[L’ÉTÉ BV] [CINÉMA] La Beauté du geste, Sho Miyake s’essaie au film de boxe

beauté du geste
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Cet article a été publié le 09/09/2023.

À l'occasion de l'été, BV vous propose de redécouvrir des films mis en avant lors de leur sortie au cinéma. Aujourd'hui, La beauté du geste, de Sho Miyake.

Alors que sa carrière de boxeuse est en train de décoller et qu’elle vient tout juste de passer professionnelle, Keiko envisage de tout arrêter. Sourde et pratiquement muette, la jeune femme souffre d’un isolement intérieur que même les routines du quotidien et la présence à ses côtés d’une équipe d’entraîneurs dévoués ne parviennent plus à compenser.

Ayant pris l’habitude de s’exprimer par ses poings, Keiko ne sait dorénavant comment extérioriser ses tourments lorsque son club se trouve menacé de fermeture et que le président de celui-ci, pour des raisons de santé, s’apprête à prendre sa retraite. Le temps des remises en question semble venu pour la jeune boxeuse qui comprend instinctivement qu’une page est en train de se tourner.

Le temps qui passe

Librement inspiré de l’autobiographie de Keiko Ogasawara, La Beauté du geste, de Sho Miyake, s’affiche comme un anti-Rocky, une synthèse revendiquée de Million Dollar Baby et du cinéma de Yasujirô Ozu, qui déjoue d’entrée de jeu les attentes du spectateur relatives au genre. Tourné en 16 mm dans une ambiance intimiste et volontiers contemplative, le film refuse net les clichés du film de boxe avec ascension fulgurante du personnage principal, dramaturgie épique, culte de la performance et dépassement de soi dans les dernières secondes d’un match attendu (téléphoné ?) depuis deux heures. « L'idéologie portée usuellement par les films de boxe mais plus généralement de sport, explique le cinéaste en interview, est que les efforts finissent toujours par porter leurs fruits, que si on se démène pour un objectif, on l'atteindra. J'ai tendance à penser que la vie est loin d'être aussi simple que ça, que ce "quand on veut, on peut" ne s'adapte pas à toutes les vies, à tous les parcours. »

Éloge de la relation professeur-élève

Trop lucide, en effet, pour servir ce genre de discours convenu et immature, Sho Miyake préfère mettre l’accent sur le temps qui passe, sur les engagements passés qui se heurtent aux contraintes du présent mais nous obligent malgré tout. À ce titre, la relation qui lie Keiko au président vieillissant du club de boxe est sans doute l’un des moteurs principaux du récit. Étant parvenus, au fil des ans, à se comprendre en communiquant essentiellement par les gestes, les deux partagent une belle intimité lors des entraînements sans que chacun ne devine véritablement l’état d’esprit de l’autre. De quoi frustrer notre héroïne pour qui le seul moyen d’expression, en définitive, se révèle faillible.

Éloge de la relation professeur-élève – société confucéenne oblige –, La Beauté du geste assume jusqu’au bout, et avec gravité, ce constat réaliste selon lequel la chute du premier peut aisément entraîner, par effet de domino, celle du second.

Sensible, touchant, le film de Miyake manque toutefois d’intensité. La faute à un scénario un peu sommaire, le refus du sensationnalisme et des codes de la dramaturgie ne constituant pas, en soi, un programme suffisant. Néanmoins, la caméra parvient à capter, çà et là, des expressions de visage, des regards, des moments d’une belle authenticité.

3 étoiles sur 5

https://youtu.be/KK7SDQeHtPc

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 22/07/2024 à 12:17.
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Pierre Marcellesi
Chroniqueur cinéma à BV, diplômé de l'Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA) et maîtrise de cinéma à l'Université de Paris Nanterre

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