« Ce qui m’inquiète beaucoup c’est la tendance liberticide d’Emmanuel Macron ! »
Les mesures évoquées, lundi soir, par Emmanuel Macron pour sortir de la crise Covid comme l'extension du pass sanitaire et la vaccination obligatoire constituent-elles des entraves aux libertés fondamentales ?
Réponse de Maxime Thiébaut, docteur en droit public, au micro de Boulevard Voltaire.
Vous êtes docteur en droit public. Hier soir Emmanuel Macron a annoncé le plan de sortie de crise du Covid-19 qui passera par un pass sanitaire et une vaccination à terme obligatoire.
Première question d’ordre juridique, tout cela est-il légal et peut-il être légalisé ?
Beaucoup de questions se posent. Si on fait le constat, on remarque qu’il y a une obligation de fait à se faire vacciner. Les contraintes sur la vie quotidienne vont tellement être importantes par l’obligation de présenter un pass sanitaire pour aller au restaurant, dans les lieux de culture ou au cinéma que les gens vont forcément devoir se faire vacciner. Est-ce que cette contrainte qui relève davantage de la manœuvre cynique est illégale ? C’est difficile à dire. En l’état actuel, il faudrait voir comment le juge pourrait l’interpréter. En soi, il n’oblige pas la vaccination.
En revanche, il y a des atteintes importantes à la liberté d’aller et venir et des atteintes à la liberté de travailler puisque les responsables de restaurants et les salariés vont être dans l’obligation d’avoir un test sanitaire valide. On va rajouter des conditions à l’exercice de leur liberté de travailler. On peut avoir des moyens intéressants à soulever devant les juges.
Il va y avoir plusieurs phases. Dans l’état actuel de la législation, je pense qu’étendre le pass sanitaire aux lieux de culture et au cinéma peut être attaqué en référé devant le Conseil d’État. La loi actuelle ne parle que des grands rassemblements et non pas des salles de cinéma ou des lieux de culture. Je pense qu’en l’état actuel de la législation on pourrait peut-être avoir gain de cause.
Une fois la nouvelle législation passée, la question est de savoir comment le Conseil constitutionnel va apprécier ces mesures-là au regard de la liberté d’aller et venir et au regard des différentes libertés que j’ai mentionnées tout à l’heure.
Les forces de l’ordre ne sont jusqu’à preuve du contraire pas concernées par ces mesures coercitives de vaccination. Comment peut-on interpréter cette décision pour le moins surprenante ? Les forces de l’ordre sont tout de même confrontées à la population au quotidien.
J’évite de voir du cynisme dans toutes les actions de notre président de la République, même s’il fait preuve d’un certain intérêt pour le mensonge depuis quelque temps. Il nous avait annoncé qu’il n’y aurait pas de vaccination obligatoire en décembre et là il nous oblige à nous faire vacciner. Je pense qu’il ne veut pas rajouter de l’huile sur le feu, alors que la contestation populaire est très importante face à cette obligation vaccinale. Les policiers et les gendarmes seront obligés de se faire vacciner parce qu’ils ne vont pas aller faire un test PCR tous les trois jours.
Les lieux de cultes sont aussi épargnés par ces obligations. Comment peut-on interpréter cela ? Est-ce suite aux différentes requêtes vis-à-vis des manifestants pour le retour de la messe ?
Pourquoi les lieux de culte ne sont-ils pas concernés ? Lorsque les lieux de culte rassemblent 500 personnes, c’est comme une salle de cinéma. Tout cela est de la littérature puisqu’à partir du moment où on sera dans l’obligation d’avoir un pass sanitaire pour prendre le train, les gens ne vont pas réfléchir et se feront vacciner. C’est là que réside tout le problème.
Pourquoi est-on allé jusqu’à l’obligation vaccinale, alors que le simple fait de vacciner les personnes âgées et vulnérables suffit à enrayer les cas d’hospitalisation graves ?
Au Royaume-Uni, le seul fait que les personnes vulnérables et les personnes âgées soient vaccinées permet d’empêcher les hospitalisations.
Que le taux d’incidence soit élevé, ce n’est pas grave. L’objectif sanitaire n’est pas d’empêcher que les gens soient malades, mais c’est d’empêcher qu’il y ait une saturation des hôpitaux et des lits de réanimation.
C’est la stratégie qui a été mise en place depuis le début, mais force est de constater que nous avons changé de stratégie…
Au début la stratégie était de faire attention à la saturation des lits d’hôpitaux. On pouvait l’entendre. Après, on est passé sur un taux d’incidence, cet indicateur qui veut tout et rien dire.
Lorsqu’on n’avait pas de vaccination, les personnes âgées et les personnes vulnérables qui attrapaient le Covid allaient souvent à l’hôpital et pouvaient aller en réanimation. Dans l’absolu, on pouvait comprendre certaines mesures de restrictions. En revanche, depuis que la vaccination existe, il suffit de faire preuve de pédagogie et d’encourager les gens qui sont dans des situations de santé fragile d’aller se faire vacciner pour que la situation se rétablisse.
Les Britanniques ne sont pas allés si loin dans la vaccination obligatoire parce qu’ils se sont rendus compte que le variant Delta n’entraînait pas une augmentation des hospitalisations. Les trois quarts des pays d’Europe ne veulent pas d’une vaccination obligatoire parce qu’ils font preuve de pédagogie.
Ce qui m’inquiète beaucoup c’est la tendance liberticide d’Emmanuel Macron. J’aimerais savoir à quels intérêts il répond.
En d’autres termes, soit c’est idiot, soit c’est de la sur réaction, soit c’est d’un cynisme absolument incroyable…
J’essaie toujours de raisonner en me disant que nos gouvernants n’agissent que dans l’intérêt général. Je me dis qu’ils ne peuvent pas servir les entreprises pharmaceutiques ou des intérêts qui ne seraient pas ceux de la nation, mais quand je remarque qu’ils vont contraindre des gens à se faire vacciner, alors qu’ils sont en bonne santé et que leur vaccination n’aura aucune incidence sur le nombre d’hospitalisations, je me pose de sérieuses questions !
De vrais combats juridiques seront menés d’abord devant le Conseil constitutionnel au regard de la prochaine loi. Un référé sera peut-être déposé devant le Conseil d’État, si le pass sanitaire est au regard de la loi actuelle, étendu à d’autres lieux. L’ordonnance qui a été rendue en référé du Conseil d’État la semaine dernière est très claire. Les actes de la vie quotidienne ne peuvent pas être concernés par le pass sanitaire, car cela reviendrait à venir priver les gens de leurs libertés d’aller et venir. Le Conseil constitutionnel appréciera-t-il qu’il y ait une atteinte à la liberté d’aller et venir ? En ce cas, on aura une censure partielle de la loi.
Ce pass sanitaire est peut-être instauré pour une durée de quelques mois. Il va s’installer dans le temps et les gens vont s’accoutumer à ces restrictions. Il y a une accoutumance qui se fait aux restrictions et à l’état d’urgence. Les Français vont s’installer dans une logique qui fait qu’aujourd’hui on va les obliger à avoir un pass sanitaire, ils vont être vaccinés et chaque année on leur demandera de faire un rappel pour renouveler leur pass sanitaire et la vie va continuer comme cela. Ce sont des entraves manifestes à la liberté d’aller et venir et aux libertés fondamentales. Et là, on sera marqué au fer rouge.
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