avait relégué ce grand gouverneur d’outre-mer dans les oubliettes de l’Histoire. Grâce à ces Mauriciens passionnés de ce grand homme, il y a, depuis, une place de l’île Maurice dans la célèbre cité malouine…

Un retour d’ascenseur qui contraste singulièrement avec le triste sort réservé à ce grand homme dans l’île voisine, pourtant française.

Jean-Pierre Lenoir
Jean-Pierre Lenoir
Journaliste et écrivain mauricien

Vos commentaires

23 commentaires

  1. Les déboulonneurs, qui ne se contentent d’ailleurs pas des statues, jetant aussi parfois un œil torve sur la littérature et les arts (confert l’article précédent sur la musique classique) seraient-ils même ce qu’ils sont à peine, sans La Bourdonnais ou tel autre Malouin, François-René de Châteaubriand ? Pardonne leur, mon Dieu, car ils ne savent pas ce qu’ils font…

  2. Les Mauriciens ont aussi bien servi la France pendant la 2° Guerre-Mondiale avec le réseau de Résistance des Mauriciens-de-Paris, animé par la famille Rousset.

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