[CINÉMA] Les Musiciens, un quatuor à cordes sous tension

Un film amusant et charmant.
Capture d'écran BA
Capture d'écran BA

Riche héritière, Astrid Thompson (Valérie Donzelli) est déterminée à réaliser le projet de son défunt père : réunir quatre Stradivarius à plusieurs millions d’euros chacun afin d’organiser et enregistrer, dans une petite église à l’acoustique idéale, un concert historique autour d’une partition musicale de Charlie Beaumont (Frédéric Pierrot), célèbre compositeur contemporain. Pour ce faire, Astrid souhaite confier les instruments à quatre prodiges de la musique classique, aux parcours divers. Réunis pour une semaine dans une imposante demeure à la campagne, les membres de ce quatuor à cordes vont, hélas, avoir du mal à faire cohabiter leurs ego et, in fine, à se coordonner musicalement… Astrid comprend alors instinctivement que seule la présence du compositeur permettrait d’imposer au mouvement une direction claire aux intentions définies. Bien à contrecœur, Charlie Beaumont se résout donc à rejoindre le projet et à sauver l’événement tant qu’il en est encore temps.

Une comédie humaine avant tout

Après Les Parfums, sorti en 2020, le réalisateur Grégory Magne nous propose, avec Les Musiciens, une comédie légère au ton et à la narration relativement proches. Plus soucieux de faire sourire le spectateur autour de thématiques sérieuses que de le faire rire aux éclats à partir de gags plus ou moins gras, le cinéaste livre un film élégant et mesuré, légèrement esthète, sans pour autant verser dans l’élitisme puant : « Je voulais décomplexer ou rassurer le spectateur qui croit ne rien connaître à la musique. Le film est d’abord une comédie humaine », explique-t-il, modestement, dans le dossier de presse. Sur ce dernier aspect, précisément, Grégory Magne nous montre bien que jouer en quatuor nécessite, de la part de chaque musicien impliqué, de sacrifier une part de soi afin de faire primer le collectif. Un constat évident à première vue, mais terriblement difficile, parfois, à mettre en pratique. Surtout quand, dans l’équipe, nous avons deux anciens partenaires/amants brouillés depuis des années, un violoniste prétentieux et égocentrique et une jeune autodidacte révélée par les réseaux sociaux, plus soucieuse de selfies pour Instagram que de travail… Le compositeur, quant à lui, se demande un peu ce qu’il vient faire dans cette galère, tant il est insatisfait de cette partition qu’il a écrite à la va-vite, sans la moindre conviction, des années auparavant. Astrid, dans ces conditions, aura toutes les peines du monde à faire aboutir son projet.

Le son à l’honneur

Amusant, charmant, le film de Grégory Magne a surtout le grand mérite de soigner sa bande-son, signée Grégoire Hetzel, et de faire jouer à l’écran de véritables musiciens : la comédienne Marie Vialle, qui pratique le violoncelle, Mathieu Spinosi, acteur-violoniste (fils du chef d’orchestre Jean-Christophe Spinosi), Emma Ravier, violoniste et altiste, et enfin Daniel Garlitsky, violoniste russe qui pratique en sus de la musique classique le jazz manouche. Cette prépondérance du son dans Les Musiciens a aussi sa (lourde) contrepartie : une direction d’acteurs et une diction des dialogues qui laissent quelquefois à désirer, et un travail plus que sommaire sur l’image et la composition des plans.

Encore un problème de coordination, dirons-nous…

 

3 étoiles sur 5

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Pierre Marcellesi
Chroniqueur cinéma à BV, diplômé de l'Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA) et maîtrise de cinéma à l'Université de Paris Nanterre

Vos commentaires

4 commentaires

  1. Le problème, souvent, et pas que dans ce film, c’est la diction ÉPOUVANTABLE de ceux que l’on a persuadés qu’ils étaient des acteurs ! En fait, c’est un métier qui nécessite beaucoup de travail !

  2. Superbe film où le duo Valérie Donzelli – Frédéric Pierrot est au meilleur de sa forme.
    C’est un film incontournable pour tous les mélomanes.
    C’est le premier film de Grégory Magne que je vois. IL semble très prometteur.
    Allez-y sans hésiter !

  3. J’ai beaucoup aimé ce film
    On n’a pas eu droit à la bienpensance habituelle, de bons acteurs également musiciens, pas de diversité obligée.
    Et quand on ne connaît rien à la musique, on touche du doigt la complexité d’une oeuvre.

  4. « …sacrifier une part de soi afin de faire primer le collectif » : voilà qui me parle, comme on dit (eh oui, je pense à la politique). Je vais aller voir ce film avec plaisir car les sorties de film qui m’attirent se font rares…

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