19 mai 1643 : Rocroi, la victoire du Grand Condé pour la gloire du Roi-Soleil

Cette bataille inaugura triomphalement le règne d’un jeune Louis XIV qui n’était roi de France que depuis 5 jours.
condé

Le 19 mai 1643, à Rocroi, petit bourg des Ardennes, le royaume de France remporta une victoire retentissante sur les troupes espagnoles, quelques jours seulement après la mort de Louis XIII. Cet affrontement, souvent considéré comme le point de bascule de la suprématie militaire entre l’Espagne et la France, consacra également le génie militaire d’un jeune général de 21 ans, Louis de Bourbon, duc d’Enghien et futur Grand Condé. Cette bataille inaugura alors triomphalement le règne d’un jeune Louis XIV qui n’était monté sur le trône de France que depuis cinq jours.

Briser l’hégémonie des Habsbourg

Alors que le corps de Louis XIII ne reposait pas encore dans la nécropole royale de Saint‑Denis, les Espagnols, sous les ordres de Francisco de Melo, gouverneur des Pays‑Bas, investissaient Rocroi, le 10 mai, avec près de 26.000 hommes, rêvant d’une percée jusqu’à Paris. Face à cette menace, le jeune Louis de Bourbon, fraîchement nommé chef de l’armée de Picardie, rassembla dans la hâte près de 23.000 soldats sans révéler à ses troupes la mort du roi, survenu le 14 mai, afin de ne pas faire fléchir leur courage et leur moral. Plus qu’un simple choc d’armées, Rocroi allait alors s’inscrire comme un tournant décisif de la guerre de Trente Ans, cette lutte acharnée entre les redoutables Habsbourg et la France, soucieuse de briser la mainmise de son ennemi en Europe.

L’audace d’Enghien

À l’aube du 19 mai, le soleil se levait sur un champ hérissé de baïonnettes et de canons alignés. Enghien, à la tête de sa cavalerie légère sur l’aile droite, harcela les Espagnols dès les premiers coups de mousquets. Au centre, les légendaires tercios, formés en carrés compacts, tinrent tête au feu nourri de l’artillerie et de l'infanterie françaises. Cependant, dans un mouvement audacieux, Enghien parvient à déborder les lignes ennemies et disperse l’aile gauche espagnole par derrière. Désormais, coupé de tout soutien, le centre espagnol succomba peu à peu face aux assauts répétés des Français et finit par capituler malgré sa résistance acharnée et héroïque.

Le début d’un règne glorieux

La nouvelle de la déroute espagnole à Rocroi ébranla alors toute l’Europe : jamais, depuis plus d’un siècle, l’infanterie espagnole n’avait vacillé sous un choc d’une telle violence. La légende des tercios, réputés invincibles et inébranlables, s’effondra alors face à l’armée française, désormais réorganisée, plus mobile et portée par de nouveaux tacticiens de génie.

Politiquement, la victoire affermit également l’autorité de la régence exercée par Anne d’Autriche et Mazarin, dissipa les craintes d’un royaume de France fragilisé et entérina le déclin de l’hégémonie des Habsbourg, bientôt scellé par le traité de Westphalie en 1648. À plus long terme, Rocroi ouvrit la voie à la montée en puissance de la France, annonça les futures gloires militaires du Roi-Soleil et prépara la majesté lumineuse de son long règne.

L’avenir du Grand Condé

Récompensé pour sa bravoure et sa victoire, le duc d’Enghien reçut le titre de prince de Condé en 1646 et enchâssa Rocroi comme la première gemme de sa couronne militaire. Cependant, enorgueilli par ses triomphes et enivré par sa gloire, il souhaita prendre part au gouvernement du royaume et se mit alors à défier la puissance de Mazarin. Ralliant la Fronde des princes en 1649, dont il devint l’un des meneurs, il usa alors de son prestige pour affronter la Régence, ébranler Paris et même rallier l’Espagne, son ancien ennemi. Cependant, en 1659, par un retournement digne de ses plus belles manœuvres, celui qui se faisait désormais connaître sous le nom du Grand Condé réussit à rentrer dans les bonnes grâces de son cousin Louis XIV, à retrouver son honneur et à reprendre les armes contre les puissances européennes pour la plus grande gloire de la France. Jusqu’à sa mort en 1686, le Grand Condé demeura l’archétype du prince de sang, oscillant entre audace, rébellion et fidélité retrouvée.

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Eric de Mascureau
Chroniqueur à BV, licence d'histoire-patrimoine, master d'histoire de l'art

Vos commentaires

11 commentaires

  1. En Belgique, le « Grand Siècle » des Français est nommé « Siècle des Malheurs »…

  2. Louis XIV l’a reconnu sur son lit de mort « J’ai trop aimé la guerre … »Il a ruiné le pays et cet état des finances s’est répercuté au long des règnes

  3. « À l’aube du 19 mai, le soleil se levait sur un champ hérissé de baïonnettes et de canons alignés. »
    Non : à l’époque, la baïonnette n’est quasiment pas en dotation. En revanche, les formations de piquiers, dont l’arme (la pique) mesure 5 mètres de long, constituent 30 à 40 % des fantassins, le reste étant des mousquetaires (porteurs de mousquet, à ne pas confondre avec les Mousquetaires du Roi, troupe d’élite destinée à la protection du roi en campagne).
    Il faut attendre trois à quatre décennies avant de voir apparaître la baïonnette. Elle remplace définitivement la pique au tournant du siècle.

  4. « … sans révéler à ses troupes la mort du roi survenu le 14 mai afin de ne pas faire fléchir leur courage et leur moral. » Sage décision de Condé. Louis XIII, dont les exploits de combattant dépassaient de loin ceux de Louis XIV, fut le dernier roi respecté, aimé et pleuré par les Français, et l’affection était réciproque – le dernier roi à crier (du haut d’un balcon de Saumur) : « Vive mon peuple! »

      • J’ai une immense admiration pour le roi Louis XIII, il était une très grand homme : voilà un souverain détenant un pouvoir absolu et qui détecte parmi ses sujets un homme de génie, le cardinal de Richelieu. Mais il est en plus dans le camp de ceux qui lui sont hostiles.
        Qu’auraient fait tous les souverains et autres chef d’Etat à sa place, et notamment Louis XIV ? Ils auraient brisé tout velléité de carrière de cet adversaire potentiel, jaloux de garder pour eux-seuls leur pouvoir absolu.
        Qu’a fait Louis XIII ? Malgré ce contexte, il a partagé son pouvoir avec lui, il a élevé le cardinal au niveau le plus haut possible, un premier ministre d’une puissance qu’aucun autre avant lui avait obtenue. Tout cela pour le bien supérieur de la Patrie.
        Qui a eu cette élévation morale exceptionnelle, de mépriser sa propre vanité et de s’effacer partiellement pour le bien de la France ? Je crois que c’est unique dans notre Histoire.

      • Plus ‘grand’, c’est à dire plus sensationnel aux yeux du monde, non, bien sûr, Louis XIII détestait l’ostentation, l’éclat. Mais il a eu l’héroïsme de reconnaître la supériorité intellectuelle d’un homme qui lui était antipathique en lui confiant l’immense tâche de redresser le royaume affaibli par la régence de sa mère. Louis XIV avait hérité, sinon de sa modestie, de son courage, tant physique que moral.

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