Petit rappel : lundi dernier, c’était la Journée internationale des droits des femmes. Des fois que cela vous ait échappé... L’idée générale – enfin, on imagine –, c’est que les femmes, partout dans le monde, aient les mêmes droits que les hommes. Ni plus, ni moins. Du moins pour l’instant. Les mêmes droits, la même considération, le même respect, ce qui, si on allait au bout du raisonnement, devrait reléguer toutes ces bizarreries désuètes comme la galanterie, les bonnes manières (notamment celle de céder la place dans l’autobus à une « dame »), au musée du sexisme.

En politique, c’est pareil. « Me poseriez-vous cette question, si j’étais un homme ? » Combien de fois a-t-on entendu cette question dans la bouche d’une femme politique ? Ségolène Royal y était abonnée au temps de sa splendeur. C’est donc Brice Toussaint qui s’est collé au rôle du mufle de service, jeudi soir, sur BFM TV, en posant à Marine Le Pen la question « spéciale femme » : « Est-ce que vous entrerez seule à l’Élysée, d’ailleurs, Marine Le Pen, si vous êtes élue ? Ou c’est un couple qui entre ? » Façon détournée et un peu relou de lui demander si elle a « quelqu’un dans sa vie », comme on dit aujourd’hui. On va dire que la question n’était pas bien méchante, qu’une petite pose pipole dans une interview sérieuse ne fait pas de mal, qu’il faut fendre un peu l’armure et tout ça. Au fond, cela peut même aider.

Regardez Emmanuel Macron : dès 2016, on savait que s’il devait entrer à l’Élysée, ce serait avec Brigitte, photographiée sous toutes les coutures. À peine élu, il nous avait inventé une sorte de charte de la première dame, ne pouvant lui attribuer une liste civile comme on le fait dans toute bonne monarchie qui se respecte. Et lorsque le Président entre dans la cour des Invalides pour présider la pompe funèbre républicaine, c’est avec son épouse, bras dessus, bras dessous ou la main dans la main. Car faut bien comprendre un truc : « Je pense que les Français ont besoin d’avoir un couple à leur tête. Alors, je sais que c’est politiquement incorrect de dire cela, mais je crois que l’explication est quasi freudienne. On est un peuple romanesque, romantique, et qui aime avoir un couple à sa tête. » Femme actuelle ? Non, Marlène Schiappa, hagiographe présidentielle à ses heures, c’est-à-dire souvent. (Punaise, un jour, faudra faire un recueil de tout ça, ce serait dommage que cela échappe à la postérité !)

Et puis, en France, explique Maxime Switek, l’acolyte de Brice Toussaint, « on a l’habitude de voir arriver des couples à l’Élysée ». Entre nous, quel conformisme bourgeois ! Et des « trouples », on pourrait pas tenter, aussi, histoire de casser les codes ? Cela dit, toujours entre nous, on avait presque pris l’habitude de voir arriver à l’Élysée un Président accompagné d’une compagne et de repartir avec une autre. Deux fois, c’est déjà une habitude, à défaut d’une tradition, non ?

Tout ça pour dire que la question de Brice Toussaint n’était peut-être pas si incongrue. En tout cas dans ce contexte de peopolisation de la vie politique française, allant parfois de pair avec la politisation de la vie des people. Oui, mais voilà : et si Marine Le Pen ne voulait pas entrer dans ce jeu. Un jeu dans lequel les politiques sont tombés depuis quelques décennies. Par devoir, parce qu’on leur a dit qu’il fallait faire comme ça. Par résignation. Par plaisance ou complaisance. Et le Brice Toussaint de se prendre un petit râteau de la présidente du Rassemblement national : « Ben… quelle question, enfin, Monsieur Toussaint ! Franchement… »

On a l’habitude de voir arriver un homme à l’Élysée. C’est peut-être ça, le monde d’avant… Et au fait, avec qui Marine Le Pen rentrera-t-elle à l'Élysée ? Avec ses chats, a-t-elle répondu à l'indiscret.

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12 mars 2021 à 19:21

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