Conséquences du privilège blanc : culpabilisation et prise de pouvoir

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Il est frappant de constater à quel point le contexte actuel fait écho au renversement des valeurs décrit par Nietzsche dans La Généalogie de la Morale, publié en 1887, dans lequel le philosophe s’interroge sur les origines des valeurs morales judéo-chrétiennes reposant en partie sur le sentiment de culpabilité et ce qu’elles impliquent sur les rapports de pouvoir.

Nietzsche postule que les hommes sont animés par une seule et même pulsion : accroître leur puissance. Selon leur constitution physique, leur richesse ou leur statut social, tous ne pourront pas exprimer aussi librement leur puissance. Ceux qui ont le pouvoir expriment ainsi pleinement leur puissance tandis que ceux qui connaissent des entraves en ressortent frustrés, jaloux. Ils ruminent. C’est le ressentiment.

Le tour de force de Nietzsche est de montrer en quoi les valeurs judéo-chrétiennes, sous couvert de bons sentiments, peuvent être interprétées comme une arme n’ayant qu’une seule fonction : permettre aux frustrés de prendre le pouvoir en utilisant comme ressort la culpabilisation. A défaut d’utiliser la force, on utilise la morale. L’amour du prochain, la pitié, le refoulement de ses bas instincts, l’aide des plus forts envers les plus faibles, tendre l’autre joue, renoncer au pouvoir, autant de valeurs qui créent la culpabilisation des puissants et permettent aux nouveaux idéologues, les prêtres, de distribuer les bons et mauvais points moraux. Ayant pris le pouvoir, ces nouveau maîtres à penser peuvent alors satisfaire pleinement leur volonté de puissance et prendre le pouvoir.

Vous pensez sans doute que cette vision du monde est très théorique et caricaturale, qu’il faudrait la nuancer ? Sans doute. Et pourtant, c’est curieusement ce qui semble se jouer en ce moment même en Occident, à la seule différence que les prêtres ne sont plus les mêmes.

En recyclant le péché originel judéo-chrétien, le concept de privilège blanc déclenche les mêmes mécanismes mortifères de culpabilisation que ceux décrits par Nietzsche. Se sentant coupable du seul fait de sa naissance, l’homme blanc cède et se soumet aux nouveaux prêtres, les opprimés racisés chargés de ressentiment qui, opportunistes, s’engouffrent dans la brèche de la culpabilité judéo-chrétienne occidentale qu’ils utilisent pour gagner en pouvoir. Tout cela est bien entendu et conforté par le verbiage entortillé des sophistes CSP+ formés au biberon des syllogismes du catéchisme néo-progressiste.

La bonne conscience contre le pouvoir, c’est le troc actuellement en cours entre l’homme blanc et les minorités, une arnaque monumentale, la morale des faibles. En effet, les pays les moins racistes, les plus généreux envers les minorités et les immigrés, mais aussi les plus actifs en termes de justice sociale et de droits humains sont justement les pays occidentaux multiculturels, avec en premier lieu la France. S’indigner contre le privilège blanc est un prétexte opportuniste de mauvaise foi utilisé pour résoudre des problèmes qui n’ont rien à voir avec la couleur de peau.

Et si Camélia Jordana, au lieu de s’ériger en Marianne des minorités, et Virginie Despentes, au lieu de se donner bonne conscience, pouvaient s’exprimer au sujet de la discrimination positive, des aides sociales et de tout ce que l’homme blanc fait pour ses minorités ? Et si elles pouvaient parler des noirs et des maghrébins qui réussissent dans la vie et des blancs qui sont pauvres et se font agresser ? Et si on cessait de confondre privilège racial et avantages de classe ? Et si au lieu de parler de couleur de peau, porte ouverte à tous les amalgames et dérives, on parlait sérieusement des inégalités sociales qui, elles, ne connaissent pas le racisme ?

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Julien Emmanuel
Enseignant en philosophie

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