Le match de ce week-end, à Péronne, opposait Damien Rieu à Éric Dupond-Moretti. Le ministre aurait perdu le pugilat, selon Twitter, tant le garde des Sceaux a été renvoyé dans les cordes et s’est révélé incapable de s’imposer dans ce concours d’invectives sans arbitre. Il faut dire, à sa décharge, qu’il venait de disputer une autre rencontre en lever de rideau avec François Ruffin, Bien sûr, Twitter n’est pas unanime et le ministre peut compter sur des zélateurs pour tenter de le défendre. La presse semble minimiser la défaite et dénonce la manipulation d’une vidéo à charge suite à un montage sélectif. Mais renvoyer le ministre à son piètre bilan, à ses choix discutables, à sa vision d’une justice trop douce aux délinquants et indifférente aux victimes et aux forces de l’ordre est de bonne guerre. Souhaitons qu’Emmanuel Macron paie le prix de ses déplorables erreurs de casting pour la place Vendôme et ailleurs.

Il y a, cependant, un argument qui mérite un carton jaune. L’arbitrage vidéo est formel : Damien Rieu a reproché à son adversaire d’avoir défendu Abdelkader Merah, le frère de Mohammed, le tueur de l’école Ozar-Hatorah et de trois jeunes militaires. Et jamais l’on ne devrait associer un avocat aux crimes et turpitudes de ses clients. Jamais.

Le droit d’avoir un procès équitable concerne presque tout le monde : les criminels, les délinquants et les innocents qui sont parfois embringués sur un banc des accusés à tort (ça existe). Les seules exceptions sont les combattants réguliers ennemis en cas de guerre et les fous qui n’ont pas à être jugés. Tous ont besoin d’un avocat, ce médiateur entre eux et l’appareil de la Justice, trop complexe pour le commun des mortels. La loyauté de l’avocat doit s’exercer envers son seul client et son objectif n’est pas un verdict équitable mais seulement favorable à son client. Il peut user du fond ou de la forme pour y parvenir, ainsi que du secret professionnel et c’est très bien ainsi. Le droit à un procès équitable dépend de son indépendance, et elle n’existe plus quand est imputée à un avocat une complicité réelle ou supposée avec son client.

Bien sûr, l’avocat peut être militant. Chrétien Guillaume de Lamoignon de Malesherbes a tenté de sauver la tête de Louis XVI et y a perdu la sienne. Défendre le général Salan pour Jean-Louis Tixier-Vignancour était aussi un acte militant. Jacques Vergès a défendu Carlos (et aussi, paradoxalement, Klaus Barbie). Caroline Mecary, chantre du progressisme sociétal, ne se cache pas de traiter dans son cabinet des affaires en rapport avec ses convictions. Et dans un pays où la pensée est (encore ?) libre, Éric Dupond-Moretti peut dire légitimement que défendre le frère du terroriste Merah est un honneur. Il aura raison de s’indigner des insultes et menaces reçues pour cela. Dès lors qu’un procès est tenu, un avocat doit défendre loyalement le prévenu, même si ses actes paraissent indéfendables. Faire l’économie de l’avocat, c’est retomber au niveau de barbarie du tribunal révolutionnaire sous la Terreur.

Des avocats moins sensibles aux coups médiatiques tiqueront sur le mot « honneur » et préféreront parler plus sobrement de « devoir ». Ils ont sans doute raison.

Il y aurait une autre solution pour les terroristes, principalement islamiques aujourd’hui, ainsi que leurs complices et les promoteurs de leur idéologie. Puisque nous sommes en guerre contre eux, les considérer comme des prisonniers de guerre qui ne peuvent prétendre à la protection des conventions internationales, ainsi que je l’exposais ici. Je doute, malheureusement, que le garde des Sceaux partage mon avis, et tant que les terroristes relèveront, hélas, du droit commun, il faut qu’ils bénéficient d’un avocat loyal à leurs intérêts. Pas pour eux, mais pour préserver le droit à un procès équitable.

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15 juin 2021 à 8:28

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