Il aura fallu plus de trente ans : le 28 avril, la brigade antiterroriste de Paris a arrêté sept ex-membres des Brigades rouges et autres terroristes d’extrême gauche qui s’étaient réfugiés en France. Jeudi, deux autres se sont rendus à la Justice.

Court rappel historique de cette période qui a profondément marqué l’histoire de l’Italie et qui constitue une plaie jamais vraiment refermée, tant sont nombreuses les familles qui ont eu à souffrir, dans leurs chairs, de ce terrorisme d’extrême gauche.

Les différentes factions terroristes des Brigades rouges sont apparues à la fin des années 60, à la faveur des manifestations étudiantes et des grandes grèves ouvrières. Pour beaucoup, ce sont des scissions du Parti communiste italien à qui il est reproché d’avoir abandonné la lutte armée des partisans. Au total, ce seront des dizaines d’assassinats, d’enlèvements et de violences - méthodes mafieuses - qui seront perpétrés contre des serviteurs de l’État, magistrats, policiers, mais aussi hommes politiques, journalistes, patrons. L’affaire la plus retentissante fut sans nul doute, en 1978, l’enlèvement et l’assassinat d’Aldo Moro, chef du parti de la Démocratie chrétienne, retrouvé dans le coffre d’une voiture après 55 jours de captivité. C’est à cette occasion que le général Dalla Chiesa, futur héros et martyr de l’anti-mafia, prendra la tête de l’antiterrorisme italien. Les années 70-80, dites années de plomb, ont ainsi marqué durablement la société italienne.

Et pourtant, comme le rappelle Giorgio Gandola dans le quotidien La Verità, toute la gauche intellectuelle italienne avait les yeux de Chimène pour les terroristes, nimbés d’un romantisme fantasmagorique, quand ils n’étaient que des meurtriers de magistrats ou de policiers, cette gauche qui, aujourd’hui, est faite de « noms connus, de politiciens de premier plan, d’intellectuels qui dissertent d’inclusion et de démocratie ».

En France, ce sont donc dix des quelque deux cents « brigadistes » réclamés par l’Italie qui seront extradés. Mais pas avant de longs mois, voire des années : examens des demandes d’extradition, procédures, appels prendront du temps, près de quarante ans après les faits.

À Paris comme à Rome, on se félicite de cette preuve d’amitié entre Mario Draghi et Emmanuel Macron, à gauche comme à droite, dans une sorte d’euphorie surjouée, à vrai dire un peu factice.

Car c’est oublier à peu de frais que ces demandes d’extradition de terroristes sur la tête desquels pèsent des condamnations allant de 11 ans de réclusion à la prison à perpétuité (c’est dire la gravité de leurs crimes) ont été mises aux oubliettes par les gouvernements français successifs pendant des décennies. En 2019, lors de l’extradition de Cesare Battisti vers l’Italie, ce « petit cadeau de Bolsonaro à Salvini », comme l’écrivait Le Figaro, Matteo Salvini avait relancé ce parcours aux mille obstacles, vis-à-vis de la France.

Celle-ci, toujours à cette fameuse, et fumeuse, doctrine Mitterrand qui voulait que la patrie des droits de l’homme soit celle des terroristes d’extrême gauche pour peu que ceux-ci s’abstiennent de recommencer sur le territoire national, avait toujours refusé : « Il s’agit d’héberger ceux qui ont rompu avec la machine infernale, le proclament et ont abordé une seconde phase de leur vie », déclarait Mitterrand, en 1985, au congrès de la Ligue des droits de l’homme. Aujourd’hui, c’est Jean-Luc Mélenchon, qui ne sait plus comment regagner la faveur populaire, qui supplie Emmanuel Macron de ne pas extrader les brigadistes. Au mépris de toute décision de justice.

Même Nicolas Sarkozy, sous l’influence de Carla Bruni et de sa sœur Valeria Bruni Tedeschi, avait refusé in extremis l’extradition, en 2008, de Marina Petrella, défendue entre autres par Mgr Gaillot et la Ligue des droits de l’homme. Celle-ci avait fui en France après sa condamnation à perpétuité en 1992 : chez nous, elle avait repris des études et travaillait comme assistante sociale. Elle avait été reconnue coupable du meurtre d’un général et d’un commissaire de police, de la séquestration d’un magistrat et de quatre autres agressions.

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30 avril 2021 à 10:56

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