Black-out électrique ibérique : l’étau se resserre autour des renouvelables

Si les raisons définitives du black-out électrique qui a plongé la péninsule Ibérique dans le noir durant près de 24 heures, les 28 et 29 avril, ne sont pas arrêtées, les données disponibles permettent d’avancer des hypothèses plausibles. Elles posent notamment certaines questions quant à la faisabilité technique d’une transition énergétique européenne faisant appel à de plus en plus de sources renouvelables intermittentes (éolien et solaire) et de moins en moins de sources pilotables (nucléaire, hydroélectricité et gaz). Rappelons tout d’abord quelques principes techniques de base.
L’électricité du réseau est du courant alternatif circulant à une fréquence extrêmement précise de 50 Hz à ± 0,2 %. Cette fréquence témoigne de l’équilibre production/consommation qui doit être assuré à chaque seconde : s’il y a plus de demande que d’offre, la fréquence baisse ; a contrario, si l’offre est supérieure à la demande, la fréquence augmente.
Ce courant alternatif peut être fourni directement par des machines tournantes (aussi appelées « alternateurs ») opérant dans toutes les centrales classiques (charbon, fioul, gaz, nucléaire, hydroélectricité) mais aussi à partir de certaines éoliennes récentes. Tournant à la même vitesse que la fréquence du réseau, ces machines dites « synchrones » permettent, seconde après seconde, de garder un équilibre entre ce qui est produit et ce qui est consommé. En revanche, une centrale solaire (mais aussi la plupart des éoliennes aujourd’hui en service) fournit du courant continu qui, pour être injecté dans le réseau, doit être transformé en courant alternatif à l’aide d’onduleurs. Contrairement aux machines tournantes synchrones, les onduleurs n’ont pas la capacité de stabiliser le réseau.
L'énergie renouvelable augmente le risque
Rappelons enfin que, étant intermittente (on ne sait jamais à l’avance « ni quand, ni où, ni combien »), l’électricité renouvelable est injectée en priorité dans le réseau. En conséquence, en fonction de la météo, on demande à une partie des machines tournantes synchrones (notamment le nucléaire en France) de s’effacer pour faire place au solaire et à l’éolien.
À ce sujet — Panne d’électricité géante : le grand vertige
Autant les intermittences sont souvent mises en évidence pour concurrencer les renouvelables, autant, en revanche, la nature continue de leur électricité est rarement débattue. Tant que la proportion d’énergies non renouvelables (ENR) reste faible (ce qui a été le cas jusque récemment), le réseau pouvait être stabilisé par les machines tournantes synchrones restées dominantes. Cependant, l’accroissement de la proportion d’ENR au-delà d’un certain seuil peut rendre la situation beaucoup plus risquée. C’est ce qui semble être arrivé en Espagne et au Portugal, la semaine dernière.
Le lundi 28 avril était une journée particulièrement ensoleillée, dans la péninsule Ibérique. Durant la matinée, la production solaire s’est accrue exponentiellement pour atteindre, vers midi, 60 % de la demande, à laquelle s’est rajouté 12 % d’éolien. Au moment du black-out, 72 % de la production provenait donc de sources intermittentes continues. Pour faire place à cet afflux de renouvelables, une grande partie des machines tournantes synchrones (principalement gaz et hydro en Espagne) avaient été arrêtées.
L’Europe entière aurait pu être plongée dans le noir
Pour des raisons qui n’ont pas encore été élucidées (il se peut — mais ce n’est pas prouvé — que ces instabilités soient dues à un excès instantané de solaire), à 12h32, la puissance du réseau ibérique a commencé à fluctuer violemment, entraînant une sortie de la plage de fréquence critique. En quelques secondes l’éolien et le solaire ont été arrêtés et 15 GW de puissance ont été instantanément perdus. La majorité des machines tournantes espagnoles ayant été stoppées pour faire place au solaire, la seule issue pour la péninsule était de faire appel à la solidarité française (seule frontière interconnectée au réseau européen). Mais, sous peine de voir son réseau également s’effondrer, l’Hexagone n’a pas été capable de répondre à une telle demande. Le problème aurait alors pu se reporter de pays en pays et plonger l’Europe entière dans le noir.
Il aura fallu presque 24 heures pour rétablir le courant, et ce, grâce au gaz et à l’hydroélectricité (merci à eux !), seuls capables de ramener la fréquence de 50 Hz. Imaginons un mix 100 % ENR : sans machines tournantes, il aurait été impossible de rétablir le courant.
