Boucheries artisanales : nos petits commerces à la peine

boucherie

En 1790, Étienne Paris ouvre une boucherie à Dole (Jura). 233 ans et sept générations plus tard, son descendant Claude Paris ferme l’entreprise familiale. Non par manque de chalands, les Dolois allaient en toute confiance et avec gourmandise « Chez Paris » acheter bavette et joue de bœuf. C’est qu’aucun des quatre fils de Claude Paris n’a voulu reprendre le flambeau. Nul repreneur ne s’est présenté. Liquidation judiciaire des deux commerces et du laboratoire, licenciement du personnel. Fin de l’histoire.

Claude Paris explique au Parisien : « Plus que des commerçants, nous étions des artisans, des fabricants qui ne vendaient que leurs produits. C’est un savoir-faire qui s’est transmis sur plusieurs générations. » Et de préciser : « Ce n’était pas un métier où il fallait compter ses heures. » La pierre d’achoppement est là : la pénibilité, rédhibitoire pour les jeunes.

Nous avons interrogé Odon, 28 ans, en reconversion professionnelle en première année de brevet professionnel de boucher. Il ne nie pas les difficultés : la force physique nécessaire à la manipulation des carcasses, le froid du laboratoire (en dessous de 12°), les horaires. Un salarié embauche à 6 h 30, termine à 20 heures, avec une coupure légale rarement respectée. Les horaires du patron sont encore plus amples. Il y a enfin le travail le dimanche matin, qui se généralise, et le lundi de moins en moins fermé. Des contraintes bien réelles qui ne rendent pas le métier attrayant.

Nos commerces, de vraies institutions locales

La fin de cette lignée bouchère de Dole, pluricentenaire, s’ajoute à des fermetures moins « historiques » mais tout aussi inquiétantes par leur nombre. Il n’y a qu’à glaner, on a fermé ces derniers mois à Charleville-Mézières, Laon, Sedan, Labourse… ou encore à Saint-Affrique où la boucherie Nègre (ça ne s’invente pas) a fermé en juin : « Une institution baisse le rideau », écrit Le Progrès. Car nos commerces font partie de la structure sociale d’un village ou d’une petite ville, sous-préfectures incluses. Leur disparition transforme nos communes en villes fantômes. « Après la Poste et une banque, c'est au tour de la boucherie de fermer dans le centre de Trégastel », constatait actu.fr, en mars dernier.

Présence du halal

On compte officiellement 18.000 « boucheries artisanales » en France. Faut-il y comprendre les boucheries halal ? Mystère et opacité. Le site de la Confédération française de la boucherie, boucherie-charcuterie, traiteurs (CFBCT) ne connaît pas ce mot.

En l’absence de chiffre, relevons que « la viande domine historiquement le marché français du halal » et que ce marché est « en croissance soutenue ». Notre apprenti boucher, Odon, explique à BV : « Dans les grandes villes, les boucheries halal fonctionnent bien parce qu’elles ont leur clientèle, du fait de l’immigration. » Une question de coût, moins connue du grand public, joue aussi son rôle : « Leur succès économique tient surtout au fait qu’un boucher halal détaille moins, il "épluche" moins la viande, pour employer un terme du métier. Le travail en amont étant beaucoup plus simple, sa marge est plus importante, le produit moins coûteux. »

Il y a à cela une dimension culturelle, selon Odon : « La viande halal, ce sont des morceaux bruts, avec os, destinés à des plats mijotés. La clientèle française veut une viande prête et des morceaux spécifiques pour telle ou telle recette, même si le steack haché tend peu à peu à appauvrir la demande : les morceaux pour le bœuf bourguignon sont moins en vogue. »

Alors, pour assurer la survie d’une boucherie, la solution serait-elle de la convertir à l’islam ? À Vannes, se félicite Le Télégramme, « la boucherie du centre commercial de Kercado est 100 % halal. C'est le choix de Rémy Bertho, désormais associé à Yasar Cosyigit pour faire décoller son commerce en perte de vitesse ! »

Face à la raréfaction prévisible de nos boucheries traditionnelles au profit du halal, le Français de souche réfractaire n’aura qu’à se tourner vers… Amazon. Il peut d’ores et déjà y commander une entrecôte de bœuf origine France, 380 grammes, avec livraison annoncée pour dans cinq jours. On touche à l’absurde, qui semble constitutif du monde de demain.

Samuel Martin
Samuel Martin
Journaliste

Vos commentaires

20 commentaires

  1. Au cours des 50 dernières années, la liquidation des petits commerces des centres-vill(ag)es à été sciemment organisée au profit des grands groupes de distribution. Ça a commencé avec la fermeture des cafés, bars et autres estaminets avec les campagnes massives contre l’alcool au volant et ses slogans hypnotiques. Le but était de diminuer la mortalité routière. Ça a marché, le bilan passant de 15.469 tués en 1973 à 3.267 en 2022, soit près de 80% de baisse.
    Puis les autres commerces ont suivis, dans l’ordre décroissant des contraintes professionnelles. Dans les petits villages, les municipalités organisent et financent désormais la réimplantation d’un petit commerçant associant généralement le café, la presse, le dépôt de pain et quelques autres produits de première nécessité. Cette politique permet de conserver une étincelle de vie dans des campagnes qui disparaîtrait autrement.
    Et le comble est la mise en danger de grandes enseignes (je pense à Casino) par les monstres tentaculaires de la vente en ligne, grands bénéficiaires de cette casse.

