Conte contre Macron : l’Europe « macronienne » n’existe plus
Après le Brexit, la défiance anti-Bruxelles des quatre nations du groupe de Visegrád, puis celle de l'Autriche, bientôt de la Slovénie, la difficile fin de carrière d'une chancelière sous tutelle politique, qui refusera toujours les projets européens surréalistes que Macron veut lui faire ingurgiter, l'éviction de Rajoy et le retour catalan, et, désormais, un projet italien détonnant, que reste-t-il du vieux monde européen d'Emmanuel Macron ?
Notre ambassadeur à Rome ayant été convoqué en raison des propos calamiteux sur l'Italie et son gouvernement proférés par Emmanuel Macron puis LREM, on se demandait si le président du Conseil Conte viendrait à l’Élysée, et surtout ce qui allait ressortir de cette réunion. On le sait à présent depuis ce vendredi après-midi.
Si, en apparence, les relations entre Paris et Rome sont calmées, la conférence de presse fait apparaître la débâcle française. Giuseppe Conte, avocat fin stratège, a manœuvré comme il le voulait et Emmanuel Macron n'avait plus d'autre choix que de feindre un consensus lors de la conférence de presse commune. En effet, sans May, ni Merkel, ni Poutine, ni Trump, ni Rajoy, vu la désagrégation de Bruxelles et le soutien du gouvernement Conte par 70 % des Italiens, il ne restait aucune autre possibilité que de jouer la comédie du consensus.
Que dit le très habile Conte ? "Avec Emmanuel Macron, nous avons une entente parfaite" (j'embrasse mon rival mais pour mieux l'étouffer). C'est donc que Macron n'a pas eu les moyens de s'opposer aux saines propositions italiennes sur les migrants :
1) Mise en place de "centres européens dans les pays de départ ou de passage pour trier les dossiers des demandeurs d'asile... avant qu’ils ne se lancent dans la traversée de la Méditerranée".
2) "L'Italie est opposée à la réforme en cours du système de Dublin et prépare sa propre réponse. Nous voulons un changement de paradigme. Nous devons renforcer au niveau européen la relation avec les pays d’origine et avec les pays de transit."
3) Un "sommet bilatéral franco-italien à l’automne prochain à Rome", pour "renforcer la coopération" (sic) entre la France et l’Italie.
Que dit le phraseur Président français ? Des pétitions de principe :
- "une refonte du système de Dublin pour mieux articuler le système de solidarité", "des mécanismes mieux adaptés à la réalité de chaque pays" ;
- "une vraie réponse humanitaire", "mieux protéger les migrants […] mieux sécuriser les côtes de la Méditerranée à tous égards" (sic), "renforcer les coopérations humanitaires", "renforcer Frontex car l’arrivée de ces migrants ne peut être uniquement à la charge du pays qui les accueille sur ses côtes. Il faut un investissement massif". Mais avec quel budget ?
Utiliser à profusion les adjectifs ou adverbes comme "mieux" et "vrai" ou les injonctions en l'air ("il faut"), ce n'est que de la com'. De mauvaise qualité.
Après avoir froissé, pour longtemps, Poutine, été ridiculisé par Trump, éconduit par Merckel, ignoré par le socialiste Sánchez, il ne restait pas d'autre choix à Emmanuel Macron que de feindre l'entente avec l'Italie. Sinon, il demeurait seul, sui generis. Ce qui arrivera nécessairement quand l'Italie appliquera la politique pleine de bon sens de son programme de gouvernement. Comme souvent dans la commedia dell'arte, c'est Arlequin, vêtu de son costume multicolore Ligue et 5 étoiles, et muni de son intelligence joyeuse et pratique, qui a mystifié Scaramouche.
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