[AU TRIBUNAL] Samuel Paty : Des policiers hantés par une « vision d’horreur »

© BVoltaire
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Une journée que ces deux policiers municipaux n’oublieront jamais. Ce 16 octobre 2020, vers 6 heures du matin, Cécile, brigadier-chef dans la police municipale de Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), reprend ses fonctions après deux jours de repos. Dans les notes de service, seul un mail du maire l’informe que le 5 octobre dernier, une rixe pour « une affaire de téléphone portable » a éclaté aux abords du collège du Bois d’Aulne. À la veille des vacances scolaires, Cécile juge alors bon d’organiser une patrouille, en fin d’après-midi, pour s’assurer de la sécurité des élèves. Cette journée en apparence banale va se transformer en un cauchemar qui la hante encore, quatre ans plus tard. Ce 8 novembre 2024, devant la cour d’assises spécialement composée pour juger les accusés incriminés dans l'attentat contre Samuel Paty, Cécile témoigne, les larmes aux yeux.

« Il est en train de lui couper la tête »

Comme prévu, ce 16 octobre vers 16 heures, Cécile, accompagnée de Cédric, un policier stagiaire, se rend devant le collège du Bois d’Aulne. « On a vu un regroupement de cinq jeunes, on s’en approche. Et un jeune homme au pantalon noir nous fixe », se souvient-elle. « C’était un regard de défi », précise la policière, qui remarque à cet instant-là que l’individu, physiquement plus âgé, ne porte pas de sac à dos. « On savait que ce n’était pas un collégien », analyse-t-elle. Les jeunes hommes partent en courant. Respectant la procédure, Cécile et Cédric les suivent en voiture mais, rapidement, l’homme au pantalon noir les sème dans une impasse inaccessible. Les deux policiers n’ont d’autre choix que de faire demi-tour. Peu avant 17 heures, alors qu’ils sécurisent toujours l’établissement, un véhicule les interpelle. « Il est en train de lui couper la tête », leur lance une femme, en pleurs et paniquée, assise sur le siège passager, leur indiquant la rue du drame.

Les deux policiers municipaux s’engagent dans cette rue et assistent alors à une scène d’horreur. Quatre ans plus tard, il est encore difficile pour Cécile d’évoquer les faits. Devant la cour, elle laisse passer un sanglot, essuie ses yeux rougis, souffle et reprend d'une voix hésitante. « Au début, j’ai cru que c’était un mannequin…, commence-t-elle. Puis j’ai croisé le regard de Samuel. La tête était déjà coupée de son corps. » Cédric partage le même état de sidération. « Au début, j'ai cru que c'était un masque, comme c'était [bientôt] Halloween », raconte-t-il, avant d’être à son tour gagné par l’émotion. À quelques mètres d’eux gît le corps de Samuel Paty, poignardé à dix-sept reprises et décapité. Leurs regards croisent alors celui d’Anzorov, le terroriste, toujours accroupi au-dessus de sa victime. « Il nous a tiré dessus… On n’était pas armés », se souvient avec impuissance Cécile, qui ne pouvait savoir que l’assaillant pointait vers eux un pistolet airsoft. Avec Cédric, ils quittent alors précipitamment les lieux et tentent d’appeler des renforts. « Il fallait mettre en sécurité les gamins. Fallait que personne ne voie cette horreur. Fallait pas qu’il blesse les gamins », répète-t-elle, le souffle court.

Un sentiment de culpabilité

Une unité de police nationale, armée, finit par arriver et prendre le relais. Eux aussi découvrent avec stupeur le corps du professeur « allongé sur le sol, décapité ». « Une vision d’horreur », se remémore le capitaine de police, en charge ce jour-là. À quelques mètres de là, ils tombent sur l’assaillant, qui semble foncer sur eux, arme à la main. Les policiers ouvrent le feu. Anzorov tombe une première fois et tente de se relever. « Il voulait faire un maximum de dégâts », assure l’officier. Les policiers finissent par l’abattre.

Quatre ans après les faits, cette « vision d’horreur » continue de hanter les fonctionnaires de police présents sur les lieux. « Jamais je n’oublierai le regard [de Samuel, NDLR] quand on est arrivé sur les lieux. Jamais je n’oublierai son visage… La tête était en arrière. Mes yeux se sont fixés dans son regard. Moi, l'image que j'ai de Samuel, c'est pas du tout celle que vous avez. Elle restera toujours », confesse Cécile. Depuis, elle n’a pu reprendre le travail. Sa famille a déménagé au calme, à la campagne. Suivie par des spécialistes et sous traitement, elle reconnaît avoir plusieurs fois songé « mettre fin à ses jours ». Pas un jour ne passe sans qu’elle ne pense à ce 16 octobre 2020. « Depuis cet attentat, tous les jours, je pense à Samuel. Tous les jours, je vois Anzorov, une ombre noire sans visage qui m'arrive dessus. Je sais qu'il est mort... Mais il est là » ajoute-t-elle. Cédric, lui aussi, a eu du mal à reprendre son service. Pudique, il tente devant la cour de cacher son émotion toujours présente. Après avoir suivi un traitement, il a décidé d'arrêter pour ne pas « faire payer » à sa famille les conséquences de l'attentat. Aujourd’hui, il vit avec un sentiment de culpabilité : « On n’a pas pu le sauver. Il y a un petit garçon qui a perdu son papa. Je sais pas… je m’en veux. On m’a dit qu’on n’a pas à être coupables mais je m’en veux », souffle-t-il à demi-voix. Toujours sous le coup de l’émotion, Cécile finit par lancer un appel : « Ce professeur mérite que son nom soit honoré. Il est de notre devoir de leur montrer que Samuel Paty n’est pas mort en vain. » La séance est suspendue.

