Charles Gave : « Il faut sortir Bruxelles de l’Europe le plus vite possible »

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Comment éviter la faillite des entrepreneurs ?

En bon élève des Jésuites, je vais répondre par une autre question : qu’est ce qu’un entrepreneur, et là, la réponse est toute simple. C’est quelqu’un qui, dans un monde où tout le monde veut de la certitude, accepte de vivre dans l’incertitude la plus totale. Tout ce qu’il doit payer est certain - salaires, charges sociales, coût de l’énergie et des fournitures, impôts - et tout ce qu’il va toucher est incertain - ses ventes, en particulier, qui dépendent du bon vouloir de ses clients. La différence entre ses coûts certains et ses recettes incertaines s’appelle soit un profit soit une perte. Dans le cas de profits, l’État qui n’a pris aucun risque lui en prend une partie alors que, dans le cas de pertes, il doit tout seul remettre au pot. À l’évidence, en tout cas en France, l’entrepreneur est un masochiste qui prend tous les risques que la communauté ne veut pas prendre et qui se retrouve avec une marge brute d’exploitation qui est la moitié de ce qu’elle est en Grande-Bretagne ou en Allemagne, ce qui amène les entrepreneurs français à aller s’installer ailleurs. En 2001, quand je suis arrivé à Hong Kong, il y avait cinq mille Français et quand j’ai été m’inscrire au consulat, le consul m’a dit que jamais un entrepreneur français ne s’inscrivait tant il était effrayé d’avoir un contrôle fiscal en France. Deux ans après, d’ailleurs, j’en avais un. De façon générale, tous les entrepreneurs français considèrent que l’État et les administrations sont leurs ennemis et ils ont bien raison. Aujourd’hui, il y a 25.000 Français à Hong Kong, plus qu’il n’y a de Britanniques, la grande majorité étant des entrepreneurs, et la même chose se passe à New York, à Londres, à Miami, à San Francisco, à Moscou. Partout où je vais, je rencontre des Gaulois. La spécialité des élites françaises a toujours été de virer ses élites en commençant par les protestants sous Louis XIV, en suivant avec la Révolution où intellectuels et hommes d’affaires furent massacrés et les universités fermées, en continuant avec le personnel éducatif sous la Troisième République parce que catholique, en continuant avec les Juifs en 1940 et maintenant en condamnant à l’exil tous ceux qui ne veulent pas être fonctionnaires. Ce qu’il faut faire est pourtant tout simple et fort bien compris par Pompidou, qui disait à ses ministres : « Mais cessez d’emmerder les Français. » Que voilà un beau programme politique pour celui qui devra redresser la France dans les années qui viennent !

Comment éviter la faillite des entreprises ?

J’ai presque envie de dire comme le matheux de base : « Nous voilà ramenés au problème précédent », mais la vraie réponse est : en réformant l’État, qui ne mérite plus de majuscule. Dans les domaines dont l’État doit s’occuper - justice, police, armée, diplomatie -, c’est la misère la plus absolue et le désastre le plus total. Et dans les domaines dont l’État a cru devoir s’occuper - écoles (devenues des fabriques de crétins), hôpitaux (compte tenu de la crise actuelle, je passe), Sécurité sociale, retraites -, la situation est encore pire, et pourtant, nous n’avons jamais payé autant d’impôts. La question que tout citoyen devrait se poser est donc : mais que font-ils de notre pognon ? Pour donner une chance aux entrepreneurs et aux entreprises, il y a une chose et une seule à faire : faire baisser les coûts de l’État français qui est en train d’asphyxier notre pays, et donc leurs impôts.

Venons-en à la troisième question : qu’est ce que la situation actuelle nous dit de l’Union européenne ?

La réponse est simple. Une nation, comme le disait Renan, est une volonté de vivre ensemble. De cette volonté émerge un État chargé d’assurer la protection de la nation et à cet État, le peuple confère le monopole de la violence légitime. À cet effet, cet État prélève des impôts libellés dans la monnaie nationale. Et ces impôts sont votés par les représentants du peuple qui est le seul souverain.

L’Europe, comme nous sommes en train de le voir, ne nous protège ni contre les pandémies ni contre les Turcs ni contre une immigration devenue folle. Et nous savons tous que l’Europe n’est pas une nation mais une civilisation et que l’euro est un désastre total qui va faire sauter nos systèmes financiers. Si l’Europe ne nous protège pas, si elle nous ruine, j’aimerais savoir pourquoi nous avons abandonné nos souverainetés juridique, territoriale, fiscale et monétaire à des institutions qui nous détruisent ? Et de quel droit lèvent-ils des impôts puisqu’ils empruntent comme des fous et que l’emprunt n’est qu’un impôt différé qui pèsera sur nos enfants alors qu’ils ne les ont pas votés, n’étant pas nés. Il ne faut pas faire le Frexit mais le Bruxit, c’est-à-dire revenir à l’Europe d’avant Maastricht et détruire tout ce qui a été fait depuis. Il faut sortir Bruxelles de l’Europe le plus vite possible et revenir aux monnaies nationales dont les cours de change s’ajustent aux différences de productivité.

Que dit la situation actuelle de notre économie ?

Que ça va aller beaucoup plus mal. L’obèse qu’est l’État français accapare 56 % de notre PIB, ce qui veut dire que le secteur privé représente 44 % du PIB, un niveau très inférieur à… la Chine et l’un des plus bas du monde. Le tourisme représente 10 % de notre PIB, c’est-à-dire 22 % du PIB du secteur privé, et nous savons donc tous que le PIB du secteur privé va s’écrouler comme jamais dans notre histoire. Les recettes fiscales vont s’effondrer et les dépenses exploser quand des millions de chômeurs vont devoir être indemnisés.

La dette, en deux ans, va grimper à 130 % du PIB. Le poids de l’État va passer à 63 % ou 64 % du PIB et je ne connais pas d’exemple, dans l’Histoire, où un pays passe au-dessus de 60 % du PIB sans que le système ne s’écroule, la monnaie s’effondrant. Et elle s’effondre pour une raison toute simple : l’État va relâcher un pouvoir d’achat non gagné sans précédent dans l’Histoire dans notre économie et le secteur public ne produit rien pour l’exportation. Et, donc, notre balance commerciale va se creuser comme jamais en même temps que nos déficits budgétaires. Et cette combinaison est toujours létale pour une monnaie.

La conclusion est toute simple : nous rentrons à toute allure dans une période extraordinairement difficile et, comme Einstein, je crois qu’attendre de ceux qui ont créé le problème qu’ils le résolvent est une imbécillité logique.

Charles Gave
Charles Gave
Economiste

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