Cinéma : Un métier sérieux de Thomas Lilti, quand les profs culpabilisent

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En quelques années seulement, Thomas Lilti s’est imposé comme l’un des cinéastes français les plus talentueux de sa génération. Fort de son expérience passée dans le milieu médical, il lui a consacré un triptyque des plus réussis avec Hippocrate, Médecin de campagne et Première Année. Des films que l’on ne saurait trop recommander à nos lecteurs.

Avec son nouveau long-métrage, Un métier sérieux, Thomas Lilti réunit ses acteurs fétiches, François Cluzet, Vincent Lacoste et William Lebghil, leur associe Adèle Exarchopoulos, Louise Bourgoin et la jeune Lucie Zhang, et change radicalement d’environnement professionnel pour se frotter à l’Éducation nationale.

Le récit suit un groupe de professeurs en collège en début d’année scolaire. Un établissement tout ce qu’il y a de plus banal où il devient de plus en plus difficile de faire classe, entre les soucis matériels, l’incompétence de l’administration, le manque de concentration des élèves et leur insolence qui va en s’aggravant au fil des ans. Benjamin (Vincent Lacoste), jeune professeur de mathématiques inexpérimenté et remplaçant, va heureusement pouvoir compter sur le soutien de ses nouveaux collègues, serviables et soudés en toute occasion. Un tableau idyllique, presque trop pour être crédible… Car cette image idéalisée de la solidarité entre profs – qui s’invitent tous les quatre matins les uns chez les autres pour dormir, manger un McDo et discuter de leurs problèmes professionnels... ils feront même du surf ensemble à l’occasion d’une sortie scolaire ! – ferait sourire n’importe quel enseignant ayant un peu pratiqué.

Quelques invraisemblances

Plus gênant peut-être, on s’aperçoit au fil du récit que ces professeurs sont rendus responsables, systématiquement, de chaque difficulté qu’ils rencontrent : le prof de français (François Cluzet) réalise qu’il ennuie ses élèves depuis des années parce qu’il se montre trop élitiste en leur faisant lire du Zola (lesdits élèves, nous dit-on, préfèrent la lecture de Romain Gary sur leur temps libre – on n’y croit pas un instant…). La prof de SVT (Louise Bourgoin), tout aussi ennuyeuse, a droit à une belle leçon de démagogie de la part d’une inspectrice qui lui signifie son manque de communication avec la classe. Et le nouveau prof de maths (Vincent Lacoste) culpabilise d’avoir dénoncé un élève qui le menaçait sérieusement et qui risque par conséquent d’être renvoyé définitivement en conseil de discipline (une racaille intégrale avec un nom à consonance… italienne !). Évidemment, l’élève en question s’excusera longuement devant les adultes, réalisant tout le mal qu’il a causé… Les scrupules qui accompagnent le professeur de maths et ses collègues, malades de voir qu’un jeune risque ainsi d’être privé d’avenir, sont absolument invraisemblables.

On remarque d’ailleurs que le seul prof qui s’en sort à peu près au niveau discipline est celui qui assure les cours d’anglais (William Lebghil), le plus démago d’entre tous, qui fait des blagues à tout va, s’adresse aux gamins comme à ses potes et plaisante sur les drogues dures en réunion de parents d’élèves.

Tout cela est parfaitement réalisé, mis en scène et interprété – on regrette, au passage, de voir la talentueuse Lucie Zhang sous-exploitée – mais cela sonne faux de bout en bout. En voulant, pour une fois, s’écarter des domaines qu’il connaît, Thomas Lilti se plante en beauté.

Restent la prestation d’Adèle Exarchopoulos, toujours dans la mesure (elle a le seul rôle crédible du film), l’apparition éclair de Bouli Lanners et la complicité de Vincent Lacoste et William Lebghil dont le tandem nous avait déjà enthousiasmés dans Première Année.

2 étoiles sur 5

Pierre Marcellesi
Pierre Marcellesi
Chroniqueur cinéma à BV, diplômé de l'Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA) et maîtrise de cinéma à l'Université de Paris Nanterre

Vos commentaires

6 commentaires

  1. Malheureusement, les profs sont à l’image du reste de la société, comment pourrait-il en être autrement. Le déclin de la France et des institutions a commencé un peu avant 1968, année ou il atteint son lancement irrépressible, qui nous a emmenés ou nous en sommes aujourd’hui, état qu’il n’est point besoin de détailler toute personne sensée le voit par elle même. Hélas!

  2. Un film reste un film avec sa poésie , sa romance ainsi que ses extravagances; ça ne prétend pas être un ennuyeux documentaire. S’il devait être fait un quelconque parallèle c’est avec ce que fut jadis l’école, cette école où les instituteurs nous inculquaient le respect, le civisme, la morale , les matières premières avec une rigueur sans aucune mesure avec celle d’aujourd’hui où profs, élèves et parents ne se reconnaissent plus

  3. C’esT pas la peine d’avoir maîtrisé le calcul matriciel si e 6eme les fractions simples relèvent pour la plupart du calcul astronomique. Depuis des dizaines d’années l’en fait fausse route. Pour apprécier un livre il faut que la lecture soit naturelle et sans effort. Pour en arriver là ben faut en avoir fait quelques-uns. Et pour tout c’est pareil.

  4. De toute façon, coupables ou non, ils ne sont pas tous à jeter avec l’eau du bain gauchiste, c’est foutu pour quelques générations de têtes blondes.

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