Clémence de Longraye
Clémence de Longraye
Journaliste à BV

Vos commentaires

18 commentaires

  1. La France depuis quelques années et pire d’aujourd’hui exige que tous les policiers en uniforme notamment les municipaux doivent être armés. Ils sont souvent premiers intervention et c’est une hérésie de la part de certains maires de les envoyer les mains vides à l’abattoir. Dans le cas de cette abomination concernant Samuel Paty, les premiers intervenants ont risqué gros pour leur vie face à un fou islamiste. Les maires doivent prendre conscience qu’en interdisant une arme à ses policiers municipaux, il deviennent complices passifs par leurs décisions insensées. On peut comprendre l’horreur de ce qu’ont vu ces deux policiers sûrement marqués à vie.

  2. Il faut à nouveau donner des armes correctes à la police et les autoriser à s’en servir. La peine de mort, pour les assassins (rescapés) devrait être rétablie et appliquée. Une manière dissuasive de…perdre la tête! La peur doit changer de camps.

  3. Quelle horreur, quelle monstruosité. Comment espérer guérir après un tel traumatisme. Et on hésite encore à armer les policiers municipaux… Quelle hérésie.

  4. A force de s’apitoyer sur le sort des pauvres criminels barbares, en France on n’oublie généralement d’aider les innombrables victimes collatérales de tous ces crimes terroristes.

  5. Les vrais coupables ce sont souvent ceux qui traitent de racistes, voire de fascistes, les personnes qui veulent arrêter l’immigration, refusent l’islamisation du pays et exigent la remigration de ceux qui n’ont rien à faire sur notre territoire. Ils nous traitent d’égoïstes parce que nous refusons d’accueillir toute la misère du monde, et de racistes parce que nous disons que l’islam n’est pas compatible avec notre pays et son mode de vie. Ce sont des gens comme eux qui mettent en danger le peuple, ce sont des personnes comme elles qui sont responsables, au même titre que tous les immigrationnistes, de la mort de Samuel Paty, de Lola, de Thomas, de Philippine, de Kylian, de Nicolas et de tant d’autres qui ne demandaient qu’à vivre, de jeunes gens qui n’ont pu accomplir leur destin, de vieux dont le dernier regard a vu l’horreur innommable.

  6. Je ne comprends pas pourquoi encore des maires n’arment pas leurs policiers municipaux autrement que d’armes non- létales.Ils sont tout de même agents de police judiciaire adjoint selon l’article 21-2 du code de procédure pénale et sont aussi fréquemment les primos-intervenants, d’autant plus que pour être renseigné sur le sujet,leurs formations aux maniement des armes est plus que correcte et ayant eux-mêmes des formateurs. Voilà où mène l’idéologie idiote de certains élus.Pour finir,la création d’une police municipale devrait obligatoirement être soumise à l’armement complet des policiers, sinon,pas de police municipale.D’autant plus que pas un coin de France est désormais épargné par la violence de nos jours.

    • bien sûr que non, il y a un autre prof mais aussi, personne n’en parle, un chef d’entreprise dont la tête s’est retrouvée sur le grillage de l’entreprise, abattu toujours par  » les mêmes  » ( car qui faisait cela avant ?? ), qui était un de ses salariés .

  7. Comment peut on considérer de tels assassins d’être humains. Incompréhensible. Comment peut on nommer d’être humains des politiciens tels ceux de gauche qui ne voient aucun inconvénients que ces gens là venus d’un lointain ailleurs, qui auraient choisi la France comme pays d’accueil pour de mystérieuses raisons, puissent accéder au pouvoir.

  8. Ne plus accepter par peur de baptiser quelques écoles au nom de S.PATY , c’ est une fois de plus reculer devant l’ islamisme .

  9. Le rôle des autorités n’est pas de compatir, mais de mettre en place rapidement des mesures de sécurité préventives et curatives.
    Si l’État, qui est chargé de notre sécurité comme chacun sait, faisait son job, j’accepterais volontiers de passer plus de temps à plaindre M. Paty et les policiers qui ont constaté sa mort.

    • L’impéritie de l’Etat est avérée mais en quoi cela nous empêche-t-il d’éprouver de la compassion pour Mr Paty, victime innocente de cette monstruosité et les policiers confrontés à l’indicible? Vous vous trompez de cible.

    • La compassion, bien naturelle dans ce cas, est utilisée par Macron pour cacher son incapacité à faire le travail pour lequel il a été élu. Braves bisounours, allumez des bougies et faites une marche blanche. Islamistes, vous n’aurez pas ma haine. Eh bien, si !!

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