Le Pacte vert européen reposant sur un accroissement inconsidéré des renouvelables intermittents et continus (42,5 % à l’horizon 2030, l’éolien est multiplié par 2 et le solaire par 5 dans la PPE3 !), des situations semblables au black-out ibérique risquent de se multiplier. Comme l’alcool, les ENR doivent donc se consommer avec modération, ce qui n’est manifestement pas l’avis des « ronds de cuir » bruxellois largement contaminés par l’Energiewende allemande et sa politique historique antinucléaire à laquelle les Espagnols ont stupidement adhéré. Ce black-out est aussi un pied de nez à ceux (Espagnols et Portugais) qui ont souhaité s’extraire du marché européen de l’électricité quand les prix du gaz étaient élevés. On ne peut en même temps se désolidariser des autres pour un temps puis crier au secours quand ça se passe mal.
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65 commentaires
Que les escrologistes brassent de l’air ( ils savent le faire parfaitement ) pour souffler sur leurs merveilleuses éoliennes .
La faute au 50 hz !! Nos électriciens on oublié le mot « synchrone »??
Mais les ronds-de-cuir de Bruxelles et les imbéciles qui les dirigent comprendront-ils ? C’est loin d’être sûr aussi, par prudence, et pour palier les risques principaux, en particulier le contenu des congélateurs, equipez-vous d’un petit générateur à essence.
Toute transformation de l’électricité se traduit par une perte de rendement. Le courant continu est mortel au dessus de 48 V et entraîne des pertes en ligne. C’est Tesla le premier qui eut l’idée d’acheminer du courant alternatif pour répondre aux besoins grandissants en électricité. Aujourd’hui, on a l’impression d’un retour en arrière alors que les lois de la physique restent inchangées. Si l’onduleur est adapté aux faibles puissances, il montre vite ses limites dès qu’il dépasse son seuil de tolérance.
Merci pour ces explications techniques. C’est ce qui manque toujours aux discours de politiques publiques nous concernant. Je n’aurais jamais imaginé cette différence continu/alternatif dans les moyens de production, et à fortiori le système de régulation et les différents impacts. En plus votre explication est très claire, et ça, c’est exceptionnel.
Merci pour cette très intéressante mise au point. A diffuser un max avec une priorité aux « décideurs » bruxellois. Pour ce qui est des « écolos » on peut aussi mais il est à craindre que leur carapace idéologique ne les isole des réalités relevant seulement de la Physique…
Problème, comment insérer des énergies renouvelables à la production variable dans un réseau énergétique qui nécessite une régulation forte ?
Dès que le poids relatif devient trop important, il faut des dérivatifs en plus des faibles capacités à mettre en réserve ces énergies…
Une solution sûrement critiquable mais moins que les risques de chute totale du système, une utilisation variable. Il peut être envisagé des systèmes de désalinisation de l’eau, l’Espagne (et nous aussi en certaines régions), de usines de production d’hydrogène !
Si vous voyez d’autres solutions ???
A.Einstein disait: » Si vous n’êtes pas capable d’expliquer un concept à un enfant de quatre ans, c’est que vous ne l’avez pas compris vous-même. »
La réalité tient en peu de mots: la panne est bien due au déficit brutal des « énergies renouvelables ».
Et il ne s’agit pas, pour le solaire, de fréquence glissantes.
Ce sont des onduleurs qui fabriquent le courant alternatif 50 périodes à partir du courant continu fourni par les panneaux. Et cette fréquence ne varie pas, mais l’intensité du courant, si!
Plus de soleil ni de vent, alors plus de VOLTS/AMPÈRES à placer sur le réseau. Panne!
La totalité du réseau étant mise hors service, par sécurité, il faut plusieurs jours pour resynchroniser tout ce petit monde besogneux. Les formes d’énergie « permanentes »: hydraulique, Nucléaire à vapeur surchauffée, centrales à gaz, à charbon ou à fuel , fabriquent l’électricité en courant alternatif par des « ALTERNATEURS » tournants synchrones qui, comme le nom l’indique, envoient directement le courant alternatif à très haute tension sur le réseau. Ce sont les transformateurs situés à proximité des lieux de consommation, qui abaissent la tension livrée de 10.000, 80.000, voire 200.000 ou 600.000 volts jusqu’ aux 220-230 volts domestiques.
En cas de perte de ressources, c’est cette tension de sortie qui baisse d’abord, avant la coupure.
J’en étais resté à P=UxI! J’ignorais et ne comprends toujours pas bien l’influence de la fréquence dans cette affaire. Vous me rassurez, même si on es pas là pour un cours de physique détaillé.
La comparaison avec l’alcool (modération) est excellente. C’est, en effet très comparable.
Comme à l’habitude il faut que la catastrophe soit à notre porte pour réagir. ( du moins on peut l’espérer) Voir ce qui a été fait à propos du nucléaire
Quand un raciste se noie, il ne commence pas à étudier la couleur de peau du sauveteur…