  2. Vous semblez découvrir la Lune. Dans la vaste entreprise de démolition organisée par nos gouvernants, le petit commerce en général occupe une place de choix. Après l’industrie et l’agriculture sinistrées, la voie sera grand ouverte aux importations subventionnées. Ex. : les volailles ukrainiennes, exemptées de droits de douane. Un problème mis sous le tapis : avec quoi les Français au chômage paieront-ils leur nourriture?

  3. L’ère du fossoyeur Macron et sa clique . Il avait dit, il me semble que la France n’avait pas d’histoire , elle ne va plus en avoir au rythme ou on ferme ces institutions bouchères vieilles de plusieurs siècles ! Parce que cela fait partie de notre patrimoine et il est vivant celui ci par le savoir faire transmis ! C’est comme si on détruisait un beau château ou une église romane !

  4. Ce qui fera l’affaire du véganisme et autres brouteurs de gazon écolos compris ainsi que du halal qui voit affluer une clientèle qui lui sera bientôt soumise , pas besoin de la forcer elle vient toute seule ,on y va doucement mais surement

  5. La fermeture de ces boucheries traditionnelles est inquiétante et est le résultat de plusieurs facteurs. Bac et diplômes donnés à tous : qui veut faire un métier pénible quand on peut vivoter dans un bureau ? Le fils du boucher reprenait l’affaire familiale, c’est fini ! Les mêmes qui pleurent sur la fermeture de la boucherie quand ils veulent une bonne terrine ou un morceau d’exception, vont acheter leur viande bas de gamme au supermarché, parce que mois chère, au mépris de la qualité, du moded’abattage. Le halal devrait être interdit parce qu’il ne respecte pas l’animal et renfloue la caisse du culte. Comme c’est moins cher, il y a même des non musulmans qui y vont, les traitres ! Avec la fermeture de ces boucheries, c’est tout un savoir-faire qui se perd. Les végans et autres obsédés du climat n’ont pas aidé…

  6. Avant il y avait une boucherie dans chaque quartier, maintenant il y a un supermarché dans chaque quartier.

  7. Continuez d’aller chez Leclerc, Auchan, Lidl et les autres, et vous aurez accompli les actes de destruction les plus efficaces. Ces gens là sont comme l’islam, ils s’infiltrent doucement, jusqu’au jour ou ils seront les maitres et feront leur politique sans que personne ne puisse les contrer.

  8. Vous oubliez le rôle des abattoirs, où pour être « hallal » l’animal doit être sacrifiée par un musulman, d’où la discrimination à l’embauche dont personne ne parle et la souffrance animale, dont les écolos et autres asso protectrices du bien-être animal ne vous parlerons pas !

  9. Ce n’est pas étonnant que ces métiers difficiles ne trouvent plus de vocation!
    Aujourd’hui beaucoup de jeunes pensent à la retraite avant de travailler!
    où est-il le courage de nos Anciens qui travaillaient dur pour gagner parfois un salaire de misère?

  10. « La France n’a pas de culture », qui disait l’autre avant de parler de son futur au Kazakhstan.
    Même sa culture culinaire la France la perd, grâce à, ou à cause de la facilité, de la mal-boufe, de Ronald McDonald’s responsable de générations d’obéses.
    Ou du tout végétarien, pire du vegan, et du halal bien sûr, Sandrine Rousseau vantant le couscous pour le réveillon de Noël.
    Lyon, capitale mondiale de la gastronomie risque bien d’y perdre sa couronne.

  11. Bon, il est vrai que quand le client arrive devant l’étal du boucher, celui-ci a déjà de longues heures de travail derrière lui. Ceci étant dit, il faut aussi se rendre compte que des générations de bouchers, ont fait ça toute leur vie, j’en ai connu et qui ne prenaient pas ça comme une « galère », c’était des gens travailleurs, qui s’épanouissaient dans leur métier et au contact des clients, ne pensaient pas uniquement aux vacances et ne regardaient pas leur montre cent fois par jour. Je pense que petit à petit, nous avons perdu le gout à l’effort. Autrefois, le boucher charcutier achetait les bêtes chez le paysan, la plupart faisaient l’abattage eux même ect.. Maintenant, ils téléphonent au grossiste qui leur livre la viande en quartiers, voire prête à être commercialisée s’ils le désirent.

  12. Ma boucherie de province est parfaite; viande locale, provenances connues et même affichées. Plats préparés en son laboratoire. Quand on parle du poulet ukrainien à pas cher, vendu libéré par l’UE de droits de douane, le boucher dit : « Jamais! » La saleté se retrouvera dans les supermarchés pour masquer autant que possible la baisse constante et rapide du pouvoir d’achat. L’artisan boucher n’en deviendra que plus intéressant. Mais à nous de changer intelligemment nos habitudes: manger moins, mais mieux (de toutes façons, s’enviander trois fois par jour est incompatible avec un élevage de qualité).

    • Vous laisseriez entendre que la viande vendue en super marchés serait de la saleté. Un peu de modération ne ferait pas de mal, il y a de tout comme qualité, au super marché, comme chez l’artisan boucher, souvent, il n’y a que la présentation qui change, pour faire plus produit de « terroir ».

  13. C’est malheureusement le sort de tous nos artisans face à une concurrence déloyale et qui croulent sous les taxes . La faute à l’UE et aux élus .

    • Et aussi aux Français qui achètent dans les grandes surfaces ou sur internet, triste est de constater le déclin de notre savoir-faire français

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